Selon Gregory Venizelos, Recherche & Stratégie d’Investissement, AXA-IM, la difficulté des tables de négociation à fournir la liquidité nécessaire durant les périodes d’aversion au risque est source de préoccupation pour les investisseurs sur le crédit. Certaines initiatives, comme le développement de plateformes électroniques, ne suffiront pas pour limiter une trop forte correction du marché.
La difficulté des tables de négociation à fournir la liquidité nécessaire durant les périodes d’aversion au risque est source de préoccupation pour les investisseurs sur le crédit. Certaines initiatives, comme le développement de plateformes électroniques, ne suffiront pas pour limiter une trop forte correction du marché. Notre indicateur de liquidité indique que le régime actuel du marché semble globalement correct, si l’on exclut des épisodes isolés d’illiquidité. Le marché a partiellement corrigé la sous-estimation du risque de liquidité du 2e trimestre 2014.
La pression permanente exercée sur les banques pour qu’elles réduisent leur risque et leur endettement a eu un effet marqué sur la capacité des tables de négociation à jouer leur rôle de teneurs de marché et à fournir la liquidité nécessaire aux investisseurs. Ces limitations deviennent critiques en phase d’aversion au risque, lorsque l’incapacité des négociants à absorber les stocks peut se traduire par des mouvements de prix excessifs, souvent non justifiés par le risque sous-jacent. Ceci constitue un motif d’inquiétude majeur pour les investisseurs obligataires à cause notamment de la nature de gré à gré des marchés de crédit. La figure 1 montre bien la situation actuelle de la liquidité du marché du crédit. Les stocks de crédit des négociateurs américains sont retombés à leurs niveaux de 2002, à moins d’1/5ème du sommet de 2007, la taille du marché américain du crédit ayant doublé durant la même période.
Figure 1
L’écart grandissant entre des marchés de crédit en croissance rapide et des stocks de négociants en baisse a été partiellement compensé par : (i) une activité croissante sur le marché primaire ; (ii) une rotation plus rapide des stocks des négociants, favorisée par (iii) des plateformes de négociation électroniques rationalisant la fixation du prix et l’exécution des transactions. Mais aucun de ces facteurs ne remplace la liquidité fournie par les négociants, surtout lorsque des investisseurs cherchent à liquider de grosses positions de crédit dans un contexte de marché difficile. Les plateformes électroniques, par exemple, ont tendance à faciliter des transactions de moindre taille destinées à des investisseurs particuliers plutôt qu’à des institutionnels.
Ceci ne signifie pas que les acteurs des marchés n’oeuvrent pas à trouver des solutions satisfaisantes à l’avenir (si possible avant le retournement du super-cycle des taux longs). Des initiatives en cours pourraient aboutir à une amélioration de la liquidité du marché des titres obligataires comme le développement de plateformes de négociation électroniques plus intelligentes qui répondent aux besoins de toutes les contreparties, clients et négociants, et peuvent gérer différents protocoles de négociation, c’est-à-dire des demandes de prix ou des ordres à cours limité. Une autre innovation potentielle est l’homogénéisation des obligations d’entreprises, à l’instar des marchés des CDS, qui pourrait faciliter les négociations électroniques d’ordres de plus grosse taille (au prix, toutefois, d’une flexibilité réduite pour les entreprises émettrices).
Les acteurs du marché du crédit sont bien conscients du caractère multidimensionnel de la liquidité. Il y a sans doute cinq aspects clefs permettant d’embrasser plus globalement le concept de liquidité :
Etroitesse
La mesure typique de l’étroitesse de la liquidité est l’écart entre les cotations acheteuse/vendeuse en termes de prix ou de spread, usuellement connu sous le nom de fourchette acheteur/vendeur. Celle-ci, représentée par l’indice iTraxx Crossover (risque de crédit du haut rendement HY en €), peut être affectée en grande partie par le niveau d’aversion au risque du marché représenté par l’indice VDAX (volatilité implicite de l’indice actions DAX), comme l’illustre la figure 2.
Figure 2
Le facteur le plus pertinent pour retracer la vitesse d’exécution est sans doute la capacité des négociants à absorber ou à fournir des stocks, elle-même fonction directe de leur capacité à déployer leur bilan pour effectuer des transactions. Comme montré sur la Figure 1, par exemple, les stocks d’obligations d’entreprise des négociants américains ont chuté dramatiquement depuis la crise financière mondiale pour retrouver leurs niveaux de 2002, alors que le marché américain du crédit a plus que doublé depuis 2007. Les négociants sont donc de plus en plus bridés comme fournisseurs de liquidité. Différents éléments confirment cela et suggèrent qu’ils opèrent toujours plus sur la base de commandes, comme des courtiers, surtout pour des ordres de grosse taille (valeurs nominales supérieures à 1 ou 2 millions $). Alors que les plateformes de négociation électroniques continuent à se développer et à évoluer, elles se prêtent à des transactions plus modestes (inférieures à 1 million $), souvent destinées à des investisseurs particuliers plutôt qu’à de bien plus gros investisseurs institutionnels.
