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La politique monétaire américaine parait trop accommodante et depuis trop longtemps

Les situations en Europe et aux Etats-Unis divergent de plus en plus et bon nombre de questions sont en suspend : la croissance américaine résistera-t-elle à la fin du QE ? L’augmentation des salaires aux Etats-Unis est-elle le signe avant-coureur d’une hausse de l’inflation ? L’Europe va-t-elle mettre en place un véritable assouplissement monétaire ?

Il est difficile, à l’heure actuelle, de se forger des convictions très fortes sur les perspectives. Les études économiques sont positives, mais les données sous-jacentes sont plus mitigées. La fin du Quantitative Easing aux Etats-Unis devrait engendrer un surcroit de volatilité et des inquiétudes demeurent quant à la capacité de l’économie américaine à résister à ce sevrage.

Alors que les nouvelles émissions auxquelles nous assistons sont pour la plupart de bonne qualité (c’est-à-dire qu’il s’agit d’émissions lancées pour de bonnes raisons, comme le refinancement de dettes existantes plutôt que seulement s’endetter davantage), les clauses contractuelles et les options de remboursement anticipés (covenants et call protection) se sont détériorées.

En conséquence le pouvoir est passé des mains des prêteurs à celles des emprunteurs. Des clauses contractuelles défavorables nous ont conduit à refuser de participer un certain nombre d’émissions. C’est d’ailleurs grâce à notre approche non contrainte que nous avons pu nous permettre de refuser ces opérations.

Les spreads sur le High Yield sont relativement étroits, mais cela reste gérable et la chasse aux rendements reste d’actualité. Les taux de défaut devraient rester faibles et la période actuelle de croissance ne devrait pas les voir augmenter de manière substantielle.

En réalité, ce qui nous inquiète réellement est que la politique monétaire américaine est trop accommodante et qu’elle le reste trop longtemps.

Le positionnement du portefeuille

A ce stade du cycle, nous privilégions la préservation du capital : approximativement deux tiers de nos lignes en obligations High-Yield hors financières sont des obligations garanties par des actifs des entreprises émettrices, ce qui devrait nous permettre de réduire le risque.

D’une manière générale, nous aimons les obligations les plus senior, tout en haut de la structure du capital et adossées à des actifs tangibles.

De plus, nous restons concentrés sur des secteurs relativement défensifs (c’est-à-dire en Grande-Bretagne ou en Europe du Nord).

Une duration courte, légèrement pimentée

A l’heure actuelle, le fonds pourrait être résumé ainsi : une duration courte, légèrement pimentée. Les revenus devraient jouer un rôle plus important dans les rendements futurs, les situations spéciales étant l’autre source de performance. Les perspectives macroéconomiques étant si incertaines, nous préférons nous concentrer sur la microéconomie et les entreprises.

Actuellement, 25% du portefeuille est investi en obligations bancaires (pour jouer sur le désendettement et les recapitalisations) et 8% en obligations souveraines australiennes (pour jouer sur la faiblesse de le Chine).

Les autres thématiques clés du portefeuille sont le refinancement des plates-formes pétrolières et les sociétés spécialisées dans le rachat de créances. Enfin 15% de l’exposition du portefeuille au High Yield s’est faite sur des obligations remboursables par anticipation que nous estimons susceptibles d’être rachetées avant leur maturité, que ce soit pour mettre en place un refinancement à un taux plus bas ou pour des raisons propres à l’entreprise. Central European Media (CTV), dont Time Warner détient une large part, est une des belles opérations que nous avons faites sur ce thème.

Co-Op Group

Parmi nos récents investissements se trouve le Co-operative Group (pas la banque !). Nous pensons que les choses sont en train de changer pour le groupe : le récent vote en faveur d’une réforme et d’une amélioration de la gouvernance est une très bonne nouvelle, et les perspectives de cession de certains actifs (comme l’activité pharmaceutique) et la réduction du soutien en capital à la banque sont également des facteurs très positifs. Nous avons acheté ces obligations avec un spread de 400pb qui s’est depuis resserré à 350pb et nous pensons qu’il peut encore se contracter à mesure que l’effet de levier baisse.

