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Prévisions trimestrielles - "Europe : jusqu’ici tout va bien..."

Selon Christopher Dembik, Saxo Bank, pour la première fois depuis la crise de la dette de 2012, c’est l’optimisme qui prévaut quant au sort de la zone euro. Tout porte à croire que l’activité économique va continuer à progresser de façon soutenue.

La zone euro affiche (enfin) une croissance généralisée

« C’est l’optimisme qui prévaut quant au sort de la zone euro », observe Christopher Dembik, Responsable de la recherche macro-économique.

Contrairement à l’indice CESI (Citigroup Economic Surprise Index) américain, qui se trouve à son plus bas niveau depuis deux ans, l’économie de la zone euro est quant à elle ancrée en territoire positif depuis le quatrième trimestre 2016, et les résultats économiques enregistrés ont généralement dépassé les prévisions générales depuis le début de l’année.

Après avoir des années durant conjugué chômage élevé et croissance lente, la zone euro semble remise sur les rails. L’indicateur de croissance EuroCoin suit une tendance à la hausse (+0,70 %) et de nombreux indicateurs anticipés ont déjà confirmé cette dynamique positive de la croissance, comme le nombre des immatriculations de nouveaux véhicules, au plus haut depuis 10 ans, ou les dernières enquêtes réalisées auprès des consommateurs. Le ralentissement de la consommation enregistré au premier trimestre 2017 était en fait une anomalie liée à de faibles dépenses en services publics en raison de températures exceptionnellement élevées.

Soutenu par le développement de l’emploi et du crédit, le rythme de croissance de la consommation dans la zone euro reste clairement orienté favorablement à court et moyen termes, probablement autour de 1,4-1,5 % en glissement annuel.

Le populisme a atteint son point culminant

« Le populisme semble traverser une crise en Europe », ajoute Christopher Dembik.

Le risque politique a été mal évalué par le marché au cours du premier semestre de l’année. Le résultat des élections aux Pays-Bas et en France, ainsi que les sondages en Allemagne (qui indiquent une victoire sans appel de la CDU/CSU avec 41 % des intentions de vote contre 25 % pour le SPD, et l’effondrement de l’AfD avec moins de 10 % des intentions de vote), confirment que les investisseurs ont exagéré le risque politique.

Le populisme semble traverser une crise en Europe, comme en témoignent en Finlande la dissolution du groupe parlementaire des « Vrais Finlandais » et en Italie les difficultés électorales rencontrées par le mouvement Cinq Étoiles. En Europe, le risque politique est retombé et s’est déplacé vers les États-Unis en raison de la possibilité croissante d’une destitution de Trump.

Les capitaux reviennent

« Le risque politique a été mal évalué par le marché »

La baisse du risque politique et de bonnes performances économiques ont suscité un choc de confiance, entraînant une augmentation des flux entrants de capitaux dans la zone euro. Ainsi, pour la première fois depuis trois ans, les positions longues sur l’euro sont majoritaires. Le marché boursier européen est également en train de rattraper son retard (avec des rendements de 15,4 % en cumul annuel contre 7,1 % pour les États-Unis).

Le retour des investisseurs vers les actifs européens s’explique également par la crainte d’une correction sur le marché américain.

Le rapport du PER sur l’indice de volatilité VIX est à son plus haut niveau, envoyant des signaux d’avertissement aux investisseurs et les incitant à favoriser les marchés sur lesquels les actions sont moins chères, comme le marché européen (et dans une moindre mesure les marchés émergents).

La star de l’année : l’investissement

Au niveau mondial, on assiste à une récupération de l’investissement, depuis son niveau le plus faible atteint en août 2016, lorsque le taux de croissance annuel était inférieur à 1 %. Le dernier trimestre 2016 montre un net renversement de tendance et les enquêtes menées auprès des entreprises indiquent à présent que cette dynamique positive devrait s’accentuer.

Dans la zone euro, les dépenses d’investissement ont été importantes au premier trimestre 2017 et devraient poursuivre leur amélioration au cours des six prochains mois, d’après les prévisions économiques. Cependant, la reprise des investissements n’est pas encore chose faite, car les entreprises espèrent encore d’autres signes confirmant l’orientation de l’économie mondiale. Ce sera, de mon point de vue, le véritable déclencheur d’une croissance du PIB supérieure et plus durable au sein de la zone euro.

Toutefois, la zone euro doit également faire face à des vents contraires qui pourraient faire avorter la reprise économique.

