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L’inflation n’est pas le seul souci des banques centrales

Des Etats-Unis à l’Europe en passant par les marchés émergents, les banques centrales font toutes face à une faible inflation. Mais ce n’est pas là leur seul souci. Si les débats aux Etats-Unis restent très orientés vers la situation de l’emploi, la déflation semble inquiéter en Europe, et les banques centrales des marchés émergents sont confrontées à des monnaies faibles.

Le Global Chief Investment Officer de la division Private Banking & Wealth Management du Credit Suisse Michael Strobaek aborde les divergences des politiques des banques centrales et explique comment les investisseurs peuvent générer des performances positives dans ce contexte de faible inflation.

Les taux d’inflation sont très bas au niveau mondial. Quel est le rôle des banques centrales dans un tel contexte ?

Michael Strobaek : Les taux d’inflation ont reflué et les taux d’utilisation des capacités restent faibles dans de nombreuses parties de la planète. Par conséquent, la lutte contre l’inflation ne représente pas la priorité principale de la plupart des banques centrales actuellement. En outre, les problèmes auxquels elles font face sont très différents d’une région à l’autre. En Europe, c’est plutôt la déflation que l’inflation qui cause des inquiétudes. Dans ce contexte, une nouvelle réduction des taux d’intérêt semble possible. Certains évoquent même l’introduction d’un assouplissement quantitatif. Aux Etats-Unis, les débats sont très orientés vers la situation de l’emploi. La Réserve fédérale se situe encore au milieu de son processus de tapering mais aucun relèvement des taux n’est à prévoir avant de nombreux mois. Au Japon, l’augmentation de la TVA pousse les taux d’inflation à la hausse mais ses effets sur la croissance demeurent incertains. La Banque du Japon applique pour l’heure la stratégie « wait and see ». Enfin, l’inflation est plus d’actualité sur les marchés émergents que dans le monde développé. Les banques centrales doivent également y faire face à des monnaies faibles, et les sorties de capitaux représentent un risque. Dans ces pays, on a pu observer des relèvements de taux. Dans l’ensemble, les politiques des banques centrales sont vraiment divergentes d’une région à l’autre.

Pensez-vous que la Banque centrale européenne (BCE) s’engagera vraiment dans un assouplissement quantitatif, comme d’autres banques centrales l’ont fait, au vu de la menace de l’inflation ?

Nous ne sommes pas de cet avis. Il est vrai que les taux d’inflation sont bas. Cependant, la croissance économique se reprend. Les rendements obligataires sont très faibles et les écarts entre les emprunts périphériques et les Bunds allemands se resserrent. Tout cela évolue donc dans la bonne direction. Du fait de la reprise économique, nous pensons également que les taux d’inflation devraient être proches de leur plancher. Les menaces de déflation devraient commencer à s’amenuiser. Néanmoins, la BCE a clairement fait savoir qu’elle réagirait rapidement en cas de statistiques économiques décevantes. Cependant, nous pensons qu’elle réduira les taux avant de recourir à l’assouplissement quantitatif, et que celui-ci ne sera au final pas nécessaire du fait de la reprise économique.

Et la Fed ? Où en est-elle de la sortie de l’assouplissement quantitatif ? Quand allons-nous assister au premier relèvement des taux ?

Au vu du calendrier actuel du tapering et de la solide dynamique économique, nous pensons que l’assouplissement quantitatif prendra fin vers la fin de l’année. Ensuite, l’évolution dépendra fortement des statistiques économiques. Les tensions inflationnistes sont limitées du fait du faible taux d’utilisation des capacités, et le chômage ne diminue que progressivement. Par conséquent, il n’y a guère de pression à agir vite. Le premier relèvement de taux devrait survenir au second semestre 2015. C’est également l’une des raisons pour lesquelles notre allocation au revenu fixe est neutre sur les emprunts d’Etat américains.

L’inflation est plus élevée sur les marchés émergents que dans le monde développé. Sur quoi s’y concentrent les banques centrales ?

Les marchés émergents sont très divers mais de nombreux pays voient leur cours de change se dégrader suite au tapering américain et à des taux d’inflation qui restent plus élevés. Le Brésil et la Turquie en sont de bons exemples : les banques centrales y ont relevé les taux, et les taux d’intérêt réels y sont aujourd’hui à nouveau positifs. Nous pensons que le cycle des taux d’intérêt arrive maintenant à son terme. Il est sans doute encore tôt, mais cela devrait bientôt commencer à aider les actions des marchés émergents.

Stratégie de placement

Après le rebond de ces derniers mois, le marché des actions semble afficher des évaluations de plus en plus généreuses, et les obligations ne sont pas non plus bon marché. Comment les investisseurs peuvent-ils encore générer une performance positive sur les marchés financiers ?

Il est vrai que les marchés d’actions internationaux semblent chers au vu des rapports cours/prévisions de bénéfices. Et du fait du redressement de la croissance économique, les rendements pourraient commencer à progresser à partir de leurs bas niveaux actuels. Pour refléter cette situation, nous avons adopté un positionnement neutre sur les actions, et même une perspective négative sur le revenu fixe. Les stratégies purement axées sur le bêta n’étant guère susceptibles de dégager une bonne performance, l’orientation se déplace vers l’allocation sectorielle des actions. Sur le revenu fixe, il devient plus important d’adopter la bonne stratégie en termes de crédit et de duration. On peut dire que des gains aisés ont été réalisés après 2013 et que les investisseurs doivent recourir à des stratégies de placement plus actives et plus complexes pour prospérer en 2014.

Au vu de ce durcissement du contexte, quels secteurs et régions privilégiez-vous parmi les actions ?

L’une de nos principales idées de placement pour 2014 réside dans la recherche d’alpha sur les actions : dans cet environnement difficile, nous devons nous montrer sélectifs pour être performants. Actuellement, nous privilégions en particulier les actions européennes en raison de la reprise économique, du soutien de la BCE, de la bonne dynamique de bénéfices et du niveau modéré des évaluations. Nous pensons également que le Japon offre toujours des opportunités grâce à des valorisations très bon marché et à une bonne croissance des bénéfices, même si ce marché est plus risqué que celui de l’Europe. Les marchés émergents paraissent bon marché mais leur cycle économique ne se situe pas encore là où nous souhaiterions qu’il soit pour nous montrer plus positifs. En termes d’allocation sectorielle, nous conservons une approche modérément cyclique du fait de la solide dynamique économique en Europe et aux Etats-Unis, et nous privilégions les actions de la finance et de l’informatique. De manière générale, la rotation sectorielle est devenue plus importante ces derniers mois.

Quid du revenu fixe ? Quelles sont vos préférences dans ce domaine ?

Nous adoptons une perspective négative à l’égard du revenu fixe car les rendements obligataires se trouvent à l’extrémité basse de leur fourchette, et nous tablons sur une solide dynamique économique. Par conséquent, il est plus difficile de trouver des secteurs affichant une performance clairement positive. Nous pensons toujours que les emprunts des pays de l’Europe périphérique devraient bien se comporter. Ils conservent un potentiel de rattrapage, et le soutien apporté par les commentaires de la BCE devrait également les aider. Nous estimons également que les obligations émergentes libellées en monnaies fortes offrent certaines opportunités car leurs évaluations ne sont pas trop tendues et les perspectives techniques, notamment, sont très favorables. Nous avons récemment adouci notre opinion négative à l’égard des emprunts du Trésor américain car la pente raide de la courbe de rendement aux Etats-Unis a déjà pris en compte une bonne partie du processus de tapering.

Cushla Sherlock , Mai 2014

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