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Les obligations internationales en 2012

Selon Bob Jolly, responsable des gestions Global Macro chez Schroders, une grande partie des mauvaises nouvelles semble déjà intégrée dans les cours. Les obligations émises par des entreprises solides, riches en trésorerie et disposant d’un pouvoir important de fixation des prix restent attractives...

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Certains se souviennent peut-être du tube « Turning Japanese » du groupe « The Vapors » dans les années 80. Ce titre n’avait sans doute pas pour ambition d’anticiper les éventuelles similarités entre la récession japonaise du début des années 1990 et celle qui frappe actuellement les pays occidentaux.

Ceci étant, les 20 ans de marasme économique et de craintes persistantes de déflation subis par le Japon pourraient peut-être donner aux investisseurs un éclairage utile sur l’environnement actuel. Les décideurs politiques parviendront-ils à éviter une nouvelle année de remous et d’inquiétudes sur notre capacité à nous remettre de notre propre bulle financière ?

Il existe des similarités évidentes entre la récession japonaise et les difficultés auxquelles les Etats-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni sont confrontés à l’heure actuelle.

Toutefois, on peut aussi constater des différences majeures, en particulier la réponse des responsables politiques à la crise ainsi que l’importance grandissante des pays émergents s’agissant de la croissance économique et de la prospérité mondiale.

Les parallèles avec le Japon

Commençons par examiner les similarités. La crise japonaise a commencé avec l’éclatement de la bulle de l’immobilier et des actions, alimentée par le laxisme des banques nippones en matière de crédit. Dès lors, les banques se sont mises à thésauriser leurs liquidités et les consommateurs à épargner fortement, accentuant la stagnation économique. Pour stimuler la croissance, les autorités japonaises ont investi massivement et pris des mesures de sauvetage des banques. Cependant, voyant le foncier et les actions chuter de 60% dans certains cas, entreprises et consommateurs ont opté pour la prudence.
Le taux d’épargne au Japon est aujourd’hui l’un des plus élevés au monde. Alors que les ménages et les entreprises ont accru leur épargne, l’Etat continue d’afficher un déficit budgétaire massif et la dette publique totalise près de 200% du PIB.
Il existe des similarités évidentes avec la situation des Etats-Unis, de la zone euro et du Royaume-Uni. Ces pays ont laissé les banques gonfler leur bilan et prêter aux ménages de façon excessive. Ceci a propulsé les prix de l’immobilier à des niveaux injustifiés au regard des multiples traditionnels.
Il en a résulté un effondrement des prix de l’immobilier aux Etats-Unis et des cours boursiers en général, qui a poussé les banques centrales à baisser massivement leurs taux d’intérêt, les gouvernements à pratiquer des plans de relance et même à injecter des capitaux dans certaines banques en grande difficulté. Les taux d’intérêt se retrouvant souvent proches de zéro, les banques centrales ont largement recouru à l’assouplissement quantitatif (une monétisation qui ne dit pas son nom) afin de contrer le risque de déflation. Conséquence : les dettes publiques en pourcentage du PIB se sont envolées.

Réaction des banques centrales

A première vue, cette situation ressemble fort à celle qu’a connue le Japon. L’une des grandes différences cependant concerne le délai entre l’éclatement de la bulle immobilière et la rapidité de la réaction à la crise du crédit a suivi.

Initialement, la Banque du Japon a hésité à adopter des mesures non conventionnelles en raison du niveau élevé de l’épargne au plan national, craignant de voir sa valeur réelle s’évaporer avec l’envolée potentielle de l’inflation. Le parti au pouvoir s’inquiétait pour sa part de l’état des finances publiques. Décelant les prémices d’un retour de la croissance, la banque centrale a relevé ses taux prématurément, plongeant le pays dans une nouvelle récession. L’effet négatif de la thésaurisation et de la contraction du crédit a perduré pendant six ou sept ans avant qu’un plan de sauvetage des banques ne soit mis en œuvre.

Si les réponses politiques aux problèmes du Japon sont très similaires à celles apportées à la crise du crédit de 2008, la différence essentielle réside dans la rapidité avec laquelle les autorités ont réagi. La déflation n’est pas enracinée aux Etats-Unis et en Europe et bien que les ménages aient judicieusement réduit leurs dépenses, nous n’observons pas pour autant de course à l’épargne.

Les avancées sur le plan politique risquent d’être plus lentes que les marchés ne le souhaiteraient, et s’il nous semble impensable que les responsables de la zone euro laissent les événements conduire au chaos économique, cette perspective n’est pas totalement exclue.
Bob Jolly

Quid de la suite ?

