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EU ETS : un marché résiduel de réduction d’émissions de CO2 nécessitant une réforme structurelle

La chute des prix du marché Européen du carbone, l’EU ETS, a relancé un débat sur la nécessité ou non d’une réforme de l’EU ETS. Soyons clairs : l’EU ETS fonctionne bien…

Le cours actuel du carbone révèle simplement que les mauvaises perspectives économiques et l’évolution récente des marchés de l’énergie ont réduit le coût de mise en conformité avec les plafonds d’émission.

Si les décideurs souhaitent un prix du carbone plus élevé, ils peuvent par exemple définir une trajectoire de réduction d’émission plus agressive en phase 4 après 2020. Certains avancent cependant que cela ne suffirait pas à soutenir les prix dans le court terme, car les engagements politiques à long terme sont peu crédibles et beaucoup de participants semblent avoir des comportements de court terme sur le marché ETS. D’où l’idée d’un resserrement immédiat du marché par la mise en place d’une réserve de quotas en phase 3 (un « set aside »), dans le cadre de la nouvelle directive sur l’efficacité énergétique.

Ces arguments en faveur d’une intervention politique ad hoc immédiate sont dangereux, car ils mélangent plusieurs problèmes. Si les décideurs interviennent ponctuellement pour resserrer l’EU ETS quand les prix sont trop bas, que feront-ils quand ils jugeront les prix trop élevés ? Une telle intervention affaiblirait la crédibilité de l’EU ETS et des engagements politiques qui le sous-tendent.

La réforme de l’EU ETS doit réduire et non accroître la probabilité d’une future intervention politique. Le coeur du problème est que l’offre de quotas (plafond d’émission) est fixée par avance, mais que la demande de quotas peut fluctuer par toute modification ultérieure des politiques environnementales ou énergétiques, définies par les gouvernements nationaux sans coordination.
Fabien Roques

De fait, l’EU ETS est devenu un marché « résiduel » de réduction des émissions de CO2 dans le secteur de l’énergie. Ce sont avant tout les politiques de soutien aux énergies renouvelables ou le nucléaire qui ont suscité les investissements dans l’énergie ces dix dernières années en Europe. De même, les normes d’émission sur les polluants locaux de la directive sur les grandes installations industrielles (LCPD) entraîneront d’ici à 2015 la fermeture de centrales à charbon et à pétrole produisant plus de 30 GW, ce qui aura un impact très significatif sur les émissions de carbone.

Comment réduire la probabilité d’une intervention politique future ajustant le plafond de l’EU ETS ? Dans un article récent, nous avançons qu’il faut introduire une forme de gestion de l’offre pour ajuster le plafond des émissions de façon prévisible et automatique aux changements des autres politiques induisant des réductions d’émission de CO2 hors de l’ EU ETS.

Dans un premier temps, les pays membres pourraient, dans le cadre des analyses d’impact lancées par la Commission Européenne, estimer la quantité des émissions de CO2 additionnelles ou évitées de toute nouvelle politique environnementale dans les secteurs couverts par l’EU ETS (par ex. fermetures obligatoires de centrale nucléaire ou modification du soutien aux énergies renouvelables). Le plafond d’émissions de l’EU ETS pourrait ainsi être systématiquement ajusté, afin que l’équilibre offre-demande dans l’EU ETS, et donc le prix, ne change pas. Une réforme plus ambitieuse pourrait envisager de déléguer à une autorité indépendante la gestion de l’offre de façon dynamique, mais cela soulèverait des questions complexes de mise en oeuvre et de gouvernance.

L’économie européenne a besoin d’un marché du carbone qui fonctionne et envoie de bons signaux aux investisseurs pour atteindre ses objectifs ambitieux de décarbonation. L’émergence d’un prix du carbone crédible à long terme exige une réforme structurelle et non une intervention ponctuelle ad hoc.

Fabien Roques , Mars 2012

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