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Chronique d’une récession annoncée

Cette année encore, les marchés financiers dévoilent un horizon mouvant, parsemé de challenges et offrant aux investisseurs une captivante odyssée. L’analyse de Nicolas Forest, directeur des investissements chez Candriam...

Les tensions géopolitiques et les incertitudes économiques continuent d’exercer une influence considérable sur les marchés mondiaux. A ces préoccupations immédiates s’ajoutent celles – non moins critiques – du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité, qui persistent comme des défis pressants, pour 2024 et les générations à venir. Ces questions, plus interconnectées qu’on ne saurait l’imaginer, exigent une attention et une action concertée de la part des investisseurs, des entreprises et des gouvernements.

Dans ces conditions volatiles, la compréhension approfondie des facteurs sous-jacents qui façonnent l’économie mondiale est – plus que jamais – un prérequis indispensable à l’identification d’opportunités d’investissement convaincantes. Qui plus est, dans une année électorale parsemée d’embûches où la tentation populiste sera malheureusement l’antienne, l’intégration de considérations extra-financières dans nos décisions d’investissement reste selon nous le meilleur moyen de créer de la valeur pour nos investisseurs, tout en favorisant la transition vers un avenir plus durable. C’est une nécessité dans un monde de plus en plus incertain, et notre engagement vis-à-vis de nos clients.

D’une année à l’autre : l’économie mondiale en mode résistance

2023 aura contredit beaucoup de Cassandre et de lois financières que l’on pensait immuables. En effet, malgré un resserrement monétaire d’une vitesse et d’une magnitude inédites, une courbe obligataire inversée et une crise bancaire, la récession la plus télégraphiée de l’histoire… n’a pas eu lieu. Les douze derniers mois auront cependant été particulièrement tumultueux et éprouvants pour des marchés convulsifs, ballottés de conflits géopolitiques en incertitudes économiques, en passant par des mouvements de banques centrales plus épiés que ceux de Taylor Swift.

De fait, la volatilité sur les marchés obligataires a fait son grand retour. Et comme souvent, l’étonnement a surgi là où il était le moins attendu : si nous anticipions une croissance positive et un ralentissement de l’inflation, l’honnêteté nous pousse à reconnaître que la force de l’économie américaine nous a surpris : le pouvoir d’achat des ménages s’est avéré bien plus solide qu’anticipé, soutenu par les hausses de salaires et un matelas d’épargne confortable, gonflé depuis la crise du Covid.

Un an plus tard, alors que le cycle est plus avancé et que les conditions financières se sont resserrées, le spectre de la récession vient retoquer à la porte, et il semble plus nécessaire que jamais de penser les perspectives d’investissement à l’aune du nouveau paradigme obligataire. A l’heure de bâtir les allocations, nous traitons ce challenge et ses conséquences à travers une série de dix questions auxquelles nos experts apporteront leurs réponses et leurs convictions, tout au long du mois de décembre. En voici un aperçu.

Un nouveau paradigme obligataire

« High for longer » ? Alors que, jusqu’à présent, les banques centrales sont parvenues tant bien que mal à juguler l’inflation, c’est la question, celle que beaucoup d’entre nous – moi le premier – couchent sur le papier avant toute autre. Seront-elles moins restrictives en 2024 ? Dans un environnement de niveaux de rendement obligataires redevenus attractifs, est-ce pour autant le moment d’augmenter la duration et de continuer de privilégier le marché du crédit dont la résilience en a étonné plus d’un ?

De même, la hausse des taux a impacté la dynamique de la dette publique. Or, dans un environnement de croissance affaiblie et de réduction des programmes d’achat par les banques centrales, la question de la soutenabilité de la dette pourrait-elle se poser de nouveau en 2024 ? Elle n’a pas non plus été sans effet sur les marchés immobiliers avec une chute de la construction et des ventes. Alors que la baisse des prix a semblé limitée jusqu’ici, doit-on s’inquiéter d’une accélération ou s’agit-il au contraire d’une formidable opportunité de repositionnement ?

Au théâtre des equities : plusieurs temps, plusieurs lieux… plusieurs actions

Malgré les taux réels élevés, les indices actions ont bien résisté. Il s’agit cependant d’une hausse en trompe-l’œil, marquée par une forte sélectivité en faveur des méga-capitalisations américaines et une décote des petites et moyennes capitalisations. Dès lors, quels secteurs, quelles zones géographiques privilégier demain ?

Après avoir été pénalisées par la hausse des taux en 2023, les valeurs des secteurs de croissance défensifs retrouveront-elles un peu de leur superbe pour surperformer en 2024 ? Ces sociétés, notamment dans le secteur de la santé, décotées malgré un bilan solide et un faible niveau d’endettement, vont-elles à nouveau bénéficier de l’évolution démographique et de leur forte capacité d’innovation ?

Et que penser du secteur de l’énergie renouvelable, chahuté par la hausse des taux, la flambée du coût des matières premières et une rentabilité en berne ? Les conséquences du réchauffement climatique sont sans équivoque et nous rappellent que la transition énergétique est nécessaire même si elle fait face à des challenges à court terme. Les investissements sont encore insuffisants pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. La thématique sera incontournable aujourd’hui et demain, mais quelle place lui accorder, et quelle tactique adopter ?

Enfin, que penser du modèle de croissance de la Chine ? Est-il à bout de souffle, et le pays se trouve-t-il à l’aube d’une japonisation de son économie ? D’autres économies émergentes offrent-elles un potentiel de croissance et d’innovation à même de concurrencer l’empire du Milieu ? Quelles sont les alternatives ?

2024, année électorale et de défis

Outre les élections européennes, dont les enjeux seront nombreux – au premier rang desquels celui de la transition énergétique, absolument crucial –, c’est vers les Etats-Unis que tous les regards se tourneront à l’automne. Malgré un air de déjà-vu, comment cette élection pourrait-elle impacter notre scénario ?

In fine, face à un environnement géopolitique instable et une économie fragile et où l’instantanéité de la donnée prime, les investisseurs resteront suspendus aux lèvres des acteurs politiques et économiques, et continueront d’interpréter leurs signaux pour construire leurs portefeuilles : devrons-nous toujours privilégier les obligations aux actions ?

Une certitude : un marché du travail qui resterait tendu soutiendrait un scénario d’inflation plus vigoureuse et donc, de potentielles nouvelles restrictions monétaires. Le retour d’un Trump 1.2 sur le fauteuil du Bureau ovale raviverait les tensions avec Pékin. Enfin une escalade au Proche-Orient ou au-delà des frontières ukrainiennes rabattrait les cartes des scenarios économiques.

Fort heureusement, nous ne sommes pas à l’abri de nombreuses bonnes (ou moins mauvaises) nouvelles : une inflexion des grands argentiers marquerait le « pivot » tant attendu et soutiendrait les classes d’actifs les plus risquées. Un plan de soutien massif en Chine serait également très apprécié, surtout en Europe. Enfin – et même s’il semble un vœu pieux à l’heure où nous écrivons ces lignes –, la fin du conflit russo-ukrainien atténuerait considérablement le risque géopolitique en Europe.

C’est sur cette note positive que l’ensemble des équipes d’investissement de Candriam et moi-même vous présentons nos meilleurs vœux pour une année 2024 prospère. Ensemble, nous restons pleinement engagés à collaborer avec vous pour naviguer dans les défis et les opportunités qui nous attendent.

Nicolas Forest , Décembre 2023

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