›  Opinion 

La dette high yield redevient attractive

Bernard Aybran, Directeur de la multigestion d’Invesco Asset Management commente l’attitude des banques centrales et la situation de la dette high yield, notamment aux Etats-Unis. Il passe en revue les choix en matière d’allocation réalisés par l’équipe de multigestion.

Et de deux : deux mois de forte hausse sur la plupart des marchés financiers mondiaux, et toujours dans une incrédulité assez générale des investisseurs qui continuent à vendre en masse leurs avoirs en actions. Pourtant, sur les dernières semaines, plusieurs des grands Banquiers Centraux ont distillé des messages d’apaisement à destination des investisseurs, repoussant un peu la perspective d’un durcissement monétaire significatif. Pourtant aussi, les rendements sur les marchés obligataires considérés comme les plus « sûrs » restent à des niveaux faibles, voire négatifs. Mais rien n’y fait semble-t-il et les marchés d’actions continuent à effrayer. Et si la dette à haut rendement pouvait constituer une voie médiane ?

La répression financière serait-elle de retour ? Oubliée la hausse inexorable des taux face à un Jerome Powell déterminé à poursuivre son travail de normalisation monétaire. Au mois d’octobre, il avait déclaré être encore à une bonne distance du taux neutre et que la réduction du bilan de la Réserve Fédérale était en « pilotage automatique ». Il aura suffi d’une violente correction sur les marchés actions pour que la Banque Centrale se mette en pause et commence à discuter l’opportunité d’arrêter la normalisation de son bilan. Depuis quelques semaines, les investisseurs européens avaient déjà remis en doute le début de normalisation qu’avait esquissée Mario Draghi, avant qu’il ne se reprenne début mars. Haruhiko Kuroda a également rappelé l’engagement de la Banque du Japon à tout mettre en oeuvre pour soutenir l’économie. La conséquence ? Le stock de dette à taux négatif, qui était retombé sous les 6 000 milliards de dollars début octobre 2018 est maintenant de retour à environ 9 000 milliards de dollars [1]. Autant dire que la répression financière est loin d’être de l’histoire ancienne. Pour autant, faut-il croire que les Banques Centrales des économies développées ont abandonné toute velléité de monter leurs taux directeurs ? Du côté de la Banque du Japon, il semble qu’il n’y ait rien à attendre. Mais le rétablissement spectaculaire des marchés actions, s’il se poursuit, pourrait donner de la marge à Jerome Powell pour relever encore ses taux une à deux fois cette année. En Europe, la nomination d’un Gouverneur plus « rigoriste » pour la BCE semble de plus en plus probable. Alors même que les marchés n’anticipent plus aucun resserrement monétaire en 2019, le réveil pourrait être brutal.

Comme c’est bien souvent le cas, le contexte de taux d’intérêt, leurs niveaux et leur direction, déterminent largement les opportunités qui se font jour pour les investisseurs. Les obligations high yield pourraient en faire partie.

A peine deux mois écoulés et les marchés actions ont progressé de 12,6% [2], de manière quasi linéaire. Les obligations sont également en progression depuis le début de l’année sur l’ensemble des segments (souverain, Investment Grade, high yield) et régions géographiques. Même si cette reprise des marchés est très agréable, un simple calcul d’annualisation permet de comprendre qu’un retournement est fort possible. Dans ce contexte, le high yield, en particulier américain, semble une classe d’actifs intéressante. Le contexte macroéconomique est caractérisé par de bons résultats pour les entreprises, une croissance mondiale en décélération modérée et l’absence d’inflation. Par ailleurs, la politique accommodante de la Réserve Fédérale favorise la classe d’actifs. Après une hausse de +6,4% depuis le début de l’année, le rendement affiché (6,82%) reste attractif face aux autres segments obligataires (6,2% pour la dette émergente souveraine en dollars, 5,7% pour la dette émergente corporate en dollars, +6,5% pour la dette émergente en devises locales). La demande des investisseurs est de retour avec une septième semaine consécutive de flux positifs sur le high yield à l’échelle mondiale (10,2 milliards de dollars de collecte depuis début 2019) dans le contexte d’un marché primaire actif, quoiqu’en retrait par rapport à la même période de 2018 (38,8 milliards de dollars de nouvelles émissions contre 43,4 milliards). Le taux de défaut reste très bas, à 1,1% en volume d’émission et 2,2% en nombre d’émetteurs. C’est une classe d’actifs qui reste corrélée aux actions, avec une moindre volatilité et un portage intéressant. Elle bénéficie d’un ratio de Sharpe plus attractif : sur les dix dernières années, les obligations high yield américaines [3] ont progressé de 11,2% par an contre 15,8% pour les actions avec une volatilité de 7,7% contre 15,6% pour les actions.

Quelques changements dans les stratégies multi-gérants Invesco ont été opérés au cours du mois de février. Sur la partie actions, nous n’avons pas réalisé de changement et conservons une exposition à un niveau élevé malgré le meilleur début d’année de la classe d’actifs depuis plus de trois décennies. Le récent mouvement ressemble à un retour à la moyenne après la chute significative de décembre. Les investisseurs ne montrent aucune appétence pour le risque et ont continué à vendre leurs positions avec le rebond [4] et détiennent les positions spéculatives les plus négatives sur le S&P 500 depuis mars 2016 [5]. Si une consolidation à court terme est envisageable, le mouvement haussier bénéficie de soutiens importants à moyen terme, une récession mondiale ne semblant pas (encore) à l’ordre du jour. Sur la partie obligataire, un positionnement prudent est adopté et la duration euro a été réduite via des positions vendeuses sur le bund, dont la faiblesse des rendements semble mal s’accorder avec les données macro-économiques et la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. Sur la partie devises, l’exposition au dollar américain continue à être réduite : déficit commercial record, déficit budgétaire en croissance et survalorisation apparente, tous les signaux sont au rouge pour le billet vert.

En somme, s’il existe des opportunités d’investissement intéressantes dans le contexte actuel, il semble qu’elles effrayent encore. Pour l’heure, les Banquiers Centraux peinent à rassurer suffisamment, hors des investisseurs en emprunts d’Etat, dont l’appétit semble insatiable. Après deux mois où la grande majorité des classes d’actifs a progressé de concert, il devient de plus en plus probable que leurs chemins se séparent, en fonction du scénario économique qui se dessinera. Dans ces conditions, plus que jamais, la diversification reste de mise.

Bernard Aybran , Mars 2019

Notes

[1] Source Bloomberg

[2] MSCI World en euros Source Bloomberg

[3] Indice BofA Merrill Lynch US High Yield au 28/02/19, sources Bloomberg, JP Morgan

[4] 50 milliards d’USD de rachats sur les actions depuis le début de l’année. Source : BOAML

[5] Sources : CFTC, Bloomberg

tags
Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

Focus

Opinion Les contrats à terme « Total Return » devraient poursuivre leur croissance compte tenu de l’engouement des investisseurs

En 2016, Eurex a lancé les contrats à terme « Total Return Futures (TRF) » en réponse à la demande croissante de produits dérivés listés en alternative aux Total return swaps. Depuis, ces TRF sont devenus des instruments utilisés par une grande variété d’acteurs à des fins (...)

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés