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Stress-test de marché et Value-at-Risk des hedge funds dans le cadre Solvency II : vers le développement de modèles internes

L’utilisation de modèles de VaR, essentiellement basée sur l’exploitation du track record d’un hedge fund ne rend que partiellement compte des risques réels qu’il véhicule...

Le 2 novembre 2009, le CEIOPS réévaluait à 60% le stress de marché à appliquer aux hedge funds dans le cadre Solvency II. Ce stress doit correspondre à une VaR à 99,5%, horizon 1 an. Contrairement au cas des actifs financiers traditionnels (actions, obligations), les risques liés aux investissements alternatifs - notamment aux hedge funds - sont plus complexes.

Prenons l’exemple d’un fonds Macro/Systématique. Le graphique 1 illustre l’évolution de sa structure de risque, estimée entre février 2007 et janvier 2009. Il apparait explicitement que la performance de ce fonds est générée par un ensemble d’expositions à différents facteurs de risque (change, actions, matières premières), qui varient significativement au cours de la période (entre -170%/+170% pour le risque USD/JPY, entre -50%/+50% pour l’exposition aux actions émergentes asiatiques).

1. Qu’implique le caractère dynamique des structures de risque des hedge funds pour l’évaluation de la Value-at-Risk ?

La majeure partie des modèles de VaR repose sur l’analyse des rendements nets des fonds. Outre les problématiques liées à la non-normalité de leurs distributions statistiques - en grande partie adressées par des modèles spécifiques, reposant par exemple sur la théorie des valeurs extrêmes - la variabilité de leurs structures de risque implique que la seule utilisation des rendements observés ne permet pas de déterminer un profil de risque robuste. En effet, la mise en oeuvre de stratégies d’investissement dynamiques implique une évolution permanente de la nature des risques sous-jacents, alors que dans le cas d’actifs traditionnels ou de stratégies d’investissement passives, les risques sous-jacents sont systématiquement connus et stables dans le temps. Ceci implique que l’utilisation de modèles de VaR (quelle que soit la complexité de la méthode employée) essentiellement basée sur l’exploitation du track record d’un hedge fund ne rend que partiellement compte des risques réels qu’il véhicule.

2. Comment adresser cette problématique ?

Nous avons développé un modèle d’évaluation de la VaR basé sur la Style VaR (SVaR). La SVaR, développée par Lhabitant [2001], vise à calculer la VaR à partir d’une structure de risque statique estimée. Or, comme nous l’avons mentionné précédemment, les structures de risque des hedge funds sont dynamiques. C’est pourquoi nous avons développé la Dynamic Style VaR (DSVaR), destinée à estimer la VaR à partir d’une structure de risque dynamique, telle que celle représentée sur le graphique 1 mentionné plus haut. Ainsi, à chaque observation t est associé un niveau de VaR, déterminé en fonction de la structure de risque estimée en t. Le calcul de la DSVaR est explicité dans l’encadré ci-dessous

Les avantages de la DSVaR sont nombreux :
- prise en compte des non-linéarités véhiculées par les structures de risque des hedge funds (convexité, payoffs optionnels, exposition au risque de liquidité...) ;
- suivi de l’évolution de la VaR en fonction de l’évolution de la stratégie ;
- modèle ouvert à toute méthode d’évaluation des risques extrêmes associés aux facteurs de risque sous-jacents (paramétriques et non-paramétriques) ;
- les risques sous-jacents peuvent être calibrés sur une période significativement plus longue que la période d’observation des performances du fonds considéré.

Le graphique 2 l’évolution de la DSVaR calculée à partir de la structure de risque du fonds Macro/Systématique présentée précédemment. Contrairement aux modèles paramétriques et non-paramétriques standards qui donnent un niveau fixe de VaR, la DSVaR montre que la sensibilité de ce fonds aux risques extrêmes varie significativement en fonction de sa structure de risque, i.e. de l’évolution de sa stratégie d’investissement.

3. Niveaux de VaR des hedge funds et implications pour l’évaluation des stress de marché dans le cadre Solvency II

Nous avons estimé la DSVaR annualisée à 99,5% pour 881 fonds individuels issus de la base TASS, entre février 2007 et janvier 2009. A titre indicatif, le niveau de stress ad-hoc déterminé par le CEIOPS est de 60% (correspondant à une VaR 99,5% horizon 1 an). Sur le graphique 3, nous avons reporté les distributions des VaR estimées : la VaR théorique, la DSVaR moyenne et la pire DSVaR constatée - notée mDSVaR - sur la période d’estimation (qui englobe la faillite de Lehman ainsi que la crise des subprimes). Nous prenons cette dernière mesure - la plus conservatrice - comme référence pour estimer l’impact d’un stress de marché sur les performances des hedge funds.

Nos résultats montrent d’une part que la VaR théorique tend à sous-estimer très fortement les niveaux de risques extrêmes auxquels sont exposés les hedge funds. D’autre part, les niveaux de mDSVaR estimés sont très hétérogènes graphique 4. En conséquence, la détermination d’un stress de marché ad-hoc n’est pas approprié aux hedge funds. Dans 39% des cas, les stress estimés sont supérieurs à 60%. A l’inverse, dans 55% des cas, les stress estimés sont inférieurs au stress actions, fixé à 45% par le CEIOPS.

Au niveau des stratégies d’investissement, les résultats précédents sont renforcés. L’hétérogénéité des niveaux de risque extrême sont très variables d’une stratégie à l’autre. Les gérants Emerging Markets et les CTAs sont les plus gros consommateurs de risque (stress médians respectivement estimés à 74% et 68%). A l’inverse, les niveaux de VaR associés aux stratégies d’arbitrage (Equity Market Neutral, Fixed-Income Arbitrage) sont significativement moins importants (respectivement 37% et 28%).

Bien que ces résultats ont été obtenus à partir d’un échantillon limité (fonds toujours en activité, période février 2007 - janvier 2010), ils mettent en avant la forte hétérogénéité des risques extrêmes véhiculés par les hedge funds.

Nous en tirons deux conclusions. En premier lieu, l’utilisation de stress ad-hoc pour évaluer les risques inhérents aux hedge funds ont de fortes chances de conduire à une sur/sousestimation de l’exposition réelle aux risques extrêmes. En second lieu, il convient de différencier les investissements en hedge funds des investissements en fonds de fonds (pour lesquels le niveau de risque extrême moyen est globalement 3 fois moins important que pour les fonds individuels).

Au final, contrairement au cas des classes d’actifs traditionnelles (actions, obligations...) pour lesquelles l’utilisation de stress ad-hoc est acceptable, nous recommandons le recours à des modèles de stress internes adaptés aux hedge funds dans le cadre Solvency II.

Guillaume Monarcha , Février 2010

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