La fourchette acheteur/vendeur (Figure 2), ici encore, est une mesure pertinente de la profondeur du marché. De plus, les systèmes de règlements, tels que TRACE pour les obligations d’entreprises aux Etats-Unis, peuvent aussi fournir quelques statistiques utiles comme les ratios agrégés achats/ventes. La Figure 3 montre que ces ratios ont augmenté après la crise, mais seulement pour les transactions de petite taille, ce qui suggère que l’activité des investisseurs particuliers a sans doute dominé les marchés secondaires, les institutionnels se concentrant sur les marchés primaires pour s’approvisionner en titres émis par les entreprises.
Figure 3
En termes de profondeur de marché, à savoir le nombre d’ordres et/ou de demandes de prix pour un titre donné, comme leur impact sur la fixation du prix, une mesure simple à laquelle on peut s’intéresser est la rotation de ce marché. A titre d’exemple, la Figure 4 montre les données fournies par MarketAxess (plateforme de trading électronique) pour le marché du crédit en euro. On constate ici que, si la taille du marché du crédit en euro pour la catégorie investissement (IG) est restée stable autour de 2 trillions € annuels durant les 4-5 dernières années, les volumes négociés ont continûment reculé jusqu’à moins de 60 milliards $, d’où une tendance baissière de la rotation du marché de moins de 3%, en ligne avec la perception plus générale d’une réduction de la liquidité du crédit en euro.
Figure 4
Une mesure plus élaborée de l’ampleur et de la résistance du marché est l’indicateur de Liquidité Hui-Heubel (LIhh), qui vise à quantifier la sensibilité du prix d’un actif à son volume échangé. Ce type de mesure se prête fort bien aux fonds négociés en bourse (ETF) pour lesquels l’information sur le prix et sur les volumes (flux de fonds) est immédiatement disponible, du moins pour les ETF les plus activement traités. Le LIhh est calculé de la façon suivante :
où Pmin et Pmax sont les prix minimum et maximum sur une période de 5 jours, Volume est le volume traité (flux de fonds) et MktCap la capitalisation du marché au comptant du fonds. Un niveau plus haut de l’indicateur indique des conditions de marché moins liquides, autrement dit, un montant donné de flux de fonds EFT a un impact énorme sur son prix (ou encore un effet donné sur le prix ne requiert qu’un petit montant de flux).
La Figure 5 retrace l’historique du prix de LQD, l’un des ETF américains de crédit les plus liquides comprenant le risque crédit IG en dollars américains et son indice LIhh calculé. Nous observons que la liquidité s’est située sur une tendance haussière depuis la crise financière mondiale. Le régime actuel des marchés, en phase de QE de la Fed et désormais de la BCE, se caractérise par des conditions de marchés favorables, sporadiquement interrompues par des phases d’illiquidité (voir : la crise du BTP de novembre 2011, celle de la réduction des liquidités en mai 2013, celle sur la croissance en octobre 2014). Nous notons aussi sur la Figure 6 que, si l’indicateur LIhh peut refléter une aversion au risque plus générale du marché en évoluant de pair avec une mesure de la perception du risque comme le VIX, il peut aussi signaler des phases d’illiquidité plus propres à certains actifs et moins reliées à l’ensemble du marché.
Figure 5
Figure 6
Une comparaison de l’indicateur de liquidité entre différentes classes d’actifs illustre la façon dont la liquidité des ETF de crédit s’est améliorée au cours de 3-4 dernières années, l’utilisation d’ETF de crédit par les investisseurs ayant progressé continûment. De fait, on voit, Figure 7 que, tandis que l’indicateur de liquidité pour le crédit IG américain faisait des pointes à des niveaux supérieurs à 2x par le passé, il a plus récemment évolué dans une bande comparable à celle d’un ETF Nasdaq (QQQ) ou d’un ETF de dette souveraine de pays émergents libellé en dollars américains (EMB).
Figure 7
Pour finir, nous décomposons les spreads (écarts) de crédit selon différentes composantes de risque, dont une prime de liquidité du marché du crédit. Nous avons appliqué cela à l’indice iTraxx Crossover (crédit à haut rendement - HY – en €), comme représentatif d’un indice transparent et liquide des transactions de crédit. La Figure 8 montre la décomposition du spread par composante de risque et aussi en termes agrégés, à savoir le spread effectif ‘tout-en-un’ (‘all-in’). Les composantes sont les suivantes :
Si l’on compare cela à l’exubérance irrationnelle du premier trimestre 2014, lorsque l’écart excédentaire constituait l’essentiel du spread de crédit de l’indice iTraxx Crossover, le crédit en euro semble avoir corrigé l’excès par un risque de défaut légèrement plus élevé (bien qu’inférieur à sa moyenne historique), un risque de liquidité du marché du crédit plus fort (bien que toujours plus bas que durant la poussée d’octobre 2014) et un zeste de prime de risque du marché du crédit (même si elle a quasiment été effacée par le QE de la BCE).
Le bilan est que l’excédent de spread semble actuellement représenter environ 40% du spread de l’iTraxx Xover spread, contre environ 95% au début/à la mi- 2014.
Figure 8
Gregory Venizelos , Avril 2015
Cette 3ème édition met en lumière l’évolution de la connaissance et de l’appétence des épargnants français pour les produits d’épargne responsable et mesure en parallèle les convictions et l’appropriation du sujet par les conseillers (...)
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