Un pied en Argentine

Notre exposition aux marchés émergents est inférieure à 10%. Elle inclut de la dette souveraine mexicaine, notre exposition aux plates-formes pétrolières et une petite ligne, nouvellement acquise, dans de la dette souveraine argentine. Ce pays a été considéré un temps comme un paria par les marchés financiers mais il adopte peu à peu une politique qui leur est plus favorable, sans compter les réformes économiques et le changement de gouvernement qui devraient avoir lieu un peu tard dans l’année.

Duration : le timing est essentiel

Opter pour une duration courte (approximativement 2 ans) ne nous aura pas été favorable cette année. Nous continuons d’apprécier le profil asymétrique des Bons du Trésor américains à 5 ans, et bien que notre couverture à court terme ne soit pas profitable depuis le début de l’année, nous persistons à penser que le risque principal concernant les Etats-Unis pour les investisseurs obligataires réside dans la croissance qui pourrait être plus importante qu’escomptée.

Avec la perspective d’un assouplissement monétaire en Europe, nous avons décidé de couper nos positions courtes sur les obligations souveraines françaises et allemandes.

Environ un tiers du portefeuille est constitué de produits à taux variables, qui sont corrélés positivement avec les taux d’intérêt, investi dans des bons du Trésor grecs avec un rendement d’environ 3%. Notre investissement en dette souveraine chypriote à un an est terminé. Enfin, le pari dollar américain contre livre sterling continue de représenter 5% du portefeuille.

Perspectives

Le récent rallye sur l’extrémité longue du marché des bons du Trésor américains suggère que l’incertitude demeure quant à l’impact que produira la fin du QE aux Etats-Unis : quels en seront les effets sur la croissance économique ? Malgré ce rallye sur la partie longue, la courbe des taux reste très pentue et le point mort d’inflation (breakeven) n’a pas tellement baissé (voire pas du tout). Tout porte donc à croire que ce rallye provenait davantage d’une réévaluation des perspectives de croissance que de véritables craintes d’une installation de la déflation. Les chiffres du premier trimestre se sont avérés relativement médiocres, surtout à cause des conditions météorologiques, mais certains signes, dont les derniers chiffres du chômage et d’autres plus anecdotiques, montrent que l’économie américaine devrait rebondir au deuxième trimestre. Nous continuons donc de penser que la croissance aux Etats-Unis va rester honorable et que les rendements obligataires vont augmenter petit à petit.

Aux Etats-Unis, l’inflation ne devrait pas être un problème l’année prochaine. Malgré un marché immobilier morose et un marché de l’emploi mitigé, l’augmentation des salaires nous semble être un potentiel indicateur avancé de tendances inflationnistes plus larges, nous continuons donc à surveiller de près cette donnée.

En Europe, les craintes déflationnistes sont au cœur des décisions et il est probable que la BCE assouplira sa politique monétaire d’ici la fin du deuxième trimestre. Cela devrait tout d’abord se traduire par une baisse des taux et par la mise en place de mesures supplémentaires pour augmenter les crédits aux petites et moyennes entreprises qui ont besoin d’un accès au financement, à un taux compétitif qui plus est, surtout en Europe périphérique. Nous n’excluons pas la possibilité que la BCE mette en place un véritable assouplissement monétaire, une fois que ces mesures initiales auront produit leurs effets.

L’économie britannique se porte, quant à elle, beaucoup mieux que le reste de l’Europe.

Cependant, Mark Carney va vraisemblablement reporter aussi longtemps que possible une augmentation des taux d’intérêt et essayer de mettre en place des mesures macro-prudentielles, en premier lieu pour calmer toute surchauffe du marché immobilier.

L’expérience des pays nordiques nous montre que ce type de mesure a un impact relativement limité et a eu tendance à simplement retarder un resserrement inévitable des taux d’intérêt.

Ariel Bezalel , Juillet 2014

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