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L’interdiction de la vente à découvert a eu un effet néfaste sur les marchés financiers britanniques

Une nouvelle étude semble indiquer que cette interdiction a profondément réduit la liquidité et a accru les problèmes de volatilité des titres financiers britanniques...

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L’interdiction, imposée par l’Autorité des Marchés Financiers Britannique (Financial Services Authority ou FSA) en 2008-2009, de vendre à découvert sur les marchés financiers a fortement détérioré la qualité des marchés des actions du pays. Une nouvelle étude semble indiquer que cette interdiction a profondément réduit la liquidité et a accru les problèmes de volatilité des titres financiers britanniques.

Dans leur étude intitulée « Banning Short Sales and Market Quality : the UK’s experience » (L’interdiction de la vente à découvert et la qualité des marchés : l’expérience britannique), le Professeur en Finance Ian Marsh et le Docteur Richard Payne, maître de conférence en Finance à Cass Buisness School [1], ont étudié les conséquences de cette interdiction sur les 32 groupes financiers britanniques touchés, en se posant les deux questions suivantes :

- Peut-on identifier les conditions « chaotiques » et les « incohérences » qui régnaient sur les marchés financiers jusqu’à cette interdiction ? [2]
- La mise en place de cette interdiction et le changement de règles qu’elle a entrainé ont-ils remédié à ces conditions « incohérentes » des marchés des actions, plus particulièrement en matière de liquidité et de qualité des marchés ?

Le professeur Marsh indique que « la réponse à ces deux questions est : non. Nous avons tenté avec grande difficulté d’identifier des facteurs qui justifieraient une intervention régulatrice, en particulier pour soutenir les titres du secteur financier. Lorsque les prix chutaient et les pressions poussaient à la vente sur les marchés financiers, cela se vérifiait également sur les autres marchés. De même, lorsque la qualité des marchés britanniques déclinait à l’approche de l’interdiction de la vente à découvert, un phénomène identique apparaissait pour les valeurs financières et pour les autres secteurs. Nous n’avons relevé aucune preuve confirmant que l’intervention de vendeurs agressifs prenait une importance disproportionnée sur les marchés de titres financiers. Les raisons qui ont poussé la FSA à intervenir, en particulier pour changer la nature des échanges de titres sur les marchés du secteur financier, ne sont donc pas claires. Les conditions « chaotiques » se sont révélées présentes sur l’ensemble des marchés et ne se sont pas cantonnées au seul secteur financier. »

« Bien qu’il existait peu de différences entre les comportements des marchés du secteur financier et ceux des autres secteurs, celles-ci sont devenues parfaitement visibles avec la promulgation de l’interdiction : la perte de liquidité issue du carnet d’ordres était bien plus importante dans le secteur financier que dans les autres ; les coûts des transactions que ce soit pour des échanges importants ou non sont devenus beaucoup plus onéreux alors que les volumes ont chuté de manière plus forte pour les valeurs financières que pour les autres. » Le Professeur Marsh et le Docteur Payne suggèrent que la qualité du marché s’est davantage détériorée dans le secteur financier et qu’aucune de ces évolutions ne semble correspondre aux objectifs des régulateurs.

Quatre conclusions ont pu être tirées de cette étude :

1. La FSA n’avait aucune raison valable pour astreindre les marchés financiers à un traitement spécial puisque, en comparaison, les marchés des autres secteurs semblaient réagir de manière similaire.

Marsh et Payne n’ont pas pu prouver formellement que les conditions sur les marchés du secteur financier différaient de celles sur les marchés des autres secteurs avant l’interdiction. Les indicateurs sur la qualité du marché se sont détériorées fin août-début septembre, mais c’était le cas pour l’ensemble des titres et non pas seulement pour ceux des groupes financiers. Bien que le coût des opérations augmentait, les volumes d’échanges s’amplifiaient dans tous les secteurs. Bien entendu, à cette période les prix des titres chutaient et les flux d’ordres étaient largement négatifs, les traders vendant leurs titres de manière agressive que ce soit par la liquidation de positions existantes ou via des ventes à découvert. Mais là encore, les conditions étaient similaires que ce soit sur les marchés du secteur financier ou ceux des autres secteurs.

