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Perspectives Royaume-Uni : God save the consumption...Pour l’instant !

Selon PrimeView, cabinet indépendant de recherche économique et financière, nous sommes loin d’observer au Royaume-Uni la matérialisation d’un retour de la croissance grâce à une politique de l’offre efficace. C’est même tout le contraire : c’est en subventionnant à nouveau la demande que l’économie britannique est sortie de l’ornière !

PrimeView, cabinet indépendant de recherche économique et financière, vient de publier une étude [1] dévoilant les dessous de la récente réussite du Royaume-Uni, et évaluant la solidité de cette soudaine reprise. Cinq ans après le début d’une crise ayant révélé le caractère hautement artificiel de sa croissance passée, les bonnes performances réalisées par l’économie britannique poussent un certain nombre d’observateurs à extrapoler cette croissance pour les années à venir, permettant au pays de s’extirper du marasme tenace dans lequel la zone euro semble vouée à se débattre pendant de longues années. Nous doutons cependant de la pérennité de cette reprise véritablement entamée mi-2012. Pourquoi ? Car elle repose essentiellement sur un levier largement artificiel : la bonne tenue de la consommation des ménages, ayant reposé essentiellement sur la baisse de leur taux d’épargne. Mais les déséquilibres s’accumulent chez notre voisin d’outre-Manche et il convient de ne pas faire de triomphalisme au sujet de la trajectoire à venir pour le Royaume-Uni, pour qui le chemin vers une expansion pérenne restera semé d’embuches…

Nous sommes loin d’observer au Royaume-Uni la matérialisation d’un retour de la croissance grâce à une politique de l’offre efficace. C’est même tout le contraire : c’est en subventionnant à nouveau la demande que l’économie britannique est sortie de l’ornière ! La reprise du pays repose essentiellement sur un levier largement artificiel : la bonne tenue de la consommation des ménages (revenue à quelques encablures de son niveau d’avant crise) et de la consommation publique (en progression de +5 % par rapport à son niveau d’avant crise). Au contraire, l’investissement reste encore le parent pauvre de la reprise : les investissements des entreprises et en logement se trouvent respectivement -19,2 % et -17,2 % en deçà de leur niveau d’avant crise…

Cette tendance n’est toutefois pas propre au seul Royaume-Uni et traduit bien le mal qui sévit actuellement dans les pays riches : passer d’un environnement d’expansion naturelle à celui d’une stagnation incite les agents privés à repousser leurs investissements, en dépit d’un coût de l’argent maintenu historiquement bas par la Banque Centrale d’Angleterre. Pourquoi ? Simplement parce que le retour sur investissement est aujourd’hui beaucoup plus incertain que par le passé. Ménages et surtout entreprises semblent ainsi convaincus du caractère transitoire de cette reprise, plus quantitative que qualitative. Et cela à juste titre : les ménages ne disposeront bientôt plus de cartouches supplémentaires pour consommer plus ! En effet, loin d’être alimentées par l’augmentation des salaires, leurs dépenses ont été permises par la hausse de leur endettement et surtout par le reflux de leur taux d’épargne.

Comment expliquer qu’en dépit d’un environnement certes meilleur mais sans être mirobolant, les ménages anglais aient fait preuve d’autant d’audace ? C’est probablement le résultat d’une politique économique et monétaire claire poursuivant un double objectif :

  • Favoriser l’emploi coûte que coûte. Les autorités sont en passe de gagner ce pari, avec des créations d’emplois conséquentes et un taux de chômage ayant reflué (6,8 % contre 8,4 % en 2011), même s’il reste au-dessus de son niveau d’avant crise (environ 5 %). Malheureusement, une large partie des emplois créés sont à temps partiel ou faiblement rémunérés (contrats « zéro heure »), comme le montre l’absence d’augmentation de la masse salariale distribuée, en dépit de la hausse du nombre d’emplois créés.
  • Créer un effet richesse positif qui dope le moral des ménages. Sur ce plan, la mission est plus qu’accomplie : l’indice de confiance des ménages s’est récemment envolé pour retrouver quasiment son niveau d’avant crise. Ce résultat est le fruit d’une politique ayant poussé les prix des actifs financiers (les actions) et non financiers (immobilier) vers le haut.

C’est sur ce point qu’il faut d’ailleurs insister : on constate une très bonne corrélation entre la richesse créée au Royaume- Uni (le PIB) et les performances boursières et immobilières. Rien de bien surprenant à cela : lorsque les prix montent, l’enrichissement des ménages qui s’ensuit, même s’il reste virtuel, les pousse à faire preuve d’optimisme donc… à consommer. Avec une consommation des ménages pesant 65 % du PIB total du pays, vous obtenez ainsi un puissant moteur de croissance.

Pourquoi cet enchaînement ne deviendrait-il pas vertueux en s’autoalimentant dans les années à venir ? Car l’appréciation des prix des actifs n’est pas le fruit du rapport entre une offre et une demande solvable, mais la conséquence de l’interventionnisme de la Banque Centrale. Or entre l’absence d’inflation salariale, l’augmentation des crédits distribués pour financer la consommation et la baisse du taux d’épargne des ménages, le pays ne nous semble pas en mesure de stabiliser cette position de déséquilibre encore longtemps.

D’autant que les problèmes du Royaume-Uni paraissent de plus en plus structurels : d’une part, le pays affiche un déficit public plus conséquent que tous les pays européens (-5,8 % en 2013 contre -3 % en moyenne en zone euro) ; d’autre part sa balance commerciale présente un déficit structurel, s’expliquant par la perte de certains avantages comparatifs traditionnels (notamment dans le secteur des services financiers) qui dopaient auparavant la croissance du pays. La fuite en avant consisterait à suivre la voie ouverte par le Japon : imprimer des billets de banque pour financer les déficits courants… Faire un tel choix pourrait toutefois déboucher assez rapidement sur une fuite devant la monnaie, entraînant un effondrement de la livre et un scénario similaire à ce qu’a connu l’Argentine au début des années 2000.

Camille Guinoiseau , Pierre Sabatier , Septembre 2014

Notes

[1] « Perspectives Royaume-Uni – God save the consumption… Pour l’instant ! », 16 septembre 2014

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