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Deux générations pour stabiliser l’euro

Selon Bruno Colmant, Chef Economiste, Banque Degroof Petercam, l’euro est une réussite politique incontestable. Sa réalité financière s’est imposée jusqu’à hisser cette jeune monnaie parmi les cinq devises de réserve du FMI. Pourtant, les disparités économiques entre les différents Etats associés persistent.

Nombreux sont ceux qui s’intéressent aux incontestables différentiels de dettes publiques. Mais il y a un autre indicateur, dont l’importance est dissoute parce que nous avons justement adopté une monnaie unique, c’est le différentiel des balances des payements (c’est-à-dire la différence entre les exportations et les importations).

En ce qui concerne les échanges internes à la zone euro (c’est-à-dire pas avec le « reste du monde »), un pays est un exportateur net massif : l’Allemagne (et les Pays-Bas, dans une moindre mesure). Les autres pays sont, par simple arithmétique, globalement en déficit. Certains le sont structurellement. C’est le cas de la France. D’autres sont plus ou moins à l’équilibre sur longue période. C’est le cas de la Belgique.

Est-ce grave d’avoir un déséquilibre structurel entre les pays d’une même zone monétaire ? Non, car cela scelle cette même union. En effet, un pays exportateur net accumule des créances sur les pays déficitaires. Si ce pays excédentaire quittait la zone monétaire, ces mêmes créances seraient dépréciées. L’Allemagne doit donc rester arrimée à la monnaie unique. Il en est de même pour un pays déficitaire qui a accumulé un endettement par rapport aux pays excédentaires. Si ce pays quittait la zone euro et respectait ses engagements, sa dette extérieure croîtrait au rythme de la dépréciation de sa propre devise retrouvée (et évidemment dépréciée).

Mais, en même temps, un excédent commercial est corrélé avec le taux d’emploi. Les pays excédentaires aspirent donc, par leurs qualités intrinsèques, l’emploi des pays déficitaires qui ne disposent plus de la possibilité de voir leurs cours de change se déprécier. Les pays excédentaires forcent donc les pays déficitaires à s’aligner sur leurs propres normes de compétitivité, pour autant, bien sûr, que les mêmes types d’industries soient concernés. Ce constat est inhérent à toute zone monétaire, dont aucune n’est optimale. Cela devrait théoriquement se résoudre, pour partie, par la mobilité du travail et du capital. En ce qui concerne le travail (et je simplifie le raisonnement jusqu’à ce qu’il en devienne simpliste), les travailleurs des pays déficitaires devraient migrer vers les pays excédentaires, ainsi qu’on le constate aux États-Unis.

C’est cependant complexe pour différentes raisons linguistiques, politiques, culturelles, etc. Mais c’est aussi une solution qui s’oppose à la réalité des peuples et des systèmes politiques, dont certains maintiennent l’importance première, contestant le constat qu’un fait monétaire doit discipliner, par des flux migratoires, l’économie réelle.

La création d’une union monétaire est un phénomène extrêmement complexe qui demande beaucoup de temps pour assurer son propre équilibre. Il est coutumier d’avancer que la plupart échouent après 15 ans. Ce n’est pas le cas de l’euro. Mais sa stabilisation continentale prendra sans doute deux générations.

Bruno Colmant , Août 2017

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