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Du risque de divergence

A l’orée du 4e trimestre, il est important de se recentrer sur le court terme. A mesure que la fin de l’année approche, les investisseurs vont de plus en plus chercher à protéger les performances déjà réalisées cette année, mettant temporairement de côté leurs convictions concernant l’évolution des marchés à moyen et long terme.

Les impératifs du court terme pourraient amener les marchés à vivre un mois d’octobre très volatil ainsi qu’un ajustement des primes de risque crédit.

A l’orée du 4e trimestre, il est important de se recentrer sur le court terme. A mesure que la fin de l’année approche, les investisseurs vont de plus en plus chercher à protéger les performances déjà réalisées cette année, mettant temporairement de côté leurs convictions concernant l’évolution des marchés à moyen et long terme. Cette divergence entre court et long terme pourrait avoir pour conséquence un gel des valorisations à leur niveau actuel.

Le mois d’octobre pourrait néanmoins s’avérer très volatil, car les fonds de placement et plus particulièrement les hedge funds souhaiteront sécuriser leurs performances de l’année avant l’élection américaine du 3 novembre prochain. Par conséquent, l’essentiel des prises de bénéfices pourrait déjà avoir lieu en octobre plutôt que fin novembre ou début décembre comme cela est habituellement le cas.

Faut- il craindre la surprise ?

En ce qui concerne l’élection américaine, les sondages du vendredi 25 septembre donnaient une avance de 6,6 points à Joe Biden. A la même période de 2016, lors de l’élection opposant Donald Trump à Hillary Clinton, ces mêmes sondages attribuaient un avantage minime de 1 point à Hillary Clinton. Un jour avant l’élection, ils donnaient cette dernière favorite avec 3,2 points d’avance.

A l’heure actuelle, les sondages effectués au niveau national sont nettement favorables à Joe Biden. Cependant, l’avance de ce dernier se réduit à 3,4 points dans les sondages qui portent sur les votes des principaux Etats pivots. Le 24 juillet dernier, l’avantage des démocrates était encore confortable puisqu’il s’élevait à 6,8 points, mais à 36 jours du scrutin il a fondu de moitié ! Les discours des deux candidats seront dorénavant de plus en plus divergents, ce qui ne manquera pas d’attiser l’incertitude sur les marchés financiers. A la suite du premier débat entre les candidats, celui qui a historiquement le plus d’impact, nous saurons d’ici une semaine environ si le résultat de l’élection du 3 novembre prochain pourrait à nouveau réserver une surprise.

Des scénarii à réviser

Le week-end dernier, Donald Trump a nommé la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême des Etats-Unis. Ce choix devrait être validé par un Sénat à majorité républicaine. Les auditions doivent débuter le 12 octobre pour un vote prévu durant la semaine du 26 octobre. Or, cette nomination pourrait encore retarder l’approbation du 4e plan de relance. Par ailleurs, alors que la saison grippale démarre, l’évolution de la pandémie reste très incertaine et l’arrivée d’un vaccin contre le Covid-19 a été repoussée à la fin du 1er trimestre, voire au 2e trimestre 2021. Cela signifie que l’hémisphère nord devra continuer à « vivre » avec le virus cet hiver. Une révision des scénarii de reprise économique deviendra donc bientôt incontournable.

Pour les investisseurs dont l’horizon est court, comme pour les spéculateurs, la question du positionnement [1] est importante.

De nombreux hedge funds dépendent des performances réalisées durant l’année civile qui, pour beaucoup d’entre eux, s’achève fin novembre. Or le principal indice du secteur, le HFRX Global Hedge Fund n’a progressé que de 1,14% depuis le début de l’année : il a reculé de 0,65% en septembre après avoir perdu respectivement 1,44% et 5,88% en février et mars derniers. L’année 2020 s’avère donc décevante.

Or, compte tenu du fait que l’élection du 3 novembre pourrait déboucher sur une impasse, voire, dans le pire des cas, nécessiter un recours aux tribunaux, il est probable que nombre de hedge funds vont réduire leur exposition dès le mois d’octobre. Les gérants de fonds de placement pourraient adopter une attitude similaire et réduire, quoique de manière moins marquée, leurs positions hors indice.

