›  Opinion 

Quelques enseignements de la faillite de Lehman

Selon Steen Jakobsen, chef économiste, Saxo Bank, nous n’avons rien appris de notre histoire. L’obsession de la dette a remplacé celle de la productivité et les banques sont désormais plus régulées mais les banques centrales leur ont également donné un accès à l’argent gratuit de façon exceptionnelle.

7 ans jour pour jour après la faillite de Lehman Brothers, l’heure est au bilan. Il semble qu’au lieu d’avoir permis de mieux gérer les excès, les problèmes structurels ou le manque de productivité, cet évènement a seulement servi de catalyseur aux régulateurs. Mais tout n’est pas perdu, et même si les 7 ans à venir doivent être des années plus austères, ce sera positif.

Au 7ème anniversaire de la faillite de Lehman Brothers, il est bon de se poser la question de ce qui a ou n’a pas changé.

Le choc lié à la faillite de Lehman était une excellente opportunité pour gérer les excès, pour résoudre les problèmes de structure et pour se recentrer sur le sujet de la productivité. Au lieu de cela, il a été un catalyseur pour les régulateurs qui ont étendu leur influence en gagnant toujours un peu plus de temps et en essayant d’être crédible avec des solutions qui n’en sont pas.

La réponse fiscale au déficit de croissance alors même que l’argent fuyait a contraint les banques centrales à faire marcher la planche à billets, de façon très importante.

La réponse apportée n’a pas modifié l’ordre économique mondial mais a maintenu un statu quo – sans prendre en considération le besoin pressant de reforme, de prise de responsabilité et d’investissement dans le capital humain et la productivité.

McKinsey&Co a sorti une étude sur la dette et le levier un peu plus tôt cette année intitulée « Debt and (not much) deleveraging ». Elle montre comment, depuis la faillite de Lehman, la dette mondiale a augmenté de 57Mds$ ou 17% de PIB.

Nous n’allons pas mieux ; nous avons seulement mis en gage la croissance des années à venir en nous endettant – nous permettant ainsi d’avoir aujourd’hui notre faible croissance, qui est si lente que les prix Nobel d’économie parlent de « stagnation permanente ».

Nous devons nous rendre compte que les 7 dernières années depuis Lehman ont été des années de dépenses et non des années d’austérité tant au niveau des investissements que des solutions proposées. Les régulateurs et les politiques ont continué à faire croire que les choses allaient s’améliorer à court terme, sans réforme, sans prise de responsabilité et sans croissance. Cela se traduit finalement par l’absence d’espoir et un besoin extrême d’un nouveau départ.

Et nous voyons aujourd’hui le résultat : chômage, croissance atone et faible productivité. Dans chaque pays on a l’impression d’essayer de survivre à la crise mois après mois ; cela rend la situation encore plus complexe puisqu’on ne fait se soucie que du court terme.

Nous n’avons rien appris de notre histoire. L’obsession de la dette a remplacé celle de la productivité et les banques sont désormais plus régulées mais les banques centrales leur ont également donné un accès à l’argent gratuit de façon exceptionnelle.

Les banques, les politiques et les banques centrales ont créé un triumvirat où chacune des entités est co-dépendante des autres pour maintenir son pouvoir. Mais aucune ne peut aujourd’hui vraiment faire face à la réalité, aux investissements non productifs et à cette obsession de la politique monétaire alors même que rien ne prouve dans l’histoire économique que cela puisse favoriser la croissance, l’emploi ou la productivité. Les expériences du passé montreraient plutôt le résultat inverse.

Lehman aurait pu être une vraie crise, un vrai changement de cap et de modèle. Au lieu de cela, on a gagné du temps – temps qu’on aurait mieux fait d’utiliser de façon intelligente. Pendant ces 7 dernières années, l’économie et la société sont restées au point mort.

Les élections en Europe nous montrent que le tissu social est menacé et que l’emploi, l’innovation et la croissance pâtissent de cette situation.

Les 7 prochaines années seront des années d’austérité, de diète mais le résultat sera positif. Le coût du capital augmentera, remettant en cause les investissements non productifs. Cela remuera certainement les marchés financiers, qui sont devenus un refuge pendant ces 7 années d’opulence, de régulation et de faux-semblants sans que ce soit pour autant une bonne chose.

Les salaires sont au plus bas, la productivité également. La solution ?

Je parlerai humblement ici de mon « triangle des Bermudes de l’économie » qui montre qu’en arrêtant la politique monétaire actuelle qui soutient seulement 20% de l’économie (banques et entreprises publiques), les 80% restant recevront plus de prêts, à meilleur coût et que cela entraînera des créations d’emplois via des investissements croissants dans le capital humain et dans la technologie.

La bonne nouvelle est donc que c’est simple. La mauvaise c’est que les banques, les banques centrales et les politiques souhaitent encore garder le pouvoir et les projecteurs sur eux avant que ce soit trop tard. Notre avenir repose sur la réalité. Il faut reconnaître la difficulté de faire des réformes et de favoriser le retour à la productivité et accepter d’échouer avant de connaître le succès. On se rappellera de Lehman et par extension des 7 dernières années comme ces années où on a su ne rien faire. Ce sera aussi le souvenir de la période la moins productive ; une période où les réseaux sociaux ont pris la place de la famille, de l’école et des amis. Un univers parallèle où la réalité n’est plus que le pendant de la vie digitale.

Mais le retour à la réalité est proche comme le traduit la récente volatilité sur les marchés. Cet accroissement de la volatilité est le symbole d’un système qui n’a plus beaucoup de temps. Le jeu des chaises musicales a commencé ; le plus grand risque étant qu’il n’y ait pas qu’une seule chaise en moins mais 4 ou 5 quand la musique s’arrête.

Mais ce retour à la réalité nous emmènera dans une décennie de prospérité car nous serons à nouveau concentrés et prêts à aborder les vrais sujets : la dette et le manque d’investissement sur le capital humain. Finalement, n’avons-nous tous pas envie de faire un régime ?

C’est ainsi, et il ne faut pas avoir peur de cette fin de cycle – ces années d’opulence – maintenant c’est l’heure du régime protéiné.

Bon voyage.

Steen Jakobsen , Septembre 2015

Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

Focus

Opinion Les contrats à terme « Total Return » devraient poursuivre leur croissance compte tenu de l’engouement des investisseurs

En 2016, Eurex a lancé les contrats à terme « Total Return Futures (TRF) » en réponse à la demande croissante de produits dérivés listés en alternative aux Total return swaps. Depuis, ces TRF sont devenus des instruments utilisés par une grande variété d’acteurs à des fins (...)

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés