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Opinion
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De 2010 à 2013, la zone euro a connu une crise grave des dettes souveraines des pays périphériques qui a menacé son existence. La hausse forte des taux d’endettement public depuis 2020, provoquée par la crise sanitaire et la remontée des taux d’intérêt, peut-elle générer une nouvelle crise ?
De 2010 à 2013, l’euro menacé par le risque souverain
De 2010 à 2013, la zone euro a été confrontée à la crise des dettes publiques des pays d’Europe du Sud. La Grèce a failli sortir de la zone euro ouvrant la possibilité à un effet domino. Cette crise s’est matérialisée par l’ouverture des écarts de taux d’intérêt par rapport à ceux de l’Allemagne. Cet écart a pu atteindre, au paroxysme de la crise, 6 points pour l’Italie ou l’Espagne et jusqu’à 50 points de pourcentage pour la Grèce. Cette crise a été occasionnée par la conjugaison d’un double déficit : déficit budgétaire et déficit de la balance des paiements courants. Elle a engendré un climat de méfiance généralisée sur la capacité des États concernés de faire face à leurs échéances de remboursement d’emprunt dans un contexte de faible croissance provoquée notamment par la remontée des cours du pétrole. La défiance a été alimentée pour la Grèce par des erreurs volontaires d’appréciation de la situation économique et financière de ce pays de la part d’établissements financiers. Une dizaine d’années plus tard, la situation économique pourrait faire craindre le retour du risque souverain.
Un contexte favorable à une nouvelle crise des dettes souveraines ?
La guerre en Ukraine a provoqué une forte hausse des cours des matières premières, de l’énergie et des produits agricoles. La croissance s’affaiblit après avoir connu un fort rebond en 2021 après l’épidémie de Covid. Les déficits commerciaux ont tendance à augmenter. Le niveau de la dette publique atteint des niveaux supérieurs à ceux de 2010. La dette a progressé pour les États d’Europe du Sud de 5 à 15 points de PIB depuis 2019. La Grèce est un des rares pays à avoir un niveau d’endettement inférieur à celui de 2010 mais ce dernier demeure élevé autour de 170 % du PIB. En revanche, la situation est moins tendue en ce qui concerne les déficits primaires (déficits sans le paiement des intérêts de la dette). En 2010, l’Espagne, le Portugal et la Grèce avaient des déficits primaires qui dépassaient 5 % du PIB quand celui de l’Italie avoisinait 0,75 % du PIB. En 2022, le déficit primaire le plus élevé parmi les États d’Europe du Sud est celui de l’Espagne, -2,5 % du PIB suivi par celui de l’Italie (-0,5 %). La Grèce comme le Portugal dégagent un excédent primaire. La France a enregistré, en 2022, un déficit primaire plus élevé que la moyenne des États d’Europe du Sud.
L’acquis d’expérience, un élément clef pour la non-survenue d’une nouvelle crise des dettes souveraines
La grande différence avec 2010 est le rétablissement des balances des paiements courants. Entre 2010-2013, la crise était avant tout celle des déficits des balance des paiements qui se situaient entre -5 et -10 % du PIB. Cette crise a abouti à l’arrêt du financement des déficits des pays dits périphériques par les pays dégageant d’importants excédents comme l’Allemagne et les Pays-Bas. Les premiers ont été obligés de rééquilibrer leurs comptes extérieurs. Cette opération a été menée entre 2010 et 2017 au prix d’un fort ralentissement de la demande intérieure. Malgré l’augmentation des cours des matières premières et de l’énergie importée, à l’exception de la Grèce, les États périphériques dégagent encore des excédents au niveau de leur balance des paiements courants. Une fois de plus, la France est dans une situation plus délicate que les pays d’Europe du Sud avec un déficit de sa balance des paiements courants qui s’est accru.
À l’exception de la Grèce, les pays dits périphériques financent désormais leurs investissements et leurs déficits publics à partir de leur épargne domestique, et non plus auprès d’autres pays, ce qui réduit la survenue d’une crise de leur dette souveraine. Une défiance des épargnants de ces pays pourrait provoquer des tensions financières avec la réapparition des écarts de taux.
Un mécanisme de nature fédérale comme arme anti-crise
Afin de prévenir toute crise des dettes publiques, la Banque Centrale européenne a créé le « Transmission Protection Instrument » en juillet 2022, qui lui permet d’acheter spécifiquement la dette d’un pays si les taux d’intérêt de ce pays augmentent anormalement. Cet outil qui est une novation de nature fédérale a un effet dissuasif puissant. Depuis sa création, les écarts de taux d’intérêt entre les pays périphériques et l’Allemagne ont été stables et faibles. Le mise en œuvre de cet outil est conditionnée à l’adoption par le pays en difficulté d’une trajectoire soutenable pour sa dette publique et du respect des règles fiscales européennes. Il ne doit pas avoir été placé sous une procédure de déficit excessif et ne pas être en situation de déséquilibre macroéconomique grave (déficit important de sa balance des paiements courants par exemple).
La Banque centrale européenne mène une politique monétaire relativement prudente. Les relèvements de ses taux directeurs apparaissent modérés au regard du niveau de l’inflation. Les taux d’intérêt réels restent en territoire négatif. Aux États-Unis, la FED mène une politique bien plus stricte. La BCE prend en compte la situation des États et des établissements financiers pour fixer ses relèvements de taux.
L’épidémie de covid et la guerre en Ukraine ont ressoudé les liens entre les États membres de la zone euro. Aucun n’a intérêt à l’implosion de la zone dans un contexte économique incertain. L’Allemagne et les Pays-Bas ont accepté sans rechigner la mise en place de l’outil d’intervention de la banque centrale pour lutter contre d’éventuelles divergences de taux d’intérêt entre les États membres. L’augmentation généralisée des déficits et la montée des sentiments nationalistes ou populistes incitent les dirigeants à plus de souplesse en matière de gestion de la politique monétaire que dans le passé.
Philippe Crevel , Avril 2023
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