Allocation d’actifs : la prudence s’impose !

Selon Christophe Brulé, président d’Entheca Finance, les conditions économiques dégradées et les tensions liées à la crise des dettes souveraines, poussent à la prudence en matière d’allocation : Sous-exposition globale aux actions et aux dettes souveraines européennes, préférence pour les dettes émergentes…

Un rythme de croissance fragilisé, la viabilité des dettes en question

La question de l’endettement des petits pays de l’Europe et l’incapacité de la Grèce à rembourser ses dettes restent sans réponse. A ce jour, l’absence de solution unanime des pays membres de la zone euro crée une psychologie négative avec une remontée de l’aversion au risque. Les Etats-Unis ne font pas preuve d’un plus grand discernement et ne prennent pas les mesures pour réduire le stock de dettes colossales. La question d’une rechute de l’économie mondiale se pose à nouveau, tout comme le risque de contagion en cas de défaillance d’un Etat, phénomène qui serait amplifié par les Credit Default Swap dont les banques sont les principales porteuses.

Des risques différents selon les zones géographiques

Alors que le FMI vient de confirmer le niveau de croissance mondiale pour l’année 2011, le déséquilibre entre zones géographiques se poursuit, les risques deviennent plus évidents et ne permettent pas de transformer la sortie de crise de 2008 en une période d’expansion.

- Aux Etats-Unis :
La croissance est moindre avec un PIB de 1,9% au premier trimestre, taux insuffisant pour le redressement de l’économie et les créations d’emploi. Le dernier chiffre des créations d’emplois a surpris par sa faiblesse : alors que 97 000 créations étaient attendues en juin, 18 000 seulement ont été réalisées ; en mai, il y a eu seulement 54 000 créations d’emplois contre 161 000 attendues. Le redémarrage de l’emploi est particulièrement lent, entraînant un certain attentisme des ménages, ce qui pèse sur la consommation, moteur important de la croissance. L’immobilier ne repart pas, il faudra encore plusieurs mois avant d’épurer le stock de constructions invendues ou saisies. Sans stimuli immobilier, l’économie reste atone, malgré le dynamisme du secteur technologique. Les Etats-Unis sont en année pré-électorale et les combats politiques autour de la réduction de l’endettement n’aboutissent à rien de concluant. La note souveraine des Etats Unis reste au centre des inquiétudes des agences de notation, une dégradation serait possible. Les Etats-Unis sont dans une situation budgétaire et financière difficile malgré la réserve de richesses dont ils disposent.

- En Europe :
La croissance économique insuffisante ne permet pas aux petits pays périphériques de l’Europe d’assumer le remboursement de leurs dettes publiques. L’absence de décision crée des doutes quant à l’accompagnement de l’Europe dans la gestion de cette crise. La Grèce est le cas le plus difficile à résoudre, du fait de sa faible croissance et de son endettement colossal. Plus grave que le cas irlandais ou portugais, l’effet contagion tant redouté est en train de se propager à l’Italie et à l’Espagne. Les taux à 10 ans de ces deux pays atteignent respectivement 5,30% et 5,79%, toute hausse supplémentaire rendra insoutenable le poids de la dette. Les écarts de taux de l’Italie et de l’Espagne avec l’Allemagne sont les mêmes aujourd’hui que ceux de la Grèce et du Portugal avec l’Allemagne, il y a deux ans en arrière ! C’est dire l’urgence des décisions politiques qui doivent être prises ; il n’y aura pas de solution facile au problème de la dette. Les Credit Default Swap (produits dérivés hors bilan couvrant le risque de défaut d’un emprunteur comme une assurance crédit) rendent le tissu bancaire et financier fragile et agissent comme amplificateur des risques, alors qu’ils sont sensés les réduire. Ces produits sont portés par l’ensemble des banques et des assureurs. Leur activation provoquerait un effet domino de paiements, fragilisant certains établissements, et provoquant logiquement d’autres défauts.

- En Asie :
La croissance ralentit, orchestrée par les politiques monétaires destinées à jugulée une inflation galopante. Les préoccupations liées aux prix immobiliers se centrent sur la Chine. Le relèvement des taux d’intérêt commencerait à faire son effet et à stabiliser les prix de l’immobilier, ce qui serait de bon augure. Néanmoins une certaine vigilance est de mise car les liquidités empruntées à bas taux d’intérêt, ont pu faciliter la création de bulles. Un recul trop fort du prix des actifs aurait pour effet une contraction marquée de l’activité, et en particulier des matières premières (cuivre notamment) utilisées pour la construction.

Quelques éléments rassurants ?

Les indicateurs avancés des directeurs d’achat, un de nos principaux baromètres d’activité, nous indiquent que l’on entre dans une phase de stabilisation. En effet, ces indices ont reculé aux Etats- Unis (ils étaient à 60 en janvier, puis ont baissé jusqu’à 53 en mai), mais sont revenus à 55 en juin, niveau témoignant d’une croissance convenable. La vivacité de l’économie américaine restera une des clés de la pérennité de l’économie mondiale. L’Allemagne confirme son statut de locomotive européenne, entraînant avec elle la France, son principal partenaire. Les indicateurs avancés allemands et français montrent également une légère baisse sans remettre en cause le trend de croissance établi. Le FMI a revu à la hausse les prévisions de croissance pour l’Europe de 1.8% à 2%.

La saison des résultats du deuxième trimestre débute. Nous nous attendons à une croissance moindre des résultats et des ventes du fait de l’impact négatif du coût des matières premières et des devises. Aux Etats-Unis, 66 entreprises ont abaissé leurs projections et seulement 34 les ont relevées. Le secteur financier concentre l’ensemble des baisses ; les révisions sont à la hausse dans le secteur technologique et les semi-conducteurs. Mais au delà de cet aspect, l’attention sera portée sur les attentes des entreprises pour la fin de l’année.

Allocation d’actifs : un « flight to quality » nécessaire

Dans ce contexte, la prudence et la sous-exposition aux actifs risqués est nécessaire. Nous restons à l’écart des dettes souveraines à l’exception de la dette allemande qui reste une valeur refuge malgré des rendements peu élevés. Nous avons également des positions sur la dette souveraine émergente qui offre un taux de rendement de l’ordre de 5,5% avec des pays en croissance et faiblement endettés.

Nous privilégions les obligations d’entreprises « investment grade », « high yield » et non notées dont les activités se montrent résistantes en période de croissance molle, avec l’objectif de percevoir la rémunération du coupon en portant les obligations jusqu’à l’échéance.

Nous maintenons notre préférence pour les actions américaines moins volatiles en période de doute que les actions européennes. Nous sommes revenus sur les actions japonaises qui devraient bénéficier d’une croissance supérieure à la zone Europe du fait de la reconstruction après le séisme du mois de mars.

Christophe Brulé , Juillet 2011

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