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Réglementation
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Retour sur l’évolution de la réglementation bancaire et l’état des lieux des risques du secteur bancaire
Il y a beaucoup de confusion lorsque l’on parle de l’évolution de la réglementation bancaire. Il est vrai qu’il y a une inflation de textes et qu’en plus ceux-ci ne sont pas définitifs et très souvent sujet à interprétation. J’ai moi-même rédigé au premier trimestre 2013 un rapport spécial sur les banques qui aborde, entre autres thématiques, ces questions.
Revenons sur les propos récents de Mervin King (désormais ex-gouverneur de la Bank of England) selon lesquels "les banques qui sont trop importantes pour faire faillite sont trop importantes pour exister". Ces propos permettent de comprendre la persistance de la crise financière et surtout la corrélation entre le risque bancaire et le risque souverain.
Les récents changements de gouvernance et de supervision des banques n’y changeront rien. Les banques continueront à mettre en danger les Etats qui ont besoin de les recapitaliser et les Etats à mettre à leur tour en danger les banques qui continuent à accumuler dans leurs bilans des obligations souveraines.
La taille trop importante des banques reste le problème pour deux raisons :
La faillite d’une grande banque déstabiliserait l’ensemble du système financier si bien que les investisseurs sont donc persuadés que cette faillite est impossible. Ils pensent qu’il existera toujours des sauvetages en dernier ressort avec de l’argent public ou/et de la création monétaire, comme durant l’automne 2008. Cela pose néanmoins de sérieux problèmes avec un report dans le futur des crises : finances publiques de plus en plus dégradées, pression fiscale de plus en plus insupportable, perte de crédibilité de plus en plus forte des banques centrales. Peu importe pour tout le monde puisque tous ces problèmes sont pour demain ou après demain.
Puisque les banques trop grandes sont potentiellement dangereuses, le régulateur a choisi la voie du "durcissement" de la réglementation avec des exigences de plus en plus fortes en fonds propres accumulés. Une telle évolution a des effets pervers : prise de risque excessive pour maintenir un rendement des capitaux élevé. En effet, si les fonds propres doivent être de plus en plus élevés, il faut qu’ils rapportent plus.
Mais tout d’abord, il faut définir ce que l’on appelle dans les milieux financiers le ratio de fonds propres ou le ratio de solvabilité (on verra plus loin de manière plus précise et plus technique quelles sont les définitions et terminologies qu’il faudra maîtriser dans l’environnement réglementaire de Bale3)
Il s’agit du rapport suivant : Fonds propres (numérateur) divisé par Actifs pondérés en risques (notre dénominateur également appelé RWA pour risk weighted assets). Ce ratio devra être supérieur justement à un niveau cible sur lequel on reviendra
Il y a tout d’abord durcissement des règles au niveau du numérateur (c’est-à-dire que le régulateur va être plus exigeant sur ce qui est considéré comme éligible à des vrais fonds propres dans la réglementation Bale3 – toutes choses étant égales par ailleurs, ceci sera de nature à peser à la baisse sur ce numérateur, donc à la baisse sur le ratio)
Il y aura également durcissement des règles au niveau du dénominateur (ici le régulateur va imposer des règles plus pénalisantes en termes de fonds propres consommés dans le cadre de la future réglementation Bale3 – toutes choses étant égales par ailleurs, ceci sera de nature à peser à la hausse sur ce dénominateur, donc là encore à la baisse sur le ratio)
Dans le même temps, le régulateur sait que le développement dans les établissements bancaires des modèles internes de notation sur les contreparties de la banques commerciale, sur les contreparties de la banque de financement et d’investissement et sur les activités de marché peut avoir tendance à sous estimer le risque , les probabilités de défaut et de pertes et donc les exigences de fonds propres consommés.
C’est la raison pour laquelle il est prévu, certes à horizon 2018, l’introduction dans la réglementation Bâle 3 d’un ratio de levier assez simpliste et frustre défini comme le rapport entre les fonds propres et le total de bilan (qui devra être supérieur à 3%). Malgré son caractère simpliste (encore qu’ « heureusement » l’on va quand même prendre en compte le « netting » pour les dérivés et appliquer des facteurs de conversion pour les expositions hors bilan), ce ratio aura un double mérite :
Comble des paradoxes de la réglementation en tout cas – qui n’est pas à un paradoxe près -, la mise en œuvre prévue de ce ratio est en soi une preuve de la méfiance que suscitent désormais les modèles internes, même au sein de ceux qui en ont été les plus ardents défenseurs, c’est-à-dire le comité de Bâle. Pas étonnant en tout cas que ce ratio soit vigoureusement combattu notamment par le monde des Banques de financement et d’investissement.