Les marchés doutent que les banques centrales puissent obtenir les résultats escomptés en termes d’inflation et de salaires

Le point mort d’inflation sur 10 ans s’élève pour l’Allemagne à 0,98 %, pour la France à 1,05% et pour l’Italie à 0,94 %. L’inflation et les salaires sont en effet parmi les indicateurs économiques les plus à la traîne dans la zone euro. L’effet de base provenant du pétrole n’aide pas non plus, étant donnée la récente pression à la baisse exercée sur les cours du brut. Au quatrième trimestre 2016 et au premier trimestre 2017, la croissance des salaires s’était nettement améliorée jusqu’à ce que la tendance s’inverse et chute à nouveau.

Le taux de croissance des salaires indiqué par Eurostat est en baisse, à 1,4 % en glissement annuel au premier trimestre, et l’estimation de la Banque centrale européenne est tombée à 1,25 % (la tendance est comprise entre 1,4 % et 1,5 %). La croissance des salaires devrait rester modérée à moyen terme, compte tenu du fait que 18 % de la population active de la zone euro reste sous-employée (selon les estimations de la BCE). L’absence de pression à la hausse sur les salaires complique considérablement la tâche de la BCE, qui a concentré son action au cours des derniers mois sur le chômage généralisé, la qualité de l’emploi et la croissance des salaires.

En conséquence, il est fort probable que la BCE rencontre des difficultés pour annoncer un ralentissement progressif de sa politique d’achats de titres en septembre.

Celui-ci pourrait être reporté à la fin de l’année, en fonction de l’ensemble des données recueillies. Un « tapering » différé pourrait s’avérer favorable pour l’évolution des marchés, mais il serait également la preuve que la reprise économique de la zone euro reste fragile.

L’impulsion du crédit ralentit à l’échelle mondiale

Jusqu’à présent en Europe, la croissance du crédit reste largement favorable à l’activité économique. Concernant les réserves, la croissance de la masse M3 et celle des prêts au secteur privé se sont révélées positives depuis 2015, atteignant respectivement 5,4 % et 1,9 % en glissement annuel au premier trimestre 2017.

Plus en détail, la croissance du secteur privé de l’UE a considérablement augmenté dans les principaux pays de l’union, en particulier l’Allemagne et la France (avec un fort rebond depuis la mi-2016), mais reste encore négative dans de nombreux pays dits du « Club Med », notamment l’Italie qui mérite avec raison sa réputation « d’homme malade » de la zone euro.

En termes de flux, le panorama est légèrement moins brillant et confirme une lente reprise. Au premier trimestre 2017, l’impulsion du crédit s’est affaiblie en raison de la réduction des flux de crédit et d’effets de base défavorables. Toutefois, ce modeste recul devrait être compensé à moyen terme par les indicateurs relatifs à la demande globale, très encourageants (en particulier les indicateurs PMI).

La véritable question est de savoir durant combien de temps la zone euro sera capable de résister à la décélération globale de l’impulsion du crédit.

Au cœur de ce ralentissement il y a la Chine, avec ses investissements de moins en moins productifs et sa politique de durcissement des règles de crédit pour lutter contre la finance parallèle. Dans une moindre mesure, l’Europe est aussi affectée par le ralentissement économique des États-Unis (ce qui, au demeurant, est une étape plutôt habituelle dans le cycle économique après huit ans de phase ascendante).

Si les 6 mois de délai classique entre l’évolution du crédit et son impact sur la croissance du PIB sont maintenus, cela signifierait que l’économie mondiale, y compris la zone euro, devrait ralentir à un certain moment au cours du second semestre.

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une science exacte et on peut imaginer une intervention des banques centrales ou des mesures d’incitation fiscale en Chine qui permettraient d’éviter ce scénario. Pour la zone euro, le défi consiste à transformer l’optimisme actuel, lié à un risque politique plus faible et à l’effet « Macron », en points de croissance, afin d’empêcher que la fin du cycle économique américain ne vienne stopper le redressement européen.

Vous penserez que je suis naïf, mais je crois que le duo « Merkcron » peut être à l’origine d’une initiative politique réussie pour relancer le projet européen après les élections allemandes, et conserver ainsi cet optimisme.

La chancelière allemande, Angela Merkel, ne se représentera sans doute pas aux élections en 2022, et comme toutes les personnalités politiques, elle souhaite à n’en pas douter que ses réussites restent dans les mémoires… or, pour l’instant, la liste est très courte. De son côté, Macron sait bien que s’il ne parvient pas à améliorer la situation économique d’ici la fin de son quinquennat, le Front National aura toutes ses chances d’arriver au pouvoir.

Il existe une véritable convergence d’intérêts entre les dirigeants français et allemand, qui pourrait être le moteur de projets européens aussi ambitieux que ceux réalisés sous Giscard et Schmidt.

La création d’un budget unique pour la zone euro pourrait en être un exemple et constituerait un outil de relance lorsque l’économie touche le fond.

Christopher Dembik , Juillet 2017

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