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Stock options et mécanismes d’incitation

Suite aux suspicions de délits d’initiés de membres d’EADS, Louis Gallois, chief executive d’EADS, propose d’abolir les stock options. Le recours à ces produits est régulièrement mis en cause. L’année dernière ce fut le « backdating », c’est-à-dire la fixation de la date ex-post, qui avait fait scandale...

Suite aux suspicions de délits d’initiés de membres d’EADS, Louis Gallois, chief executive d’EADS, propose d’abolir les stock options. Le recours à ces produits est régulièrement mis en cause. L’année dernière ce fut le « backdating », c’est-à-dire la fixation de la date ex-post, qui avait fait scandale. Aussi, a-t-on souvent observé des dirigeants exercer leurs stock-options avant de voir la valeur du groupe plonger. Tout ceci fait de ces produits un formidable bouc émissaire et amène le Président Sarkozy à accroître l’imposition pour financer, pour partie, la protection sociale. Cela dit, le but de ces produits financiers, du moins en théorie, est d’aligner les objectifs des dirigeants avec ceux des actionnaires. En effet, on part de l’hypothèse que les intérêts des dirigeants ne sont pas nécessairement en ligne avec ceux des actionnaires, notamment en raison de ce que l’on appelle les « bénéfices privés », c.-à-d. des avantages que se procurent des dirigeants mais qui sont coûteux aux actionnaires.

La théorie économique analyse ce genre de problèmes en recourant à ce que l’on appelle le modèle de Principal-Agent. L’idée sous-jacente c’est qu’un Principal, ici l’actionnaire, délègue la gestion de sa richesse à un Agent, ici le manager. Une question se pose alors, comment inciter l’Agent à maximiser la richesse du Principal. La théorie enseigne que ceci est fait à travers un contrat de rémunération ayant une composante variable. En tout premier lieu, la structure du contrat doit inciter le manager (Agent) à faire un maximum d’efforts. Puis, le contrat étant proposé à l’embauche, il doit attirer des profils plus ou moins actifs et dynamiques. A priori, plus la part variable serait élevée, plus des managers dynamiques seraient poussés à postuler. Cependant, ceci n’est vrai que si la part variable est reliée à une performance contrôlable par le manager. Il y a donc un élément de partage des risques implicite dans le contrat.

Un contrat optimal sélectionne donc les meilleurs profils, on dit que l’équilibre est « separating », c.-à-d. sépare les bons profils des mauvais. Concrètement cela veut dire que l’on départage les dirigeants sérieux des parieurs. Puis, il incite ces dirigeants à faire le maximum d’efforts en vue d’une valeur maximale de la société en question. Afin de déterminer la structure optimale de ces contrats la littérature s’est penchée sur des contrats de rémunération. Trois cas sont considérés : les contrats linéaires, les contrats non-linéaires et les contrats asymétriques. Les contrats dépendent d’un benchmark, c’est-à-dire d’un référentiel que l’on doit battre pour toucher la partie variable.

Plus exactement, le contrat linéaire suppose que le dirigeant est rémunéré avec une part fixe et une part variable, cette dernière étant un pourcentage de l’excès de performance par rapport au benchmark. La part variable peut être négative ou positive. La littérature théorique indique cependant que ce type de contrat n’est pas optimal lorsque la tâche est complexe. Ce constat est connu sous la dénomination « irrelevance result ». Ceci reste d’ailleurs toujours le cas lorsque le contrat dépend non-linéairement de la performance par rapport au benchmark. Dans ce cas, les excès sont rémunérés plus fortement, mais les actionnaires ne savent pas vérifier si les choix stratégiques étaient optimaux au vu des informations disponibles.

Ceci a donc donné lieu à la création de contrats non-symétriques, dont les stock options. La partie variable dépend de l’excès de performance par rapport au benchmark, mais la partie variable ne peut être négative, d’où l’asymétrie. L’industrie s’est intuitivement accordée sur le fait que cette structure de rémunération incite les décideurs à des choix optimaux et à prendre plus de risques. Or comme le montre un article de Ross (2004), ceci n’est pas nécessairement le cas. Tout d’abord, l’asymétrie du contrat accroît la richesse espérée du décideur, ce qui peut l’inciter à prendre moins de risques. Ceci est surtout vrai lorsque son aversion au risque décroît de manière absolue avec la richesse. Un petit bémol à tous ces résultats cependant. Les résultats susmentionnés sont démontrés dans un cadre statique, c’est-à-dire il n’y a pas de considérations de réputation sur plusieurs périodes. En effet, la réputation, lorsque les individus contractent régulièrement, est elle-même une variable fortement incitative.

De tous ces développements théoriques, il semblerait que ce soit difficile de dériver un contrat de rémunération théoriquement optimal. Cependant, la rémunération asymétrique par options, même si elle est quelque peu remise en cause semble toujours la plus efficace. A cet égard, on peut se demander si les débats qui se cantonnent aux effets négatifs des « stock options » ne risquent pas de voiler des pistes plus intéressantes que la remise en cause ces « stock options ». En effet, afin de réduire le risque que des dirigeants encaissent d’énormes plus-values avant de partir, il suffirait de recourir à des options qui ne dépendent pas uniquement de la valeur boursière actuelle, mais d’une moyenne passée. On parle alors d’options asiatiques. Par exemple, la rémunération peut dépendre d’une moyenne géométrique des rendements ou valeurs au dessus d’un seuil. On peut alors aller plus loin encore et spécifier que lorsque l’option est exercée, on prendra en compte un certain nombre de mois futurs pour calculer la valeur ou le rendement moyen. Un dirigeant ne pourra donc plus bénéficier de la valeur de stock options élevées juste avant diminution drastique du cours en bourse.

Enfin, le lecteur aura compris que ce n’est pas la structure de rémunération par « stock options » en soi qui pose problème, mais plutôt la spécification du gain, dénommé payoff. Or ce dernier peut être spécifié au gré des parties en jeu. Espérons que les décideurs européens ne se laissent pas voiler la face par des arguments bancals.

Michel Verlaine , Octobre 2007

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  • Stock options et mécanismes d’incitation 17 octobre 2007  15:01, par Daniel Becker [x-Autre]
    <p>Cet article, qui explique d’une façon claire la problématique principal-agent, est bien structuré dans son développement. Il ne se contente pas de simplement soulever le problème en tant que tel, mais, en partant du problème général il aboutit à une proposition, voire une solution/alternative concrète. En plus, le problème théorique est appliqué à un cas concret actuel, ce qui permet à des gens qui n’ont pas tellement de connaissances financières ou économiques de le comprendre. C’est un article très réussi&nbsp;! DB</p>

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  • Stock options et mécanismes d’incitation 17 octobre 2007  15:14, par Josy bartel del papillon [SSII / éditeurs de logiciels]
    <p>Article très intéressant. Il faut rendre grâce à l’auteur pour avoir mis en lumière l’imoprtance des payoffs.</p>

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