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De « PIIGS » à « PFIIGS » ?

Alors que la situation économique européenne était globalement sur de bons rails (croissance en accélération modeste, inflation sous contrôle et baisse des taux directeurs à venir), au point, pour les investisseurs internationaux, de reconsidérer la zone, la situation politique en France est venue mettre à mal les records des indices boursiers européens et notamment ceux des indices français.

Les actifs français cristallisent, en effet, les tensions de façon quasi indiscriminée. Le CAC 40 s’affiche ainsi en repli d’environ -9% depuis ses plus hauts (contre -5% pour l’Euro Stoxx 50, l’indice de référence pour le marché européen) et tous les regards sont désormais tournés vers le spread (l’écart de rendement) entre les emprunts d’État français et allemands qui traduit le mieux le sentiment de défiance vis-à-vis de la France sur les marchés. Alors qu’il s’établissait sous les 50 bps avant les élections européennes, il a bondi depuis la dissolution de l’assemblée pour s’établir actuellement vers les 80 bps, niveau qu’il n’avait plus connu depuis 2017 … et les craintes de « Frexit » promis par Marine Le Pen en cas de victoire à l’élection présidentielle. Il faut sinon remonter à la crise de la dette européenne en 2011/2012 pour retrouver des niveaux de tensions plus importants ; le spread entre la France et l’Allemagne était alors largement au-dessus des 100 bps (cf. graphique de la semaine).

A ce stade, les investisseurs baignent dans l’incertitude. Il faut dire qu’aucun des scénarios envisageables ne semble actuellement favorable aux marchés financiers. En effet, alors que la tendance des finances publiques françaises n’était déjà pas particulièrement brillante, la perspective de programmes particulièrement dépensiers aux deux extrêmes fait craindre le pire sur la dette française. Le « moins pire » des scénarios étant finalement une paralysie du parlement avec deux gros blocs des extrêmes sans majorité, arbitrés par le parti présidentiel, sans que cela ne permette néanmoins de régler les problèmes de fond. Si la dépendance de la France aux marchés financiers peut naturellement en heurter certains, il faut malheureusement se rendre à l’évidence : avec plus de 3 000 milliards d’euros de dettes, 160 milliards d’euros de déficits et encore 140 milliards (sur plus de 300 milliards) de nouvelles dettes à émettre d’ici à la fin d’année, difficile de ne pas être tributaire des marchés financiers. Malgré la dégradation des comptes publics depuis maintenant plusieurs années, la France jouissait encore d’un certain privilège lui permettant notamment d’afficher une meilleure notation que certains de ses voisins européens aux ratios d’endettement pourtant meilleurs. Il n’est donc plus étonnant de voir désormais la France emprunter plus cher que le Portugal et plus proche de la Grèce ou de l’Italie que de l’Allemagne. La France nouveau pays périphérique rejoindra-t-elle le club des pays faibles de la zone euro (PIIGS : Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne) ? Notre chauvinisme en prend un coup… En attendant d’y voir plus clair sur le nouveau paysage politique français, nous sommes tactiquement passés neutre sur les actions européennes en milieu de semaine dernière.

Heureusement, si les spreads sont importants, les niveaux absolus le sont tout autant. La publication de l’inflation américaine sous les attentes a ainsi permis de limiter l’envolée des taux d’intérêts, ravivant l’espoir d’un assouplissement de la politique monétaire de la Fed dès cette année.

Thomas Giudici , 20 juin

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