Aujourd’hui, la quasi intégralité du gisement obligataire souverain core et crédit Investment Grade de la zone Euro se traite à taux réel négatif à l’exception des émissions souveraines périphériques, Espagne, Italie, Portugal qui présentent sur les échéances longues des taux réels positifs, ou bien certaines émissions subordonnées pour les financières et hybrides pour les corporates.
L’estimation d’inflation en septembre 2017 dans la zone Euro est de 1,5% et l’objectif d’inflation statutaire de la BCE est 2%. A la date de notre dernier OMEGAMO, l’inflation anticipée à 5 ans dans 5 ans était de 1,64%.
Dans ce contexte, au 16 octobre 2017, les taux de rendement des émissions de l’Etat Français sont négatifs jusqu’à 5 ans, le taux à 10 ans s’élevant (si l’on peut dire…) à 0,77% et le 30 ans à 1,74%. A la même date, l’Espagne « offre » un rendement à 10 ans de 1,56%. Seules l’ltalie et le Portugal à 10 ans affichent des rendements égaux ou supérieurs à l’objectif d’inflation de la BCE, à respectivement 2% et 2,32%. Cependant, toutes échéances confondues, le rendement de l’indice Barclays Treasury est de 0,55% à la même date !
La situation des rendements sur le marché du crédit Investment Grade n’est pas fondamentalement différente en terme de taux réels (le taux d’intérêt nominal moins l’inflation anticipée) : l’indice Barclays Euro Aggregate Corporates au 16 octobre affiche un rendement de 0,50% et son équivalent pour les financières 0,68%. Ainsi, les émissions corporates et financières disponibles sur le marché primaire Investment Grade présentent début octobre les profils suivants : par exemple Cofiroute avec une maturité de 10 ans, est assortie d’un rendement actuariel de 1,23%, Legrand SA à 6 ans 0,59% ; PSA Banque France à 5 ans 0,72%, La Banque Postale à 7 ans 1,01%...
Ainsi, il faut aller sur le marché du High Yield pour trouver des rendements nominaux supérieurs à l’inflation.
Le rendement de l’indice Barclays High Yield Euro au 16 octobre était de 2,88%. A titre d’exemple sur le marché primaire, Altice Finco SA, maturité 15/01/2028 offrait un rendement actuariel lors de son émission récente de 4,75%, mais avec une notation B-.
Le chemin qui nous a conduit à cette situation de rendements réels négatifs sur l’essentiel du gisement obligataire est bien connu. Le « whatever it takes » de Mario Draghi n’était pas une vaine promesse et s’est concrétisé à la fois par une baisse des taux directeurs jusqu’à entrer en territoire négatif à -0,40% pour le taux de dépôt et par la mise en œuvre d’un programme d’achats d’actif (QE) à partir de mars 2015 d’un montant initial de 80 milliards par mois, puis 60 milliards à partir d’avril 2017.
Cette politique qualifiée de « non conventionnelle » de la Banque Centrale Européenne et de ses homologues, a transformé le marché obligataire en marché administré avec un acheteur en dernier ressort exerçant une forte pression à la baisse des rendements.
Même si les achats d’actifs ont concerné les souverains et le corporate Investment Grade, la baisse des rendements s’est étendue par sympathie aux autres segments du marché obligataire, guidée par la quête de rendements des investisseurs. Ce type de politique des Banques Centrales, pratiqué également au Royaume Uni, aux Etats Unis et au Japon a été qualifié parfois de « Répression financière », les rendements ainsi administrés se déconnectant artificiellement du risque des émetteurs.
Dans son principe pourtant, orienter le taux de financement des acteurs de l’économie réelle en fonction des cycles économiques a toujours fait partie des missions des banques centrales, l’instrument des taux directeurs permettant d’agir sur l’arbitrage entre épargne d’une part, consommation et investissement d’autre part, en fonction des besoins de l’économie.