2. L’interdiction de vendre à découvert n’a pas semblé améliorer les conditions des marchés de titres financiers en comparaison aux non-financiers qui ne sont pas frappés par cette interdiction.

La liquidité sur les marchés financiers s’épuisait alors que les coûts des opérations s’envolaient. Marsh et Payne ont remarqué que les coûts des achats et des ventes de titres ont augmenté de manière quasiment identique et que les volumes de ces opérations se sont proportionnellement amoindris. Autrement dit, l’interdiction a fait décoller les coûts opérationnels et réduit les volumes, mais n’a en rien changé l’équilibre entre ordres d’achat et de vente. Malgré l’interdiction, les flux d’ordres se sont maintenus hors des marchés financiers. Cela suggère que les véritables initiateurs de la perte de confiance dans les valeurs financières étaient bien les vendeurs de positions existantes (long-sellers). Qui plus est, si la raison sous-jacente à cette interdiction était les pressions à la vente sur les marchés financiers, sa mise en place ne les a en rien amoindries.

3. Les coûts des opérations et la qualité des marchés de titres financiers se sont largement détériorés au cours de l’interdiction. La baisse de la liquidité a réduit les performances des marchés et engendré une hausse des prix suite aux opérations et une baisse des informations dont les traders ont besoin pour évaluer la valeur réelle des titres financiers. L’interdiction a ainsi rendu les opérations moins instructives.

« Si l’espoir de la FSA, en interdisant les ventes à découvert, était de réduire les coûts des titres financiers, ou tout du moins de les rendre plus attractifs, elle a échoué. Les opérations sur les marchés financiers, que ce soit à l’achat ou à la vente, sont devenues plus onéreuses et bien moins attractives. Qui plus est, notre étude montre que cette interdiction à engendré une transgression des limites des carnets d’ordres rendant les opérations bilatérales entre agents bien plus opaques. Là encore il est peu probable que l’intension de la FSA fût d’apporter des liquidités à des segments du marché manquant de transparence puisque cela contribuerait à réduire l’efficacité et à affaiblir l’estimation des prix observés sur les marchés financiers. » commente le professeur Marsh.

4. Les ventes à découvert étaient accusées de favoriser les comportements prédateurs, agressivement consommateurs de liquidité (du côté de l’offre) et qui déstabilisent le marché par la vente de titres financiers.

Les résultats de l’étude suggèrent qu’en réalité, les ventes à découvert agissaient comme des fournisseurs de liquidité (du côté de l’offre) passifs, qui aidaient à réguler les marchés trop exubérants en vendant les actifs quand leurs prix devenaient trop élevés. Mais leur interdiction a affaibli les marchés car elle a réduit la liquidité et détérioré la qualité de ceux-ci.

Next Finance , Décembre 2010

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Notes

[1] A propos de Cass Business School :
Situé au cœur de l’un des principaux centres financiers du monde, Cass profite de sa position unique pour être le « hub » intellectuel de la City à Londres. L’école propose un MBA, des masters spécialisés et des bachelors avec une réputation d’excellence. L’école arrive en 3ème position des meilleurs business schools anglaise. L’Executive MBA est classé 10ème dans le classement du Financial Times.

Avec plus de 100 doctorants, l’Ecole mène des projets de recherche d’envergure internationale. Elle abrite les plus grands départements de finance et d’actuariat d’Europe ainsi que 17 centres de recherche dans des secteurs tels que la gestion du risque, les investissements alternatifs, les sciences actuarielles et la finance internationale. La recherche en finance à Cass a été classée comme la 2ème au niveau européen et la 4ème dans le monde, hors les Etats-Unis, par le Financial Management Magazine, et la recherche en assurance et risques en 2ème au niveau mondial par le Journal of Risk and Insurance.

[2] Disorderly markets’ (Sir Callum McCarthy) et ‘incoherence in the trading of equities’ (Hector Sants), City Banquet, The Mansion House, Londres, 2009.

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