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Les investisseurs souverains délaissent l’Europe au profit de la Chine, selon une étude d’Invesco.

Invesco publie son 7ème rapport annuel Invesco Global Sovereign Asset Management Study [1] sur le comportement complexe des fonds souverains et des banques centrales en matière d’investissement, qui témoigne cette année du désenchantement des investisseurs souverains vis-à-vis de l’Europe.

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Cette année, l’étude a été menée par le biais d’entrevues auprès de 139 investisseurs souverains individuels et de gestionnaires de réserves de banques centrales dans le monde représentant 20 300 milliards de dollars US [2], dont 71 banques centrales (62 en 2018), reflétant ainsi leur statut croissant d’investisseurs souverains.

Les obligations remplacent les actions en tant que plus importante classe d’actifs pour les investisseurs souverains

L’année 2018 a été difficile pour les fonds souverains, car la faiblesse et la volatilité des marchés boursiers ont entraîné une baisse du rendement global des investissements. En moyenne, les investisseurs souverains ont dégagé des rendements de 4% en 2018, contre 9% en 2017. Malgré la baisse des rendements, les performances des fonds souverains ont été satisfaisantes compte tenu des rendements négatifs des actions mondiales, qui ont baissé de 8,7% en dollars américains sur l’année, selon l’indice MSCI World [3].

La majorité des investisseurs souverains (89%) anticipent une fin du cycle économique dans les deux prochaines années. Cette anticipation combinée aux préoccupations liées à la volatilité et à la perspective de rendements négatifs des actions a entraîné une augmentation des allocations obligataires et une diversification accrue des allocations vers les infrastructures, l’immobilier et les actions non cotées.

Les allocations obligataires sont passées de 30% en 2018 à 33% en 2019, devenant la plus importante classe d’actifs des fonds souverains. Dans le même temps, les allocations aux actions ont reculé de 33% à 30%, marquant ainsi la fin de la tendance quinquennale entre 2013 et 2018, au cours de laquelle les obligations ont baissé de 35% à 30%, les actions ayant affiché de solides gains.

Des marchés actions difficiles en 2018 ont mis en évidence les limites des stratégies passives pondérées en fonction des capitalisations boursières, ainsi que des stratégies factorielles plus basiques. Certaines stratégies factorielles les plus populaires, par exemple « value » et « momentum » ont affiché des performances inférieures aux attentes des investisseurs souverains en 2018, et certains de ceux qui ont adopté une approche simple consistant à « fixer une fois pour toute » l’allocation à leurs facteurs ont accusé des rendements négatifs. Cela incite à abandonner l’approche uni-factorielle pour adopter des positions multifactorielles permettant de mieux s’adapter aux conditions changeantes de marché.

Des investisseurs souverains optimistes sur la Chine

La cote d’attractivité de la Chine pour les investisseurs souverains s’est améliorée plus que pour toute autre grande région depuis 2017. Et 82% des fonds souverains ont indiqué que les tensions commerciales avaient eu une influence sur leurs décisions d’allocation d’actifs. Pour autant, l’attractivité de la Chine en tant que destination des investissements au cours des trois prochaines années affiche une note moyenne de 6,1 sur 10 parmi les investisseurs souverains, une augmentation sensible par rapport à une note de 5,2 en 2017.

Bien que l’étude ait été menée lors d’une période de bras de fer toujours en cours sur fond de guerre commerciale, les personnes interrogées ont vu dans l’engagement pris par la Chine afin d’améliorer la protection de la propriété intellectuelle un motif d’optimisme quant à la résolution de ces tensions.

L’enquête révèle que la dynamique unique de l’économie chinoise plaît aux investisseurs souverains en quête d’une plus grande diversification, les actions demeurant la classe d’actifs la plus favorisée. Environ 90% des fonds souverains ayant une exposition en Chine ont conservé des actions chinoises, ce qui indique que les mesures prises par le gouvernement pour ouvrir le marché aux investisseurs étrangers portent leurs fruits. Les allocations obligataires devraient également augmenter avec l’inclusion de la Chine dans les principaux indices et initiatives obligataires, tels que le mécanisme du « Bond Connect », permettant aux investisseurs étrangers d’accéder au marché obligataire local. La transparence reste un obstacle important à l’augmentation des allocations des investisseurs souverains sur la Chine, alors que pour les fonds n’ayant pas d’allocation existante sur ce pays, les restrictions en matière d’investissement et le risque de change sont considérés comme les principaux obstacles.

Les investisseurs souverains ne considèrent plus l’Europe comme une zone économique attractive

La combinaison d’un ralentissement de la croissance économique et de la perception d’un risque politique croissant a entraîné une diminution de l’attractivité des principales économies européennes. Le Brexit influence désormais les décisions d’allocation d’actifs de 64% des fonds souverains (graphique 3). Alors que la politique intérieure de la zone euro continentale, considérée comme de plus en plus incertaine avec l’ascension des mouvements populistes dans les grandes économies européennes telles que l’Allemagne et l’Italie, a un impact sur les décisions d’allocation d’actifs pour 46%. Du coup, l’Europe a perdu la faveur des investisseurs souverains, près d’un tiers d’entre eux ayant réduit leur allocation européenne en 2018, alors qu’une baisse similaire est attendue en 2019. Seuls 13% des fonds souverains prévoient d’augmenter leurs allocations sur l’Europe cette année, contre 40% alloués sur l’Asie et 36% sur les marchés émergents.

