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Election de Donald Trump : et ensuite ?

Les investisseurs internationaux sont encore sonnés par la concrétisation d’un scénario jugé, hier encore, peu crédible : l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Comme souvent sur ce type d’événement, les investisseurs tendent à sous-estimer les risques à l’approche de l’événement, puis à en exagérer les conséquences...

Les investisseurs internationaux sont encore sonnés par la concrétisation d’un scénario jugé, hier encore, peu crédible : l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.

Comme souvent sur ce type d’événement, les investisseurs tendent à sous-estimer les risques à l’approche de l’événement, puis à en exagérer les conséquences une fois qu’il se produit. Mais si certains marché ont d’abord semblé accuser le coup aujourd’hui (avec des baisse d’indices boursiers de l’ordre de 5% au Japon notamment) et un début de repli sur certaines valeurs refuge (franc suisse, yen, or), le mouvement de rebond s’amorce clairement et on n’a pas constaté de mouvement massif de fuite vers la qualité. A l’heure où nous écrivons ces lignes [1], les principaux indices européens se traitaient à des niveaux supérieurs à ceux de la clôture du vendredi 4 novembre. Eu égard aux positions protectionnistes de Trump, certains actifs des marchés émergents (à l’image du marché mexicain) pourraient subir des mouvements plus importants, du fait des perspectives de ralentissement du commerce mondial, tandis qu’à Wall Street, les entreprises les plus exportatrices pourraient être quelque peu pénalisées. Mais la réaction modérée des marchés d’actions européens semble tenir compte du discours relativement consensuel de Donald Trump après l’annonce de son élection.

Le mouvement d’inquiétude actuel ne surprend guère les observateurs habitués à la réaction des marchés dans les heures qui suivent l’annonce des résultats d’une élection présidentielle aux Etats-Unis. Il était en effet logique de s’attendre à une poussée de volatilité sur les marchés d’actions, l’élection de Donald Trump étant à bien des égards un cas de figure atypique, compte tenu du caractère souvent imprévisible du candidat, du niveau de polarisation de l’électorat et de son niveau d’impopularité parmi les élites économiques et financières américaines. Mais, rappelons que la réaction émotionnelle des premières heures est généralement suivie d’autres mouvements en sens inverse, avant que le marché ne se stabilise. Cela semble déjà être le cas aujourd’hui.

Une opportunité d’achat sur les marchés actions ?

L’essentiel pour les investisseurs est de ne pas paniquer. Car la tendance de l’indice S&P500 au lendemain des élections présidentielles, qu’elle soit haussière ou baissière, n’a absolument aucun pouvoir prédictif sur ce qui advient au cours de la période qui suit. A titre d’exemple, la marché a plongé de près de 10% en deux séances juste après que Barack Obama ait battu John McCain en novembre 2008, ce qui n’a pas empêché le marché de connaître un des bull market les plus importants dans les années suivantes, avec un gain annualisé moyen de 13,3% depuis le 4 novembre 2008, soit mieux que 9 des 12 dernières présidences américaines !

Au final, suite aux 22 dernières élections enregistrées depuis 1928, le S&P500 a chuté à 15 reprises le jour suivant la fermeture des bureaux de vote, pour une perte moyenne de 1,8% sans que l’on puisse en tirer une quelconque indication sur l’orientation future des marchés.

Une sur-réaction du marché à la baisse, reflet de considérations largement émotionnelles, est donc généralement une opportunité d’achat pour peu qu’on bénéficie d’un minimum d’horizon d’investissement, comme l’a démontré le scénario du Brexit (rappelons que le marché britannique affiche un gain de 8,7% en devise locale depuis le 23 juin).

Aujourd’hui, sur les marchés actions, il faut admettre que la hausse de l’incertitude politique suggère un ajustement à la hausse des primes de risque et une baisse des prix des actions, mais n’oublions pas que le S&P 500 a historiquement enregistré un rallye dans les trois mois suivant les élections présidentielles et que certaines propositions de Trump pourraient in fine être favorables aux marchés actions comme son projet de ramener l’impôt sur les sociétés à seulement 15% (contre 35% actuellement) et son plan de relance des infrastructures publiques (près de 550 milliards de dollars sur 5 ans).

Une mauvaise nouvelle pour les marchés obligataires

Mais si les perspectives devraient progressivement s’équilibrer pour les actions, il n’en sera pas forcément de même pour les obligations. Au-delà du « flight-to-quality » des prochains jours, l’élection de Trump ne semble pas, à horizon de quelques mois, une bonne nouvelle pour les marchés obligataires. Les initiatives budgétaires de Trump susceptibles d’être avalisées par le Congrès Congrès - dont la majorité semble devoir rester républicaine - devraient mener à une très forte hausse du déficit public via une baisse des revenus fiscaux et la hausse des dépenses d’infrastructures. En outre, la Maison Blanche a la main sur la politique commerciale et Donald Trump a annoncé l’imposition de tarifs douaniers prohibitifs pour les importations chinoises et mexicaines. La hausse des prix qui risque d’intervenir sur des produits importés non-substituables localement mènera à une poussée d’inflation par les coûts. Dans un premier temps, cette inflation importée alliée à une hausse des émissions du Trésor peut mener à des tensions sur les taux longs (environnement de stagflation). Au bout de 6 à 9 mois, l’impact récessif de l’inflation importée sur le revenu réel des ménages et les marges des entreprises est susceptible de freiner la croissance au point de susciter des craintes de récession. Les taux longs repartiraient alors à la baisse au second semestre 2017… mais les actions aussi.

Il est à noter qu’un consensus existe avec le Congrès pour financer une partie des dépenses d’infrastructures par une taxe sur les rapatriements de capitaux des multinationales, une mesure qui pourrait entraîner un rebond de 4 à 5% du dollar, comme en 2004. Les secteurs exportateurs seraient alors fortement pénalisés par la force du billet vert. Au total, notre positionnement à moyen terme sur les actions devrait donc s’articuler autour d’un biais en faveur des valeurs défensives contre les cycliques hors construction.

Enfin, il convient de noter l’ampleur des critiques de Trump sur le rôle de la Fed et son indépendance - qui l’ont souvent opposé à Hillary Clinton - et celles concernant la présidente de la Fed elle-même.

Il semble du reste peu probable que Trump laisse le mandat de Janet Yellen se prolonger au-delà de son prochain terme en 2018, ce qui ne pourra qu’accroître le niveau d’incertitude sur la politique monétaire américaine et laisser anticiper un resserrement plus rapide des taux directeurs.

Même si l’ampleur de cet assouplissement fiscal est tempérée par le Congrès, ces deux risques potentiels pourraient bien entraîner un retour de la volatilité sur les taux d’intérêt américains.

Nuno Teixeira , Novembre 2016

Notes

[1] 9h40 CET

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