Ainsi, favoriser des taux élevés permet d’encourager l’épargne dans les périodes de surchauffe de l’activité caractérisées par une pénurie de capacités de production et de main d’œuvre pouvant engendrer une hausse excessive de l’inflation. Encourager au contraire des taux bas permet de décourager l’épargne, dans les périodes dans lesquelles la consommation et /ou l’investissement sont jugés insuffisants, avec une inflation à la traîne.
Agir via les taux directeurs, ou bien via les achats d’actifs, s’inscrit dans la panoplie classique des banquiers centraux pour y parvenir.
Ce qui fait le caractère spécifique de la situation actuelle n’est donc pas le type de moyens employés ni même les objectifs recherchés, mais leur ampleur : 2400 milliards de rachats d’actifs à ce jour pour la seule BCE (soit un montant supérieur au total du stock de dette publique de la France) et un taux directeur négatif.
La conséquence de cette politique, à savoir des taux réels négatifs sur l’essentiel du gisement obligataire, n’est pas non plus une première historique : à l’époque des chocs pétroliers des années 70 et de l’inflation galopante à 2 chiffres, les taux réels étaient déjà négatifs.
Puisque les principes qui sont la cause de la situation actuelle sont finalement plus conventionnels qu’il n’y paraît, il existe bien un chemin rationnel fondé sur l’expérience, permettant à l’Asset Manager d’agir de manière adaptée.
L’Asset Manager qui doit investir dans la situation actuelle, pour faire face aux tombées dans les poches obligataires des fonds ou des mandats, doit continuer d’inscrire son action dans la perspective de préserver le pouvoir d’achat du capital confié, dans le respect des objectifs spécifiques et des règles d’investissement de chaque portefeuille.
L’allongement de la maturité des titres en portefeuille et la recherche de signatures High Yield de qualité ou Non ratées peuvent en effet permettre de limiter l’impact des taux réels négatifs.
La diversification avec un principe de granularité, par l’élargissement de l’univers de rating autorisé est appliquée dans le cadre strict du process de gestion obligataire d’EGAMO, après analyse financière et extra financière et validation par le Comité Risque Emetteurs. L’allongement des maturités peut être effectué, mais de manière raisonnable, car les taux finiront par remonter ! Accepter sur des échéances plus courtes des rendements réels négatifs dans l’immédiat peut efficacement contribuer à accompagner la remontée des taux lorsqu’elle se produira.
Le gérant de portefeuille doit éviter deux écueils inhérents au contexte actuel qui sont une prise de risque insuffisamment rémunérée au regard de la qualité des signatures, et un allongement excessif des maturités qui en limitant les manques à gagner à court terme, reporterait à plus tard sous forme de coût d’opportunité la facture de la répression financière.
La performance des poches de diversification permet de compenser le coût des rendements réels négatifs qui affecte les poches obligataires de portage. Sur les marchés d’action, la présence par défaut d’intervenants de court terme en raison des taux réels négatifs sur les marchés obligataires peut certes créer un supplément de volatilité, mais c’est une source d’opportunités exploitable par le gérant dans le cadre d’ajustements tactiques.
Plus structurellement, l’investissement sur les marchés d’action est plus que jamais justifié car il permet de bénéficier de la contrepartie positive de la politique de taux réels négatifs coûteuse sur la poche obligataire : le but de la sanction appliquée à l’épargne à taux fixe est en effet de relancer l’activité économique et donc de favoriser l’amélioration du résultat des entreprises. La diversification sur la poche action est un bon moyen de neutraliser les effets de la politique de taux réels négatifs !
Dans ce contexte, le dialogue entre l’Asset Manager et les Institutions pour lesquelles il gère des portefeuilles continue d’être indispensable, pour une bonne compréhension mutuelle et l’adéquation des actifs aux passifs.
Charles Bouffier , Equipes de gestion d’EGAMO , Octobre 2017
Cette 3ème édition met en lumière l’évolution de la connaissance et de l’appétence des épargnants français pour les produits d’épargne responsable et mesure en parallèle les convictions et l’appropriation du sujet par les conseillers (...)
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