Taux réels négatifs : 2013 confirmera le changement de régime

Un des grands évènements de l’année 2012 aura été le passage en territoire négatif des rendements réels des obligations souveraines 10 ans (nous considérons ici les marchés britannique, américain et allemand)...

La mécanique a été la suivante : si l’on fait abstraction du choc Lehman, qui pour des raisons liées à la faible liquidité relative des papiers indexés sur l’inflation a conduit à une forte sous-performance de ces derniers, les points morts d’inflation 10 ans n’ont pas vraiment changé de niveau depuis 2005. Seule leur volatilité est devenue un peu plus forte depuis la crise. Avant celle-ci, personne ne mettait en cause la crédibilité anti-inflationniste des banques centrales. Depuis 2009, ces même banques centrales semblent avoir vendu leur âme au diable, et prennent des décisions qui soit mettent en danger la stabilité des prix à long terme, soit hypothèquent leur indépendance (l’indépendance de la BCE ne sera en théorie pas remise en cause aussi longtemps que les pays qui bénéficieront des OMT respecteront les conditions du plan d’aide qui y sera associé. Dans le cas contraire…).

Les taux nominaux, en revanche, ont partout baissé, et ce de manière impressionnante. Depuis fin 2011/début 2012, ils sont passés sous les points morts d’inflation (les taux réels sont devenus négatifs) au Royaume Uni et aux Etats-Unis ; ils ont suivi la même évolution au printemps 2012 en Allemagne.

Le passage à un régime de taux réels longs négatifs procède des événements suivants :
1. La mise en place de politiques de bilan très agressives (QE, TWIST, bientôt peut-être OMT, etc…) qui ont pour objectif explicite de maintenir le rendement des obligations souveraines aussi bas que possible ;
2. Les incertitudes qui donnent un avantage comparatif important aux actifs réputés « sans risque » ;
3. La faiblesse du risque inflationniste à court terme, en raison du caractère très négatif des output gaps, des perspectives de croissance très mauvaises en Europe, incertaines aux Etats-Unis (fortement fonctions d’un accord politique sur le « fiscal cliff ») ;
4. Et, comme on l’a vu plus haut, la stabilité relative des anticipations à long terme (ce qui conduit à des courbes de points morts d’inflation très pentues, autre « anomalie » par rapport à la situation d’avant crise).

Pour anticiper le comportement des taux réels en 2013, il faut reprendre chacun de ces quatre points de manière prospective.
1. Les politiques de bilan ne sont pas terminées, au contraire. La BOE, la Fed et la BCE se déclarent toutes prêtes à les poursuivre (la Fed vient d’ailleurs d’annoncer une extension de son QE, et achètera USD 45 Mds de Tnotes par mois. Dans le cas de la BCE, la situation est un peu plus complexe : les OMT sont théoriquement stérilisées, et toute action stabilisatrice en zone euro est en principe une mauvaise nouvelle pour le bund). Ce facteur devrait donc rester très actif en 2013 ;
2. Les incertitudes resteront très importantes. Même si dernièrement les choses ont semblé se stabiliser en zone euro, les risques restent innombrables (union bancaire, cas de la France, risque de non-respect des engagements budgétaires, etc…) ;
3. Le risque inflationniste endogène restera inexistant : le pétrole demeurera le principal dénominateur commun de toutes les inflations mondiales, et le prix de celui-ci, sauf choc géopolitique, n’a guère de raison de s’apprécier significativement ;
4. Sur une perspective de long terme, les risques inflationnistes resteront inchangés (non négligeables).

Il est donc plus que probable que les rendements réels des obligations souveraines des trois pays/zones mentionnés resteront négatifs en 2013. Partant que les coupons des nouvelles émissions d’obligations indexées resteront à leur minimum (0.125 % aux Etats-Unis) et que l’ajustement se fera par l’écart entre le prix d’émission et le pair.

Ce sera, partant, encore une fois une très bonne année pour ces émetteurs souverains. Les nouveaux papiers sortiront avec des coupons extrêmement faibles, on verra sans doute encore des rendements à l’émission négatifs pour les papiers courts. Le contexte restera favorable au « deleveraging ».

René Defossez , Janvier 2013

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