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Trumponomie : une conséquence inévitable de la crise ?

Le temps sera peut-être la seule réponse du marché à la question de la véritable signification de la Trumponomie. Elu sur des promesses de dépenses massives, le nouveau président américain a assuré qu’il réduirait les impôts, investirait fortement dans les infrastructures et doublerait le produit intérieur brut du pays.

La Trumponomie ! A l’heure où les marchés spéculent sur les effets que cette politique produira sur l’économie mondiale, nous pouvons, à tout le moins, tenter de comprendre précisément comment nous en sommes arrivés là. Le résultat de l’élection a démenti en effet toutes les prévisions en offrant la Maison Blanche à Donald Trump. Mais si l’on revient sur la route chaotique qui l’a mené jusqu’au Capitole, on constate qu’elle a été jalonnée de signes, au bout du compte, annonciateurs de cette victoire.

Court-circuiter le statu quo

Si elle a semblé inattendue, la victoire de Donald Trump n’a rien d’exceptionnel. Assez ironiquement, c’est Bill Clinton qui, en 1998, a inventé l’expression : « It’s the economy, stupid ». Mais l’animosité et la personnalité des candidats ont éclipsé durant la campagne 2016 un contexte économique qui, d’après nous, a finalement conduit à déterminer le résultat.

Une grande partie de l’électorat américain attendant toujours la reprise. Nombreux sont ceux qui estiment que le plan de relance de 4’500 milliards de dollars mis en œuvre par la Réserve fédérale américaine (Fed) s’en est allée en fumée. C’est tout un segment de la population américaine qui en a éprouvé un sentiment d’inégalité et de désenchantement, assorti de l’envie de trouver un bouc émissaire.

La récession de 2009 a été sans précédent et a contredit le cycle économique traditionnel, déjouant la plupart des prévisions. Sept ans plus tard, les taux d’intérêt sont toujours désespérément bas, l’inflation est bien en-deçà de l’objectif et le gouvernement américain se heurte à un endettement supérieur à 19’800 milliards.

La croissance économique est au point mort, ce qui illustre le nouveau paradigme de la croissance mondiale : modeste, lente mais stable. Ce contexte a stimulé un électorat « frustré » et souvent négligé : des électeurs que même les sondages oublient et qui tiennent les institutions, l’immigration et la mondialisation pour responsables de leurs malheurs. Et si ce scénario commence à vous rappeler quelque chose, ce n’est pas un hasard ! En 1938, l’économiste américain Alvin Hansen a créé l’expression « stagnation séculaire » pour décrire une longue période de croissance économique négligeable voire nulle dans une économie de marché. Cette conjoncture est de nature à donner naissance à un comportement électoral erratique. Il n’est pas étonnant que la Grande Dépression des années 1930 ait coïncidé avec une crise politique ayant anéanti la classe moyenne et, au bout du compte, ait entraîné le monde occidental dans la Seconde guerre mondiale.

La politique du mécontentement

Avec toutes ses fanfaronnades de campagne, Donald Trump a exploité les résidus de la crise financière mondiale, la catastrophe oubliée qui s’attarde dans les foyers. Sur ce terrain, il a trouvé une proportion suffisamment significative d’Américains se sentant exclus d’une reprise qui n’en a jamais réellement été une. Ces personnes n’ont jamais ressenti les effets des mesures de relance tandis que leur salaire progressait peu voire stagnait depuis la crise. Ils constituent un groupe aux yeux duquel les forces de la mondialisation ont balayé les secteurs industriel et manufacturier autour desquels leurs communautés s’étaient bâties.

En novembre, ces gens ont évacué leur frustration avec une telle force qu’elle a bousculé l’immobilisme politique américain. Après le Brexit, c’est un nouveau signe que le courant protectionniste s’est bel et bien répandu à travers le monde, et tous les regards se tournent désormais vers l’Europe continentale. Des élections essentielles se tiendront en Allemagne, en Italie, en France, aux Pays-Bas et en Autriche ces deux prochaines années, ce qui fera de l’Europe le prochain champ de bataille idéologique. Et seul le temps dira si un mouvement nationaliste est vraiment en marche, pas nécessairement les sondages.

De la même manière, après une campagne présidentielle dépourvue de fond, le temps sera peut-être la seule réponse du marché à la question de la véritable signification de la Trumponomie. Elu sur des promesses de dépenses massives, le nouveau président américain a assuré qu’il réduirait les impôts, investirait fortement dans les infrastructures et doublerait le produit intérieur brut du pays.

S’il y parvenait, Donald Trump terminerait son mandat en affichant une réussite économique rarement vue. Mais, s’il a peut-être un don pour déjouer les prévisions, il nous semble peu probable que le Président Trump puisse doubler la croissance économique en cinq ans.

Après tout, le nouveau paradigme de faible croissance dépend de facteurs séculaires (vieillissement rapide des populations, endettement mondial excessif, problèmes de productivité) qui, en fin de compte, échappent à son contrôle.

Stéphane Monier , Décembre 2016

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