Un dollar fort

Des signes précoces d’une telle évolution sont déjà apparus en septembre. Dans le courant de ce mois, l’or a baissé d’environ 5% pour revenir à 1861 dollars/once, ce qui représente un recul de 10% par rapport au plus haut atteint le 10 août dernier. Ce réajustement est allé de pair avec une appréciation du dollar ainsi qu’un recul des perspectives d’inflation.

Selon les modèles, les corrélations entre le métal jaune, le dollar et les points morts d’inflation évoluent avec la précision d’une montre suisse. Cependant, tenter d’évaluer la probabilité de nouvelles prises de bénéfice sur l’or ou sur les points morts d’inflation revient à jouer à pile ou face, compte tenu de la difficulté d’anticiper l’évolution réelle de l’inflation d’ici à la fin de l’année. En revanche, il est probable que l’appréciation du dollar vis-à-vis des devises du G4 se poursuivra. Par ailleurs, le billet vert devrait également se maintenir à son niveau actuel par rapport aux devises des marchés émergents.

Ces dernières années, le déficit courant américain exprimé en pourcentage du PIB a été divisé par quatre par rapport à 2002-2004, période de vente massive du billet vert. Cette dernière correspondait à l’accélération du processus de mondialisation et à la mise en place d’une politique monétaire accommodante de la Fed. A l’heure actuelle, seule subsiste la politique monétaire accommodante qui est certes extrême. Dans ce contexte, il n’existe aucune raison de penser que l’on puisse assister à un accroissement de l’offre de dollars par le biais d’un creusement du déficit budgétaire, bien au contraire. La déglobalisation pourrait en effet amener les Etats-Unis à présenter un excédent de leur compte courant, une situation très inhabituelle pour ce pays. De plus, les lignes de swap de la Fed se sont amenuisées et les marchés tablent sur des politiques plus accommodantes de la part de la BCE et de la Banque d’Angleterre (BoE).

Tensions sur le crédit

Sur le marché du crédit, on a pu constater d’importantes prises de bénéfices sur le segment des obligations à haut rendement, ce qui a eu pour effet de ramener en territoire négatif les performances 2020 des ETFs sur les obligations à haut rendement du monde entier (exprimés en dollars). En ce qui concerne le marché des obligations de qualité investissable (IG), il continue de bénéficier du soutien des banques centrales. Cependant, la semaine dernière, les tensions sur le segment du haut rendement se sont également fait sentir sur celui des obligations de qualité et, en particulier, sur celui des emprunts subordonnés. Par ailleurs, la prime de liquidité augmente à nouveau, même si elle n’a pas encore atteint son niveau antérieur à la pandémie. Il faut donc s’attendre à ce que les positionnements des investisseurs s’écartent encore davantage selon que leurs horizons d’investissement sont à court ou long terme.

En ce début de 4e trimestre, il importe de se méfier de la volatilité induite par la divergence des positionnements. Sur les marchés des obligations et des actions, l’analyse sell-side va commencer à donner des signaux d’achat à la baisse. Cependant, ces opportunités ne concernent que les investisseurs à horizon long et elles ne devraient se concrétiser qu’en décembre au moment de l’afflux des primes qui sert de déclencheur aux décisions d’investissement.

Dès lors que les arguments concernant le positionnement se trouvent confrontés à ceux concernant la valorisation à long terme, la prudence s’impose, car il faut s’attendre à de nouvelles difficultés sur les marchés. De fin mars jusqu’à fin août, la vague de reflation a bénéficié à tous les actifs, alors que l’importance des injections de liquidités a fait perdre tout leur sens aux ratios de valorisation.

Il n’est pas impossible que les primes de risque crédit des segments obligations de qualité investissable et obligations à haut rendement doivent subir un nouvel ajustement afin de mieux correspondre aux risques propres à chaque entreprise, qu’il s’agisse de leur secteur d’activité ou du niveau de leur endettement, ainsi qu’à un risque de liquidité potentiellement plus élevé.

Peter de Coensel , Octobre 2020

Notes

[1] Le positionnement exprime les vues sur le marché en se basant sur les transactions ouvertes, notamment les flux de capitaux des marchés obligataires vers les marchés actions et inversement.

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