Japon : Shinzô Abe va-t-il vraiment augmenter les impôts une seconde fois ?

Selon Simon Somerville, gérant du fonds Jupiter Japan Select chez Jupiter Asset Management, étant donné la faiblesse des derniers chiffres, la question se pose aujourd’hui de savoir si Shinzô Abe sera en mesure de mettre en place la seconde augmentation de la taxe sur la consommation l’an prochain. Malgré tout, l’économie domestique s’améliore et d’autres mesures de relance pourraient encore être instaurées.

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Le gouvernement japonais avait annoncé une hausse de la taxe sur la consommation en deux temps. La première a eu lieu en avril dernier et la seconde, qui fera passer la taxe de 8 à 10%, devrait avoir lieu en octobre 2015. Cependant, étant donné la faiblesse des dernières statistiques, on peut se demander si cette deuxième hausse aura vraiment lieu. Les intempéries ont également joué un rôle dans la chute du moral des ménages, le pays ayant été touché par plusieurs ouragans, dont un a entraîné un glissement de terrain meurtrier à Hiroshima, causant plus de 70 morts.

Les actions domestiques, laissées pour compte

Les cours des actions japonaises ont beaucoup monté dernièrement. Les exportateurs, comme les constructeurs automobiles, les fabricants de machines ou de composant électriques, ont pu tirer profit de la faiblesse retrouvée du yen depuis la mi-août.

Mais de l’autre côté, les entreprises qui s’appuient surtout sur la demande domestique, ont connu des temps plus moroses avec une reprise de la consommation qui n’a pas été à la hauteur de ce à quoi s’attendaient les analystes en avril dernier, suite à la première augmentation de la taxe.

Le marché du travail s’améliore

Nous restons cependant focalisés sur les valeurs domestiques car nous pensons que l’économie sous-jacente s’est, elle, fortement améliorée. De nombreux investisseurs ont, semble-t-il, oublié les tensions récentes sur le marché du travail japonais. Le chômage est aujourd’hui à son taux le plus bas depuis 25 ans et les salaires ont commencé à augmenter. Dans le secteur de la construction, il y a aujourd’hui six ou sept offres d’emploi pour un postulant [1], provoquant une forte hausse des salaires dans ce secteur.

Historiquement, le taux de chômage au japon est un des plus bas des marchés développés. En moyenne, il est resté sous la barre des 3% jusqu’au milieu des années 90. Cependant, l’économie a été en stagnation et a souffert d’une déflation chronique à partir de la fin des années 90. En conséquence, le taux de chômage a dépassé les 5% lors de l’explosion de la bulle des technologies en 2000 et à nouveau après la crise de 2008. Les chiffres récents montrent que le chômage est retombé à 3.5% en août et le ratio emplois/candidats, un indicateur avancé du marché de l’emploi, a atteint les 1.10, c’est-à-dire le plus haut niveau depuis 1992. [2]

Graphique 1 : Taux de chômage japonais

Gaphique 2 : ratio emplois/candidats

La parité, partie intégrante de a réforme du travail

Après s’être consacré à changer la Constitution de la Paix de 1947, le Premier Ministre Shinzô Abe porte à nouveau son attention sur les réformes structurelles. Début septembre Il a remanié son gouvernement pour la première fois depuis le début de son mandat. Le nouveau gouvernement compte 5 femmes sur 18 personnes, chiffre jamais atteint jusque là, et ceci est un véritable encouragement pour que l’économie dans son ensemble emploie davantage de femmes, la richesse la plus sous-exploitée du pays. Shinzô Abe en a vu sa popularité grimpé à nouveau, notamment parmi l’électorat féminin.

La hausse des salaires commence à poindre

La hausse des salaires est un point crucial pour l’économie japonaise dans le contexte actuel de relance. Les salaires de base sont restés au mieux stables en terme nominaux depuis 1998, date à laquelle la déflation chronique s’est installée. Entre la hausse de l’inflation et l’augmentation de la taxe sur la consommation en avril, les dépenses des ménages vont se comprimer si les salaires n’augmentent pas. Les tensions sur le marché du travail commencent à pousser les salaires à la hausse et les derniers chiffres montrent que les bonus d’été ont augmenté de plus de 7%, soutenant la croissance naissante des salaires japonais. Même les salaires ordinaires, qui étaient restés stables, connaissent un frémissement avec une croissance de 0.3% en juin et en juillet. [3]

Encore d’autres mesures de relance sont envisageables

Pour le moment, Shinzô Abe a annoncé qu’il se réservait la possibilité d’annuler la hausse de la taxe si la consommation reste faible. Cependant, nous pensons que le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale Haruhiko Kuroda et le Ministre des Finances sont déterminés à élargir l’assiette fiscale en augmentant la taxe sur la consommation comme prévu. En d’autres termes, si les chiffres ne s’améliorent pas, nous nous attendons à ce que des mesures de relances soient mises en place pour soutenir les dépenses des ménages et ainsi permettre cette hausse d’impôt. Pour preuve, les dernières données gouvernementales ont montré que l’inflation a ralenti à 3.1% en août, ou 1.1% si on enlève les effets de la première vague de hausse de la taxe, incitant Haruhiko Kuroda à déclarer qu’il pourrait encore assouplir la politique monétaire de la Banque Centrale. Ces mesures devraient être profitables aux actions domestiques.

Le Fonds de pension devrait poursuivre ses investissements

Lors de son remaniement ministériel, Shinzô Abe a promu Yasuhisa Shiozaki, son secrétaire de cabinet du Parti Libéral-Démocrate, en tant que Ministre de la Santé, du Travail et des Affaires Sociales. Cela a donc été vu comme le signal que l’allocation du gigantesque fonds de pension public du pays qu’il supervise dorénavant allait être réallouée de manière bien plus agressive sur les actions domestiques. Nous voyons ce remaniement comme une déclaration d’intention de l’administration et nous sommes bien plus optimistes concernant le lancement de la « troisième flèche » de réformes tant attendu.

Selon nous, les actions domestiques pourraient être stimulées si le gouvernement annonçait des mesures de relance et/ou de nouvelles réformes dans les mois à venir.

Simon Somerville , Octobre 2014

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Notes

[1] Source : Credit Suisse

[2] Source pour les données et les graphiques : Bloomberg

[3] Source : Bloomberg

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