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Opinion
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Les marchés des actions des marchés émergents ont surperformé ceux des marchés développés de 5% depuis mi-mars. Mais cette tendance positive peut-elle se poursuivre et quels risques comporte-t-elle principalement ? Quatre analystes du Credit Suisse partagent leurs opinions.
A première vue, les marchés émergents (ME) semblent plus solides qu’à la fin des années 1990. Lors d’une conférence téléphonique organisée par le Research Institute, Andrew Garthwaite, Global Equity Strategist au Credit Suisse, résume : les indexations sur les monnaies ont disparu, la proportion de la dette libellée en devises étrangères dans le PIB a été presque divisée par deux, et peu de pays souffrent de déficits jumeaux. Cependant, selon lui, « beaucoup d’observateurs oublient que quatre aspects se sont dégradés ». Le plus problématique ? L’endettement du secteur privé, la dette intérieure étant supérieure de 15% à la tendance sur les ME. La position structurelle de la Chine s’est détériorée depuis les années 1990 et la croissance de la population active émergente est passée de 2% à 1%. Il y a donc généralement peu de capacités inexploitées sur le marché du travail.
Stratégiquement, un achat se justifie si devises et actions sont bon marché, si les matières premières peuvent surperformer et si les ME affrontent leurs problèmes fondamentaux, comme la dette excessive du secteur privé et un chômage anormalement bas, explique Andrew Garthwaite. « Or, la seule solution à ces deux (derniers) problèmes passe par une période de croissance inférieure à la tendance. » Tactiquement, il n’y a actuellement que deux signaux d’achat : l’exposition des hedge funds aux ME, à son point le plus bas en 3 ans en mars ; et les fonds de ME, avec des sorties de capitaux record sur 12 ans. Les sept autres indicateurs tactiques, dont la dynamique des bénéfices, la dynamique économique relative, les rendements des obligations d’Etat des ME et la dynamique des prix, sont neutres.
En bref, aucun indicateur stratégique ou tactique n’est à l’achat. Pour Andrew Garthwaite, « le consensus du marché surestime la situation des ME par rapport à la dernière crise des ME de la fin des années 1990. Mais certains pays peuvent être intéressants », comme Taïwan (techniquement), la Chine (bon marché mais très risquée), la Corée, la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque (CE3). L’Inde est dans le milieu du classement : c’est potentiellement le grand marché le plus intéressant en tant qu’importateur de matières premières doté de solides moteurs structurels de croissance, avec sa démographie favorable et son faible taux d’urbanisation. L’Inde est aussi en tête de la scorecard des consommateurs des ME du Credit Suisse.
Les résultats du récent Credit Suisse Global Investment Returns Yearbook indiquent que les ME ont changé ces 7 à 8 dernières années. « Nous y avons vu bien moins de crises sur la dernière décennie. Ils sont devenus moins volatils que les marchés développés (MD) et sont plus étroitement corrélés entre eux ainsi qu’aux MD. Ils sont moins risqués », souligne Michael O’Sullivan, CIO UK & EEMEA pour la division Private Banking & Wealth Management du Credit Suisse. La volatilité moyenne des rendements frôle les 26%, contre 40% en 2000. Pour diversifier un portefeuille d’actions de MD, le Brésil, l’Inde et la Russie sont relativement peu corrélés aux MD. « Les meilleures stratégies sur les ME – d’après les 120 années de données analysées par le Credit Suisse – consistent à acheter sur des valorisations faibles. Les rendements les plus élevés sont dégagés lorsque les rendements en dividende sont élevés et que le ratio cours/bénéfices est bas. Deuxième stratégie : acheter quand la devise est faible ou le PIB en recul récent, conseille Michael O’Sullivan. Au cours de la prochaine décennie, certains ME imposeront probablement de petites primes sur les MD. »
Pour Stefano Natella, Global Head Equity Research de la division Investment Banking du Credit Suisse, la croissance en Amérique latine a été décevante, plus proche des MD que des ME. Selon lui, « le talon d’Achille de la région vient du sous-investissement dans les infrastructures tangibles (p. ex. les routes) et intangibles (p. ex. l’innovation et le capital humain). » La moyenne des investissements totaux dans les infrastructures n’était que de 2% du PIB sur la dernière décennie, moins de la moitié du minimum requis pour une croissance de 4,5%. Ces dernières années, des plans stratégiques de long terme ont cherché à combler le manque d’infrastructures adaptées, remarque Stefano Natella. Parallèlement, la consommation privée explose, notamment au Mexique et au Brésil. « La consommation a été portée par les classes moyennes, qui représenteront plus des 2/5e de la population d’ici 2030, contre à peine plus d’un tiers en 2009 ». La formalisation de l’économie, avec davantage de travailleurs recensés, est un autre facteur de solidité de la consommation.
Pour Richard Kersley, responsable Global Equity Research Product de la division Investment Banking du Credit Suisse, le profil du consommateur émergent diffère fortement d’un pays à l’autre et dans un même pays, d’après l’Emerging Consumer Survey annuel de la banque, qui interroge 16 000 habitants des neufs plus grands ME. « Les deux plus grands marchés, la Chine et l’Inde, sont très différents. La fourchette de revenus est très large en Chine, alors que les revenus des consommateurs indiens sont faibles. La majorité des consommateurs des ME est encore très pauvre, mais l’émergence d’une classe moyenne est à souligner, avec 60 millions de foyers entrés dans cette catégorie depuis la fin 2010 – surtout au Brésil ».
Par ailleurs, les prévisions de croissance des revenus ruraux dépassent désormais celles des villes. « En Inde, les immatriculations sont plus nombreuses à la campagne qu’en ville, tout comme les dépenses mensuelles en connexions mobiles », explique Richard Kersley. Les consommateurs des ME sont également jeunes. « Dans sept des neuf pays étudiés, les 18-29 ans gagnent plus que les 56-65 ans et dépensent différemment ».
Près de la moitié des indices de marchés frontières (MF) sont composés d’Etats du Golfe, où le goût du risque est très prononcé. « Le Golfe est le principal moteur de ce thème », avance Richard Kersley. « Les MF sont les ME d’l y a 20 ans et offrent la même trajectoire de croissance à venir. A mesure que les investisseurs recherchent la croissance, les MF deviennent plus intéressants, ajoute Michael O’ullivan. Mais les valorisations ne sont pas très attractives et la liquidité est un problème sur les MF ».
Dorothée Enskog , Mai 2014
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