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Opinion
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Alors que le marché obligataire nous offrait une certaine tranquillité depuis quelques mois, entre normalisation des primes de crédit, cohérence entre le point de vue des marchés et celui des banques centrales, désinversion de la courbe, c’est encore une fois un sujet politique qui s’est interposé pour réinjecter une dose de volatilité et d’incertitude.
Si notre hebdo n’a pas vocation à proposer une analyse politique, la dissolution récente de l’Assemblée nationale française pourrait jouer significativement sur certains pans du marché obligataire à court et moyen terme et ses conséquences devront être prises en compte dans un portefeuille obligataire. Et ce d’autant plus que ce sont les taux, la politique monétaire et la macro, sujets très liés aux Etats et au risque souverain en général, qui étaient déjà le principal vecteur d’incertitude dans les semaines passées…
Voici donc quelques éléments que nous prendrons en compte et mettrons en place dans les portefeuilles dans les semaines et mois à venir :
1. A horizon fin juin :
Si la BCE a fait un premier pas en faisant les premiers pas sur le chemin de la baisse des taux directeurs, elle reste néanmoins très précautionneuse et attentive aux évolutions des statistiques économiques, qui, si elles montrent une certaine tendance long terme, restent néanmoins très hétérogènes. Abstraction faite de la situation française, on a ainsi pu observer qu’une statistique d’emploi aux USA ou un indicateur de confiance en Allemagne pouvait, encore, entraîner des hausses ou des baisses de taux significatives sur des périodes de quelques jours.
A cette volatilité significative sur les taux en général, que le crédit peut permettre de compenser par un portage plus élevé et une moindre dépendance à la macro, viendra donc s’ajouter le sujet français, qui pourrait se rapprocher de celui qu’on avait connu en Italie lors des élections de 2018, 2019 ou 2022 avec la montée en puissance du Mouvement 5 étoiles puis l’élection de Georgia Meloni, ou en Espagne quelques années auparavant avec Podemos ; à la différence près que la France est encore considérée comme un pays « cœur de portefeuille » pour les investisseurs européens et internationaux, tandis que l’Italie de 2018 ou l’Espagne de 2016 étaient encore abordées comme des poches mineures, voire absentes des portefeuilles de beaucoup d’investisseurs, encore échaudés par la crise des périphériques de 2011. De plus, la France est considérée comme un des deux piliers fondateurs de l’Europe avec l’Allemagne, ce qui lui confère une importance plus grande en termes d’apport de stabilité pour « l’Eurosystème ». Ainsi la situation actuelle française devrait avoir un impact plus important sur les marchés qu’une situation comparable en Espagne ou en Italie il y a quelques années :
Evolution du Spread France10y – Allemagne 10y
Evolution des taux 10 ans France, Portugal et Espagne
Ainsi, d’ici fin juin, nos lignes directrices de gestion sont :
2. Post-élections :
Si nous ne pouvons donner de probabilités de victoire de tel ou tel parti, il nous est plus aisé de prévoir les conséquences, sur les marchés obligataires, de tel ou tel type de gouvernement, ce qui nous conduit à conclure que le rapport rendement/risque de cette élection pour la France est relativement défavorable pour l’investisseur qui investirait sur ses obligations publiques ou sur des actifs concentrés sur le risque ‘France’. En effet, dans le meilleur des cas rien ne changera, or on a bien vu que la situation budgétaire, sociale, politique et économique de la France est actuellement une combinaison plutôt médiocre, tandis que dans le pire des cas, le déficit et les incertitudes sur l’économie pourraient bondir…
A quelques nuances près, on peut donc conclure qu’aucun de ces scenarios ne permet d’affirmer que la perception de la dette française par les investisseurs, son équilibre budgétaire ou son économie pourraient s’améliorer significativement en amont puis à l’issue de ces élections. En revanche, certaines combinaisons ou types de gouvernements pourraient bel et bien créer des situations de blocage, de dérive plus ou moins importante du budget, d’appréciation plus ou moins défavorable des marchés. La conclusion à court terme est donc assez peu favorable et un investisseur opportuniste aura peu d’intérêt à se positionner sur la dette française pour les semaines et les mois à venir sur les niveaux de taux actuels.
D’un point de vue plus général, cette instabilité politique, cette pression des marchés sur les primes de crédit de l’Etat Français, pilier de l’Eurozone, ajoute, à moyen terme, un élément majeur dans la balance de la Banque Centrale pour sa politique monétaire. C’est d’abord pour des raisons de stabilité et d’évitement de la crise systémique ou d’éclatement de la Zone Euro que Monsieur Draghi avait dégainé son « Bazooka » en 2012. Nous en sommes encore loin mais, comme nous le disions plus haut, la France est un pilier important de la Zone Euro et une dérive trop importante de ses taux pourraient être un élément déclencheur d’une crise plus importante. Ainsi, nous considérons que ces soubresauts français pourraient, à terme, avoir pour conséquence une légère accélération des baisses de taux directeurs, ce qui milite plutôt en faveur d’une accélération des investissements obligataires pour les investisseurs, d’un rallongement de la duration et d’une poursuite de la bascule du High Yield vers l’Investment Grade, plus protecteur dans les phases de stress. Sur le High Yield, nous garderons les dossiers les plus internationaux et les métiers les moins cycliques. Enfin, le secteur financier nous semble encore un secteur à renforcer dans les semaines à venir à la faveur des écartements récents.
Matthieu Bailly , 14 juin
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