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Un Brexit entraînerait un changement de paradigme majeur sur le plan macro-économique et sur les marchés financiers

Le 23 juin prochain aura lieu le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne. Alors que la campagne des partisans du Brexit ou du Bremain s’intensifie, les experts de Natixis Asset Management se sont interrogés sur les impacts...

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Le 23 juin prochain aura lieu le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne. Alors que la campagne des partisans du Brexit ou du Bremain s’intensifie, les experts de Natixis Asset Management se sont interrogés sur les impacts macro-économiques et les conséquences sur les marchés financiers des deux options. Leurs analyses montrent qu’un Brexit entraînerait un changement de paradigme majeur au niveau européen, tant d’un point de vue politique qu’économique.

Un enjeu européen majeur

Selon Philippe Waechter, Directeur de la Recherche Economique, le référendum pose de nombreuses questions sur les conséquences économiques et politiques qui pourraient affecter le Royaume-Uni mais aussi l’ensemble de l’Union Européenne. « Cette consultation va avoir lieu dans un contexte préoccupant pour l’Europe, loin d’avoir retrouvé la dynamique de croissance et d’expansion qui prévalait avant la crise de 2008, ce qui entraîne un taux de chômage élevé, et donc un risque potentiel d’instabilité sociale et politique », explique-t-il. Même si le choix des électeurs est principalement politique, il aura des conséquences économiques importantes.

Une sortie du Royaume-Uni poserait d’abord d’importants problèmes pour les entreprises internationales qui y sont installées. Alors que les investissements en Grande-Bretagne sont principalement liés à la conjonction de la grande flexibilité de l’économie britannique et de l’accès direct au marché unique, un Brexit changerait les règles du jeu en annulant, au mieux pour un temps, cet accès au marché unique. Il risque donc d’entraîner un gel des investissements directs en Grande-Bretagne afin d’évaluer l’évolution des négociations avec l’Union Européenne. « Or l’issue de ces négociations est très incertaine, ajoute Philippe Waechter. S’ils souhaitent limiter l’impact du Brexit sur leurs échanges et donc sur l’économie et l’emploi, les britanniques devront mettre en place un nouveau modèle, ce qui prendra du temps et sera donc pénalisant pour l’économie du Royaume-Uni. »

Le secteur financier, qui représente environ 10% du PIB britannique serait également fortement touché. Le changement de règles associé au Brexit limitera la capacité du système financier britannique à accéder aux structures financières en Euro.

La City risque de perdre une large partie de ses activités de marché en euro. Par ailleurs, on peut s’attendre à des retours importants d’européens installés à Londres.

Cela peut avoir un impact majeur car, au-delà de l’activité purement bancaire, la structure de la population va changer, pénalisant la dynamique même de l’économie de la City et donc de l’économie britannique.

Ces éléments relatifs à l’économie seront encore plus marqués sur le plan politique. Le Royaume-Uni sera seul pour négocier des questions politiques et stratégiques à l’échelle de la planète. Il ne disposera plus de l’Union Européenne comme support et soutien à la négociation. Son poids politique pourrait certainement en pâtir.

Dans le même temps, pour l’Union Européenne, une sortie de la Grande Bretagne serait un facteur important d’instabilité, puisqu’elle éliminerait le sentiment d’irréversibilité qui prédominait depuis les débuts de la construction européenne. « Alors qu’il y a un an, une éventuelle exclusion de la Grèce avait un caractère punitif, dans le cas britannique, l’interprétation serait de l’ordre du "je ne veux plus vivre avec vous", ajoute Philippe Waechter. C’est beaucoup plus fort et pourrait être une incitation pour d’autres pays à s’écarter de l’Union Européenne. »

Le Brexit pourrait ainsi être vu comme une opportunité pour altérer en profondeur la forme, le périmètre et la dynamique de l’Union Européenne.

« C’est pour cela qu’une initiative politique est cruciale, qu’il y ait ou pas un Brexit. Même si le Royaume Uni reste dans l’UE, il faut espérer que le risque de sortie ayant été fort, les Européens prendront des initiatives pour accentuer la dynamique et la construction européenne. Une fois encore, les Britanniques auront été l’aiguillon nécessaire à la construction de l’Europe », conclut Philippe Waechter.

Des marchés actions européens potentiellement chahutés

Les marchés actions européens semblent aujourd’hui encore peu sensibles au risque d’un Brexit. « Les marchés actions restent apparemment indifférents, et on ne constate pas, au contraire, de sous-performance globale de la place londonienne, explique Yves Maillot, Directeur de la Gestion Actions Europe. Néanmoins, on a pu constater ces dernières semaines une claire contre-performance des sociétés britanniques domestiques par rapport à leurs homologues orientées vers l’exportation et l’international, et ce, en raison du décrochage de la Livre Sterling, qui a perdu environ 12% contre l’Euro depuis six mois. »

Selon lui, une sortie du Royaume-Uni de l’Europe serait surtout fâcheuse pour les banques britanniques très orientées sur leur marché domestique, ainsi que pour la City et pour l’industrie financière en général.

« En effet cette dernière ne bénéficierait plus des ‘passeports européens’ qui lui permettent de vendre ses services librement au sein de l’Union, alors même que 75% des activités européennes en banque d’investissement et de financement sont localisées à Londres. Dans ce cas, des transferts de structures sont très probables. De même, certaines banques étrangères dont l’activité (PNB, volume de prêts) est très sensible au Royaume-Uni, sont en position de faiblesse », ajoute Yves Maillot.

D’une manière générale, en cas de Brexit, les marchés actions en Europe devraient subir un choc dont l’ampleur est encore difficile à estimer (5% à 10% voire plus) compte tenu de l’impact macro-économique probable et des liens commerciaux entre l’Union et le Royaume-Uni.

L’attitude beaucoup plus timide des investisseurs internationaux vis-à-vis de l’Europe (avec des flux négatifs sur les fonds d’actions européennes depuis février) est la première matérialisation de ce risque. « Un maintien du Royaume-Uni dans l’Union serait en revanche un vrai soulagement sur les marchés », conclut Yves Maillot.

Des réactions fortes et hétérogènes sur le marché obligataire

Sur les marchés obligataires, le Brexit est perçu comme la menace la plus importante depuis la crise de la dette souveraine en zone euro. « Pour le moment, les réactions des marchés obligataires sont hétérogènes : parfois ignorant superbement ce risque de divorce, comme sur le marché des Gilts ou le crédit corporate, parfois l’anticipant beaucoup (comme en témoignent le fort écartement des spreads bancaires Britanniques et du CDS souverain, ou la baisse de la livre Sterling) », explique Philippe Berthelot, Directeur de la Gestion Crédit. Mais le Brexit aurait pour conséquence un dramatique accroissement des incertitudes, et par là-même une hausse de la volatilité, et son corollaire, une forte aversion au risque, qui se répercuterait à son tour sur les primes de risque de l’ensemble des classes d’actifs.

« Le Royaume-Uni, dont certaines métriques, comme les déficits jumeaux, sont pires que celles de la Grèce, connaîtrait son instant décisif qui ne laisserait pas indemne ses voisins continentaux », ajoute Philippe Berthelot. Au-delà de la chute de la devise (GPB), l’impact se ferait sentir sur le niveau des taux (courts et longs) ainsi que sur l’ensemble des obligations crédit du Royaume-Uni. «  Si le Bremain l’emportait, la devise reprendrait le terrain perdu depuis 6 mois et les obligations bancaires britanniques représenteraient d’excellentes opportunités », conclut l’expert.

Next Finance , Mai 2016

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