Le core equity Tier 1, noyau dur de fonds propres (actions ordinaires, parts sociales émises par les établissements mutualistes, certificats d’investissement et d’associés) répond à des critères stricts considérés comme des fonds propres de qualité supérieure. Les banques devront respecter un ratio de fonds propres core equity Tier 1 (CET1) de 4,5% en cible en 2015
Avec la possibilité de détenir des fonds propres additionnels de catégorie 1 à hauteur de 1.5% , les établissements devront progressivement respecter un ratio de fonds propres de catégorie 1 (Tier 1) de 6% en 2015
Toujours dans la perspective d’absorber les pertes en cas de liquidation, les établissements devront progressivement respecter d’ici 2015 un ratio fonds propres total de 8%. Les instruments de fonds propres de catégorie 2 représenteront donc 2% du ratio global si le CET1 est égal à 4,5% et l’ADT1 (pour aditionnal Tier 1) à 1,5%.
Les coussins de fonds propres
Trois types de coussins sont envisagés
Un coussin de conservation de fonds propres : ce coussin devra être constitué de fonds propres de base de catégorie 1 (du CET 1) à hauteur de 2,5% des engagements pondérés des risques et devra porter à horizon 2019 le CET 1 à 7% (4.5%+2.5%), le ratio Tier 1 à 8.5% (6% +2.5%) et le ratio de fonds propres total à 10.5% (8%+2.5%)
Coussin contra-cyclique. Il sera imposé quand les autorités de tutelle (la BCE demain par exemple pour les banques de la Zone Euro) jugeront que la croissance du crédit est excessive et peut conduire à des bulles d’actifs financiers ou immobiliers et donc à des krachs provoquant crise économique et crise bancaire. Si cette idée de coussin contra-cyclique avait été mise en oeuvre en Espagne entre 2002 et 2006, la crise du système bancaire espagnol aurait été plus facilement gérable aujourd’hui. Chaque Etat membre sera chargé de fixer, chaque trimestre, le taux de coussin contra-cyclique de fonds propres applicable à ses banques nationales, qui pourra aller jusqu’ à 2,5% des encours en risques pondérés (RWA).
Coussin pour les établissements dits "systémiques". Les établissements financiers seront jugés systémiques au regard de 5 critères : la taille, l’interconnection (terme savant pour évoquer le risque systémique), l’activité difficilement remplaçable (donc difficilement « cessible »), l’activité mondiale et la complexité des opérations
Selon le degré d’importance systémique, ces établissements se verront imposer une surcharge en capital dont le barème progressif a été fixé de 1% à 2,5% de fonds propres de base de catégorie 1 (CET1). Certains établissements, dans un scénario "extrême" devront donc afficher un ratio de solvabilité de 15% : 4,5% +1,5% +2% au titre du ratio de solvabilité Bale 3 "normal" + 2,5% au titre du coussin de conservation + 2,5% au titre du coussin contra-cyclique + 2,5% au titre du coussin pour établissement systémique. Voilà qui va permettre au régulateur de dormir tranquille…
La course aux fonds propres de plus en plus élevés pour les banques comme l’exigera le régulateur va finalement poser deux problèmes :
Je suis donc plutôt dubitatif sur la gestion du numérateur du ratio de fonds propres (la course à l’accumulation de fonds propres pouvant être très contreproductive). Par contre, je considère que la gestion du dénominateur qui va consister à pénaliser en exigences de fonds propres consommés certaines activités tout aussi « inutiles » que risquées voire systémiques est plutôt intelligente.
Mory Doré , Juillet 2013
Professionnel des marchés financiers sur différentes activités depuis plus de 20 ans, Mory Doré est un interlocuteur privilégié de la gestion et des risques financiers de son établissement auprès de différentes instances et institutions, mais aussi un formateur, professeur et (...)
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