Le Renminbi occupe une plus grande place dans les réserves des banques centrales

Dans l’ensemble, les banques centrales estiment que la fin du cycle économique sera caractérisée par un ralentissement progressif plutôt que par une crise économique. Cependant, l’incertitude liée à l’environnement de marché, conjuguée à une Réserve fédérale de plus en plus « belliciste », a conduit nombre d’entre elles à rechercher la sécurité grâce à une allocation accrue aux dépôts et, dans certains cas, à l’or.

Les banques centrales ont acheté 651,5 tonnes d’or en 2018, soit le deuxième montant annuel le plus élevé jamais enregistré, en hausse de 74% par rapport à l’année précédente1. Plus d’un tiers (35%) des banques centrales ont augmenté leur allocation au cours des trois dernières années, 32% s’attendant à une nouvelle hausse des cours sur les trois prochaines années, mais l’ensemble des avoirs en or reste stable à environ 4% de l’ensemble des réserves. Les répondants de l’étude ont fait état de problèmes supplémentaires liés à l’or en tant qu’actif de réserve, notamment la volatilité, les coûts de stockage et les implications politiques des ventes : 75% des banques centrales étaient d’accord ou fortement d’accord pour affirmer que la vente de leurs avoirs en or attirerait une couverture médiatique négative dans leur pays.

Les banques centrales continuent de se diversifier, délaissant les rendements négatifs des obligations d’État (surtout en Europe) au profit des dépôts bancaires et en restant à l’écart du dollar américain. Le principal bénéficiaire en a été le Renminbi et, entre 2017 et 2018, les allocations à la devise chinoise ont dépassé celles en dollars australien et canadien, 43% des banques centrales en détenant désormais dans leur portefeuille, contre 40% en 2018. Plus du quart (27%) des banques centrales devraient continuer d’augmenter leurs réserves en Renminbi en 2019, ce qui en fera la devise la plus favorisée pour l’année à venir, cette augmentation d’allocation devant être arbitrée au détriment de l’USD, de l’EUR et du GBP. Bien que le dollar reste la devise de réserve dominante, les allocations ont atteint un plus bas sur cinq ans, passant de 62,7% des réserves mondiales en devises à 61,7%.

Les considérations environnementales placent l’ESG sous les feux de la rampe

L’ESG est un sujet de plus en plus important pour les investisseurs souverains et les banques centrales. Depuis 2017, le pourcentage de fonds souverains ayant une politique ESG spécifique est passé de 46% à 60% (graphique 5). 20% des banques centrales ont maintenant une politique ESG, contre 11% en 2017. Les approches ESG sont de plus en plus sophistiquées, elles sont passées au-delà de la simple sélection à des formes d’intégration plus avancées.

On note également un changement d’orientation en termes de nature de l’activité ESG. Si les gestionnaires d’actifs se sont, par le passé, concentrés sur des questions de gouvernance en raison des avantages en termes de risque et de rendement plus clairs, ces facteurs sont maintenant souvent pris en charge par les gestionnaires adoptant l’ESG. Pour les investisseurs souverains, les préoccupations environnementales sont de plus en plus au centre de leurs préoccupations, les émissions de carbone et le changement climatique constituant le principal sujet en matière d’ESG.

Alex Millar, Head of EMEA Institutional Distribution Sales, Invesco commente : « notre étude annuelle mondiale sur les fonds souverains montre que les investisseurs souverains et les banques centrales se préparent à la fin du cycle économique actuel dans un horizon de deux ans, ce qui les amène à être plus défensifs et diversifiés dans leurs portefeuilles. Les fonds souverains ont réduit leur exposition aux actions en faveur des obligations, mais ils continuent d’ouvrir la voie avec des engagements à long terme croissants sur les marchés privés, qui, pour les plus grands d’entre eux, comprennent désormais des investissements directs en Chine et dans le secteur technologique. Le virage vers la Chine, à un moment où les tensions commerciales ont un impact négatif sur les marchés boursiers, démontre la capacité des investisseurs souverains à regarder au-delà des escarmouches géopolitiques à court terme et à capitaliser sur la dynamique des fondamentaux, en l’occurrence la maturation continue de la deuxième plus grande économie mondiale. Il convient de noter le développement rapide de la mise en œuvre des critères ESG par les investisseurs souverains, avec l’accent mis sur les questions Environnementales et non plus sur les initiatives en matière de Gouvernance. »

Next Finance , Juillet 2019

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Notes

[1] Il s’agit de la 7ème étude Invesco portant sur la gestion d’investisseurs souverains. En 2019, nous avons mené des entretiens auprès de 139 investisseurs souverains dont 71 banques centrales. L’échantillon de 2019 est divisé selon trois paramètres : type d’investisseurs souverains, région et taille des actifs sous gestion. L’échantillon des banques centrales 2019 est classé entre marché développé et marché émergent.

[2] Données fournies par NMG Consulting : les actifs des investisseurs souverains interrogés s’élèvent à 20 300 milliards de dollars USD au 31 décembre 2018

[3] MSCI World index (USD) au 31 décembre 2018

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