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Opinion
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Entre 2010 et 2012, je croyais avec force et conviction à l’implosion de la zone Euro. C’était l’époque des plans de sauvetage grecs de mai 2010, juillet 2011-octobre 2011 par le FESF (Fonds européen de stabilité financière), ce qui revenait à solliciter la dette publique des états à concurrence de leur poids dans ce fonds (Allemagne pour 25% des montants empruntés, France pour 20%), donc à faire payer les contribuables.
C’était l’époque « insouciante » des bail-out. Et puis les bail-in devant remplacer progressivement les bail-out, il a fallu faire appel aux créanciers privés (banques, assureurs et investisseurs institutionnels) pour finaliser le plan de restructuration de mars 2012. C’était aussi l’époque de la crise de la dette souveraine italienne à l’automne 2011 et de la dette publique espagnole à l’été 2012.
Au-delà de cette actualité stressante, j’avais une analyse macroéconomique trop rationnelle. De la même façon que la cohabitation entre pays avec maintien de parités de changes quasi-fixes était devenue impossible au sein du SME au début des années 1990, la cohabitation semblait devenue impossible au sein de l’UEM entre le modèle de spécialisation économique industrielle des pays d’Europe du Nord et celui d’Europe du Sud (France comprise) basé sur les services souvent non exportables. Ce qui revenait à constater que structurellement, tandis que les pays du « Nord » ne faisaient qu’accroître leurs excédents extérieurs (en ne les réinvestissent plus en titres d’état des pays du sud), les pays du « Sud » accroissaient leurs déficits (avec l’impossibilité de les refinancer à partir de 2010 avec l’épargne des pays excédentaires et avec donc la nécessité de réduire leurs déficits par des politiques d’austérité et de réduction de la demande).
Et puis à cette époque, on a de gros doutes sur les vraies solutions structurelles
Oui mais voilà, des évolutions fortes quasi exclusivement liées aux orientations et au comportement de la banque centrale européenne ont créé les conditions d’une irréversibilité de l’euro.
Tout d’abord, il faut comprendre que les institutions en général et la BCE en particulier sont plus fortes que les marchés (pas seulement parce-que l’institut d’émission a le pouvoir de battre monnaie en quantité illimitée). Certes, la crédibilité des dirigeants politiques et économiques de la zone Euro n’a pas toujours été au rendez-vous, mais l’histoire récente des marchés nous a donné un exemple de bataille entre politiques ou responsables monétaires d’une part et les marchés d’autre part qui a conduit à la capitulation de ces derniers. On pense inévitablement à cette date historique de la zone Euro, le 26 juillet 2012 avec la communication de Mario Draghi en pleine période de stress sur les dettes périphériques de la zone Euro : « il n’y aura pas d’explosion de la zone euro, car c’est méconnaître le capital politique que nos dirigeants ont investi dans cette union et le soutien des Européens. L’euro est irréversible et la préservation de l’euro fait partie de notre mandat et pour y parvenir, nous sommes très ouverts et n’avons pas de tabous ». Ces propos sont devenus célèbres et sont résumés par le fameux « Whatever it takes ». Croire qu’il en sera autrement à partir de novembre 2019 avec un successeur de Draghi plus faucon serait à notre avis complètement erroné.
Et puis il y eut la quasi-institutionnalisation des Quantitative easing (hier aux Etats-Unis, aujourd’hui encore en zone Euro, au Royaume-Uni et au Japon) qui a progressivement fait disparaître la liquidité des marchés d’obligations d’état. On peut parler de nationalisation des marchés obligataires : la banque centrale achète la dette publique de son pays, l’état débiteur verse les intérêts sur sa dette à la banque centrale ; mais en transférant comme le veut la loi ses bénéfices annuels à l’Etat, la Banque Centrale reversera donc ces intérêts au budget national. La dette publique achetée est donc en réalité annulée (au niveau des intérêts mais pas encore du stock). Cette situation est irréversible et nous sommes rentrés dans un nouveau monde, celui ou les banques centrales maintiennent artificiellement la solvabilité des états.
La situation de stress sur les actifs italiens doit être sérieusement relativisée et l’on devrait se souvenir que cet épisode n’a absolument rien à voir avec les crises du passé. La monétisation d’une partie importante des dettes publiques a non seulement tué la liquidité des marchés obligataires mais a aussi fortement réduit les crises systémiques avec mécanismes de contagion.
Rappelons comment se formait la contagion sur les marchés financiers.
Or, les événements récents sur les actifs italiens n’ont provoqué aucune contagion (la sous-performance temporaire des actifs espagnols s’explique par des considérations liées aux incertitudes politiques locales – qui ne sont d’ailleurs plus aujourd’hui d’actualité)
En réalité, il n’a jamais été judicieux de « parier » sur la fin de la zone Euro et il faut arrêter de perdre son temps et son argent à spéculer sur la disparition de l’Euro. Il faut finalement se dire que la zone Euro va survivre et ne pas imploser, ce qui ne veut pas dire pour autant que tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes et que le fonctionnement de cette zone monétaire est correct (il ne l’est pas puisque la mobilité du capital est faible à l’intérieur de la zone comme nous l’avons évoqué plus haut) :
La situation de la zone Euro est tellement déséquilibrée qu’il est « impossible » que la zone implose. Aussi absurde que cela paraisse, il est donc dangereux d’anticiper l’avenir de la zone Euro avec des analyses trop rationnelles. La meilleure preuve est représentée par ce que l’on appelle le système TARGET. Les soldes TARGET (“Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system”) correspondent aux positions intra-zone Euro des banques centrales nationales vis-à-vis de l’Eurosystème et permettent donc de mesurer la situation créditrice ou débitrice des banques centrales nationales vis-à-vis de l’Eurosystème. Dans la mesure où les créances TARGET sont comptabilisées dans l’Eurosystème, tous les membres de la zone Euro doivent partager le défaut d’une des banques centrales possédant une dette TARGET, en fonction de leur part dans le capital de la BCE. Les systèmes bancaires « créditeurs » peuvent donc perdre à due concurrence de leur participation du pays dans le capital de la BCE car le système est centralisé. Qui a donc intérêt à ce que le système implose ? Pas l’Italie dont la banque centrale nationale débitrice ne peut vivre sans la zone Euro ; pas non plus l’Allemagne dont la banque centrale nationale créditrice aurait beaucoup à perdre d’une implosion de la zone Euro.
C’est parce-que le système est structurellement déséquilibré qu’il ne peut conduire à la disparition de la zone. Nous convenons que l’argumentation est simple et défie le raisonnement économique, mais il faut s’en contenter et, encore une fois (désolé de se répéter) arrêter de perdre son temps et son argent à spéculer sur la disparition de l’Euro.
Nous verrons, avec d’autres arguments, dans un second article pourquoi l’existence de l’euro est irréversible. Ces raisons sont les suivantes :
Mory Doré , Juin 2018
Professionnel des marchés financiers sur différentes activités depuis plus de 20 ans, Mory Doré est un interlocuteur privilégié de la gestion et des risques financiers de son établissement auprès de différentes instances et institutions, mais aussi un formateur, professeur et (...)
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