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Banques françaises : des politiques climatiques insuffisantes et encore trop dominées par les énergies fossiles

Oxfam France, en partenariat avec Fair Finance France, a évalué plusieurs engagements ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) de 8 banques françaises dans le cadre d’une notation globale. Son verdict est sans appel...

Oxfam France, en partenariat avec Fair Finance France, a évalué plusieurs engagements ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) de 8 banques françaises dans le cadre d’une notation globale. Son verdict est sans appel : ces engagements sont insuffisants et montrent les limites de l’approche volontaire adoptée par le secteur financier. Oxfam invite les grandes banques françaises à plus d’ambition et rappelle que l’action de l’Etat est indispensable pour réguler le secteur financier et notamment limiter ses impacts sur le climat.

L’évaluation des politiques énergétiques des 8 banques françaises analysées (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE-Natixis, La Banque Postale, Crédit Mutuel-CIC, le Crédit Coopératif et la NEF) démontre que leurs engagements à respecter l’Accord de Paris demeurent insuffisants. Les grandes banques n’ont aucune politique spécifique limitant de manière significative leur soutien aux énergies fossiles, en particulier au gaz et au pétrole conventionnels, deux secteurs dont l’expansion est par ailleurs incompatible avec les objectifs internationaux en matière climatique.

Même si l’ensemble des banques ont annoncé la fin de leurs financements aux projets de mines et centrales à charbon, elles continuent de soutenir certaines entreprises opérant dans ce secteur. Pour Alexandre Poidatz, chargé de la régulation du secteur financier chez Oxfam France : « Parmi les types d’énergies privilégiées par les banques, le charbon reste encore trop prépondérant, comptant en moyenne pour 8,5 % des énergies financées tandis que le gaz et le pétrole représentent à eux deux 62,5 %. C’est bien trop au regard des financements vers les énergies renouvelables qui ne représentent que 19,6% du total [1]. »

Cette mise à jour des engagements des grandes banques, en continuité avec les chiffres du rapport « Banques françaises : les fossiles raflent la mise » [2] publié par Oxfam en novembre 2018, révèlent que les annonces des banques sont insuffisantes. Malgré quelques timides engagements lors de leurs assemblées générales en 2019, les banques françaises accusent un retard criant en matière climatique et en comparaison d’autres acteurs. Ainsi, la banque néerlandaise ING s’est engagée à ne plus soutenir d’entreprises qui produisent plus de 5 % de leur électricité à partir de charbon d’ici 2025. De leur côté, les assureurs français se sont engagés à ne plus investir dans les développeurs de centrales à charbon.

Face à l’immobilisme des banques françaises, Oxfam demande des actes forts de l’Etat et que le Gouvernement contraigne les banques à publier immédiatement un plan de sortie des énergies fossiles. Bruno Le Maire, qui avait déclaré en novembre dernier [3], « Je demande [que les acteurs financiers] arrêtent définitivement de financer les centrales et les mines à charbon [...]. Si ces engagements ne sont pas respectés, nous les rendrons contraignants », doit désormais passer aux actes.

Alexandre Poidatz complète : « Les banques connaissent leur responsabilité dans la crise climatique. Il est temps qu’elles arrêtent de se cacher derrière des mesures d’autorégulation et de la communication faussement volontariste. L’Etat a l’opportunité cette rentrée de présenter un projet de loi visant à réorienter les flux des acteurs financiers vers la transition. Réguler le secteur financier pour limiter son impact sur le climat est indispensable aujourd’hui et compte parmi les attentes exprimées par les signataires de l’Affaire du Siècle. »

Au-delà des attentes des citoyens, une régulation publique servirait aussi les intérêts des acteurs financiers eux-mêmes. Ces derniers mois, deux études [4] publiées à la fois par l’Autorité de Contrôle Prudentielle (APCR) et par BlackRock Investment Institute (BII) - le think-tank du plus grand gestionnaire d’actifs au monde - se sont inquiétées de la sous-évaluation par les investisseurs du risque financier que représentent les changements climatiques.

Selon Oxfam, si le Gouvernement veut réellement respecter l’Accord de Paris et accélérer la transition énergétique, il doit contraindre les acteurs financiers à :

  • cesser leur soutien aux entreprises développant de nouvelles centrales à charbon ou très exposées au secteur du charbon ;
  • adopter un plan de désengagement progressif du charbon au plus tard en 2030 dans l’OCDE et l’UE, et en 2040 dans le reste du monde ;
  • présenter un plan de stabilisation puis de diminution des capacités dans les secteurs pétrolier et gazier, fondé sur la science climatique et aligné avec l’objectif de 1,5 °C
  • mesurer et divulguer les émissions de gaz à effet de serre de leur portefeuille (associées aux actifs détenus et générées par les entreprises financées)

Alexandre Poidatz conclut : « Les engagements des banques portent trop souvent sur la création d’outils permettant d’évaluer les entreprises les plus exposées aux énergies fossiles, alors que l’urgence climatique exige de prendre des mesures fortes dès aujourd’hui : exclure les entreprises les plus polluantes et s’engager sur un plan de sortie des énergies fossiles. »

Next Finance , Juin 2019

Notes

[1] En novembre 2018, Oxfam France mettait en lumière dans un rapport les financements et investissements des six plus grandes banques françaises sur la période 2016-2017, et révélait que sur 10 euros de financements accordés par les banques françaises aux énergies, 2 euros seulement allaient aux énergies renouvelables, contre 7 euros aux fossiles, un chiffre en hausse depuis la COP21.

[2] En novembre 2018, Oxfam France mettait en lumière dans un rapport les financements et investissements des six plus grandes banques françaises sur la période 2016-2017, et révélait que sur 10 euros de financements accordés par les banques françaises aux énergies, 2 euros seulement allaient aux énergies renouvelables, contre 7 euros aux fossiles, un chiffre en hausse depuis la COP21.

[3] Novembre 2018, Climate Finance Days

[4] Avril 2019, étude de l’ACPR ; avril 2019, étude du BlacRock Investment Institute

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