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La menace de l’ « ogre déflationniste »

Christine Lagarde est la dernière personnalité de premier plan à évoquer le risque déflationniste. Elle devait notamment déclarer qu’ « avec une inflation inférieure à l’objectif de beaucoup de banques centrales, nous voyons un risque croissant de déflation, ce qui pourrait s’avérer désastreux pour la reprise »...

Christine Lagarde est la dernière personnalité de premier plan à évoquer le risque déflationniste. Elle devait notamment déclarer qu’ « avec une inflation inférieure à l’objectif de beaucoup de banques centrales, nous voyons un risque croissant de déflation, ce qui pourrait s’avérer désastreux pour la reprise ». Et d’ajouter : « si l’inflation est le génie, alors la déflation est l’ogre qui doit être combattu sans merci ». Avant elle, Mario Draghi s’était à plusieurs reprises exprimé sur le risque déflationniste en zone euro. Et il semble qu’un nombre croissant d’investisseurs tiennent de plus en plus compte de ce risque.

Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la faiblesse de l’inflation dans la plupart des pays de l’OCDE, en l’illustrant notamment par le graphique ci-dessous.

L’accroissement du risque déflationniste peut résulter de nombreux facteurs, comme :
1. Le comportement non-coopératif de certains pays. Ainsi, au Japon, tout est fait pour combattre la déflation.
La baisse du yen fait partie de l’arsenal utilisé. Le dollar-yen était inférieur à 80 au troisième trimestre 2012, il vaut aujourd’hui 104. En conséquence et en tendance, les prix à l’exportation tendent à baisser. 2. Les politiques de « dévaluation interne » menées dans les pays de la zone euro, destinées à rétablir les équilibres externes, contribuent également à ralentir la progression des prix.

La baisse de l’inflation augmente, toutes choses restant égales par ailleurs, les taux réels, ce qui constitue une très mauvaise nouvelle pour les pays fortement endettés. En zone euro par exemple, il faut relativiser la convergence des taux nominaux par les performances en matière d’inflation. Celle-ci est actuellement de 1.4 % en Allemagne, et le rendement du bund de 1.78 % (taux réel de 0.38 %). En Italie, les chiffres sont, respectivement, de 0.7 % et 3.8 % (taux réel de 3.1 %), en Espagne de 0.3 % et 3.7 % (taux réel de 3.4 %), au Portugal de 0.2 % et 5.2 % (taux réel de 5 %), etc… Inutile de rappeler les niveaux de dette respectifs de ces pays.

Au Royaume Uni, l’inflation est revenue, pour la première fois depuis longtemps, sur sa cible de 2 %. Le gouvernement s’en réjouit (le premier impact de cette évolution étant une augmentation du pouvoir d’achat), mais il est assez symptomatique d’observer que tout le monde ne s’en réjouit pas. Les sceptiques mettent en avant la fragilité du marché du travail au Royaume Uni (25 % de la population active travaillant à temps partiel, 250000 contrats zéro selon l’ONS, fort chômage des jeunes), l’importance du « productivity gap » qui, s’il est comblé, exercera également une force baissière sur les prix, la faiblesse de la croissance des salaires, etc… Pour eux, la reprise n’est pas acquise, et le risque déflationniste, ou en tout cas d’inflation durablement inférieure à l’objectif, n’est pas nul. Le marché en tout cas ignore pour l’instant ce risque, puisque les breakevens des gilts indexés sont à des niveaux normaux, et la pente de ces breakevens n’est pas anormalement pentue. Il est vrai que les gilts indexés jouissent d’un soutien structurel important, avec la demande récurrente des fonds de pension.

Aux Etats-Unis, en dépit de la reprise de l’activité, l’inflation ne dépasse pas 1.5 %, d’après les chiffres de décembre publiés aujourd’hui. Cela a conduit à une légère baisse des points morts d’inflation.

Un autre risque associé à ces inflations faibles est donc une modification des anticipations inflationnistes, une remise en cause de l’idée que l’inflation, sur moyen terme, doit être stable autour de sa cible. En zone euro, la courbe des swaps inflation s’est fortement pentifiée au cours des derniers mois tout en glissant vers le bas. Et il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une hiérarchie existe, désormais, entre les anticipations de court terme et de long terme des analystes interrogés par la BCE. Tant que la courbe des points morts d’inflation a cette forme, le risque associé aux anticipations n’est pas trop important (à long terme, ces anticipations restent encore relativement bien ancrées). Il faudra commencer à s’inquiéter si les swaps inflation ou les breakevens longs continuent de baisser. A noter quand même que celui du bund€i 10 ans est repassé sous 1.5 %, et n’est plus très éloigné des plus bas atteints à la fin de l’année dernière. Cela peut être dû en partie à l’adjudication de bund€i23 d’avant-hier , mais c’est aussi un niveau qui s’explique par le manque d’appétit pour les papiers indexés (la part des émissions de papiers indexés dans l’ensemble des émissions reste plus faible qu’avant la crise).

Stratégies associées

1/ Nous avons déjà recommandé de jouer une contraction du spread swap inflation ZE 10 ans – swap inflation ZE 2 ans. L’idée sous-jacente était la suivante : en cas de renforcement des anticipations déflationnistes, la courbe des swaps inflation s’aplatira par le haut. En cas de normalisation de la situation (reprise de l’activité, etc…), on reviendra à une situation proche de celle que l’on observait avant la crise. Ce spread est actuellement de 73pb ; il pourrait se contracter d’une dizaine de points supplémentaires.

2/ A court terme, la situation est bien évidemment très différente en zone euro et aux Etats-Unis ou au Royaume Uni. Nous continuons donc de jouer une hausse des spreads swaps inflation US-swaps inflation ZE, notamment autour de la zone 5 ans, même si les écarts sont déjà statistiquement significatifs.

René Defossez , Janvier 2014

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