Une victoire à la Pyrrhus pour le dollar au second semestre 2013 ?

Prises une à une, les devises développées ont chacune des raisons intrinsèques de rester faibles, que ce soit à cause de leur politique monétaire accommodante ou de la faiblesse de leur reprise économique. La sortie progressive du QE3 et la solidité de la reprise aux États-Unis soutiendront le dollar...

Le dollar devrait continuer de monter face aux devises développées sur la deuxième partie de l’année 2013.

Après l’été 2012, le dollar a commencé à s’apprécier contre les principales devises développées, tout en se dépréciant par rapport aux devises émergentes. N’oublions pas que le taux de change réel effectif du dollar n’était alors qu’à quelques points de pourcentage au-dessus de son niveau minimal d’après guerre. La remontée du dollar sur les trois derniers trimestres était plutôt logique car la croissance économique est devenue plus robuste aux États-Unis alors que les autorités japonaises ont adopté une politique monétaire extrêmement accommodante, ce qui a fortement affaibli le yen, que la récession a fi ni par s’installer durablement en zone euro (6 trimestres consécutifs de contraction d’activité), et que les perspectives de croissance au Royaume-Uni sont restées moroses.

Cependant, l’évolution du dollar a été plus chahutée à l’approche de l’été, à mesure que l’incertitude sur la diminution ou non des montants d’actifs achetés par la Fed dans le cadre du QE3 a augmenté. Indéniablement, le FOMC du 18 au 19 juin a laissé des traces sur le marché des changes. L’évocation en conférence de presse par Ben Bernanke du possible arrêt du QE3 dès la mi 2014 a remis le dollar américain sur un chemin haussier, avec l’idée que la Fed était sur le point de commencer à retirer graduellement son arsenal de politique monétaire accommodante. Notons au passage que les devises qui avaient été « dopées » par le QE3, à savoir les devises « matières premières » et de nombreuses devises émergentes ont lourdement chuté contre le dollar après le 19 juin, sous l’effet de retraits de capitaux.

Le dollar devrait continuer à s’apprécier contre les principales devises développées sur la deuxième partie de l’année. Cela pourrait être assimilé à une victoire à la Pyrrhus car quelle autre devise pourrait être candidate à l’appréciation face au dollar ? L’euro ? La monnaie européenne continuera à être plombée par la reprise économique très poussive et par de possibles nouvelles mesures non conventionnelles de la part de la BCE. Le yen ? La politique monétaire extrêmement agressive de la Banque du Japon est partie pour durer encore très longtemps si elle veut avoir une chance d’atteindre son objectif d’inflation de 2 %. La livre sterling ? Avec l’amélioration récente des chiffres économiques au Royaume-Uni, elle pourrait être une bonne candidate mais la montée violente des taux d’intérêt à long terme pourrait amener la Banque d’Angleterre à reprendre sa politique d’achat d’actifs (dans les minutes de son comité de politique monétaire de février, la BoE décrivait explicitement la hausse des taux longs comme un durcissement des conditions financières pouvant l’amener à acheter plus de gilts). Le franc suisse ? Ne pouvant s’apprécier par rapport à l’euro à cause du seuil plancher sur la parité EUR/CHF introduit par la Banque Nationale Suisse, l’évolution du franc suisse par rapport au dollar est dictée par celle de l’euro. Les devises « matières premières » ? Le ralentissement chinois devrait peser sur les cours des matières premières et donc les pénaliser.

Au passage, notons que les devises « matières premières » ne sont pas toutes à mettre dans le même panier : le dollar néo-zélandais devrait, par exemple, continuer à surperformer le dollar australien. En Nouvelle-Zélande, le montant des investissements liés à la reconstruction après les tremblements de terre de 2011 a été substantiellement revu à la hausse récemment. L’effort de reconstruction se prolongera jusqu’en 2019, avec un pic en 2016. Par ailleurs, l’offre de logements reste insuffisante à Auckland. Les dépenses de construction devraient progressivement retrouver leurs niveaux d’avant 2008, ce qui permettra de stimuler la croissance. En Australie, l’investissement est, en revanche, en berne (a chuté au T1 2013 après deux trimestres de quasi-stagnation), notamment à cause du ralentissement de l’économie chinoise (environ un tiers des exportations australiennes sont à destination de la Chine). Selon les autorités, le pic de l’investissement dans l’industrie minière est proche et il est nécessaire que les industries non-minières prennent le relais pour alimenter la croissance, ce qui met du temps à venir. Pour cette raison entre autres, la banque centrale conserve un biais baissier pour sa politique de taux. Globalement, la dynamique de croissance est beaucoup plus encourageante en Nouvelle-Zélande qu’en Australie et le dollar néo-zélandais devrait mieux résister que son homologue australien.

Si le dollar américain continue à s’apprécier contre les devises développées en 2013, ce n’est pas seulement parce que les autres devises n’incitent pas à l’optimisme : il y a également des raisons fondamentales justifi ant une appréciation du dollar. Tout d’abord, le dollar est actuellement sous-évalué vis-à-vis de nombreuses devises développées. Ensuite, la croissance aux États-Unis semble être devenue plus robuste et plus durable : les créations d’emploi devraient se poursuivre à un bon rythme, ce qui permettra d’alimenter la consommation des ménages. Enfi n, dans un monde où les banques centrales des pays développés conserveront une politique monétaire accommodante pendant encore longtemps et pourraient même baisser les taux (Norvège, Australie, Suède), la Fed se singularise en indiquant qu’elle est prête à rebrousser chemin dans les prochains mois si les conditions économiques s’y prêtent.

Bastien Drut , Juillet 2013

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