Les crises de la dette se suivent mais ne se ressemblent pas. Les investisseurs sont confrontés à une forte incertitude quant à la réponse de la zone euro aux craintes du marché sur la solvabilité de l’Espagne et de l’Italie, entre autres. Les Etats-Unis sont à un an d’une élection présidentielle, Républicains et Démocrates se laissant aller à des querelles partisanes au lieu de se concentrer sur l’économie et le niveau élevé de la dette publique et du chômage.

Il est clair que la maîtrise des dépenses publiques doit être la priorité des gouvernements. Deux aspects irréfutables sont à prendre en compte :
Premièrement, nous vivons désormais plus longtemps et les seuils actuels de départ en retraite ont été fixés avant que les progrès de la médecine n’aient permis d’allonger l’espérance de vie. L’accroissement du nombre de retraités met les finances publiques sous pression, notamment en raison de la hausse continue des dépenses médicales. Il faut s’attendre à ce que les prestations de santé soient bientôt placées sous condition de ressources et que nous devions travailler plus longtemps.
Deuxièmement, l’écart accru des anticipations de croissance doit être comblé. Pendant que l’Occident laissait filer sa dette, les pays émergents se sont considérablement enrichis. Ces derniers, notamment en Asie, ont accumulé un excédent considérable de leur balance commerciale et de leurs comptes courants ces dix dernières années. Deux raisons à cela : tout d’abord, l’appétit insatiable des consommateurs occidentaux pour les produits asiatiques ; ensuite, le choix de certains pays latino-américains et surtout asiatiques de maintenir un taux de change avantageux par rapport au dollar. Le ralentissement des dépenses des ménages américains et européens, alliée à l’adoption de taux de change flottants par les pays émergents, permettra un certain rééquilibrage de la demande mondiale.

La zone euro doit accepter une plus grande intégration ou se résigner à abandonner la monnaie unique.
Bob Jolly

Perspectives pour 2012

Nous anticipons des avancées dans plusieurs domaines en 2012.

La zone euro doit accepter une plus grande intégration ou se résigner à abandonner la monnaie unique. Les difficultés actuelles de l’Europe résultent notamment de divergences en termes de croissance rendues insoutenables par une union monétaire imposant des taux directeurs communs. Des réformes structurelles s’imposent et la coordination accrue des politiques budgétaires est l’une des conditions du succès de l’euro. Faute de quoi, les tensions iront croissant et les problèmes s’aggraveront.

Malgré l’impopularité des réformes nécessaires, les marchés et la logique économique forceront les décideurs à procéder aux ajustements requis, bien que les progrès risquent d’être plus lents que souhaité. Les banques centrales continueront d’adopter des mesures non conventionnelles d’une taille et d’une fréquence sans doute accrues pour contrer l’impact de l’austérité budgétaire, et celui du désendettement des banques et des ménages.

L’appréciation des monnaies asiatiques devrait se poursuivre, sans doute plus lentement que ne le voudrait Washington (entre autres), mais pour des raisons internes telles que la réduction de l’inflation et l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages.

Les valorisations des actions et les spreads de crédit intègrent déjà une grande partie des mauvaises nouvelles.
Bob Jolly

Conclusions

L’incertitude ne plaît pas aux marchés. Si l’incertitude politique risque de rester élevée en Occident, les événements au Moyen-Orient continuent d’assombrir l’environnement auquel nous sommes confrontés.

Cependant, s’il parait inapproprié de prendre comme référence le niveau des valorisations boursières et des spreads de crédit prévalant avant la crise financière pour déterminer le point d’équilibre du marché, une grande partie des mauvaises nouvelles semble néanmoins déjà intégrée dans les cours.

Les obligations émises par des entreprises solides, riches en trésorerie et disposant d’un pouvoir important de fixation des prix restent attractives à nos yeux.

Les taux des emprunts d’Etat des pays qui disposent de leur propre devise et d’une politique monétaire souveraine devraient rester extrêmement bas. En supposant que des progrès soient accomplis vers une plus grande intégration des Etats membres de la zone euro, les emprunts de pays tels que l’Italie et l’Espagne pourraient devenir intéressants.

Toutefois, les avancées sur le plan politique risquent d’être plus lentes que les marchés ne le souhaitent, et s’il nous semble impensable que les responsables de la zone euro laissent les évènements conduire au chaos économique, cette perspective ne peut être totalement exclue. Nous continuons d’adopter une approche tactique sachant que la volatilité va demeurer élevée

Bob Jolly , Décembre 2011

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