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Opinion
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Alors que la hausse des taux s’accélère et que les banques centrales continuent de retarder les échéances de baisses de taux, les investisseurs deviennent de plus en plus sélectifs et attentistes et la volatilité grandit, ce qui ne se voit pas forcément de manière généralisée sur les marchés mais sur les réactions importantes à des informations, des évènements ou des publications.
Il est en effet plus facile de tolérer une mauvaise publication ou un imprévu quand une entreprise offre 10% de taux sur ses obligations et 5 de Price Earning Ratio sur son action que lorsque la même entreprise, après quelques mois de rally, n’offre plus que du 6% et un P/E à 10…
De même, tenir une position sur les taux longs quand ils offrent 2% de rendement lorsque les taux monétaires sont à 4% était un pari possible début 2023 – bien que nous ne l’ayons pas défendu du tout à l’époque – mais qui devient franchement coûteux en termes de performance et de volatilité un an plus tard, ce qui peut provoquer une certaine lassitude des investisseurs concernés, des remises en question et des capitulations soudaines, provoquant des mouvements relativement forts sur les taux. C’est aujourd’hui un exemple crédit que nous allons prendre, pour trois raisons :
Nous parlerons donc cette semaine de l’entreprise AMS Osram, dont nous détenons en portefeuilles les obligations 2025 et 2028.
L’autrichien AMS a racheté l’allemand Osram en 2020, l’ancienne division éclairage de Siemens, pour 4.6Mds€. Ce rapprochement promettait de belles synergies et une meilleure diversification au niveau de la clientèle mais les débuts auront été marqués par un fort ralentissement sur chacun des segments du nouvel ensemble. Le groupe s’est progressivement recentré sur ses activités ‘core’ et a réduit sa dépendance à Apple qui représentait près de 50% du chiffre d’affaires d’AMS. C’est désormais la division automobile qui a le plus de poids (51% du chiffre d’affaires).
AMS Osram opère dans deux secteurs d’activités :
Et opère pour trois marchés :
En 2023, AMS se trouvait dans une phase de transition entre l’intégration post-fusion d’AMS et OSRAM, des cessions d’actifs non stratégiques, de lourds investissements en particulier pour la construction d’une usine en Malaisie et un ralentissement important de la demande sur deux de ses trois marchés : le segment Industrie & Medical et le segment Consommateurs impacté par la baisse des ventes de smartphones. Cette fusion permettait aussi de limiter la dépendance à un client majeur du groupe, Apple, qui avait déjà entamé des ruptures progressives de contrat.
Les débuts de la fusion avaient été marquées par une restructuration afin d’améliorer la productivité et se concentrer sur les marchés les plus porteurs et les plus rentables. Ainsi, fin 2023, la majeure partie des cessions avait été réalisée pour plus de 700M€ et le groupe entendait avoir réalisé 94% des synergies qu’il s’était fixé. A long terme, les perspectives du groupe restaient solides et le management prévoyait une croissance de 7% par an entre 2022 et 2026 et une rentabilité en forte amélioration.
Afin de solidifier l’entreprise pour accompagner le plan de route, AMS avait réalisé fin 2023 un plan de refinancement comprenant une augmentation de capital de 800M€ combinée à l’émission de deux nouvelles obligations de maturité 2029 pour environ 1Md€ et la vente d’actifs pour 450M€, l’ensemble permettant au groupe de réduire son niveau de dette à 2.1x l’Ebitda et de couvrir ses échéances jusqu’en 2026.
A l’époque, la visibilité sur l’horizon redressement des résultats restait relativement faible mais cette incertitude nous semblait amplement rémunérée par la prime de rendement offerte, notamment sur l’obligation 2029, sortie en novembre avec un coupon de 10%. De plus, les obligations 2025, refinancées, offraient un placement de trésorerie à rémunération significative pour un risque qui nous semblait modéré.
Mais un écueil est intervenu cette semaine dans le plan de l’entreprise puisqu’Ams OSRAM a annoncé la perte inattendue d’un contrat majeur de ses activités microLED que les analystes attribuent à Apple, et l’enregistrement d’une dépréciation comprise entre EUR600m-EUR900m en première analyse, soit en d’autres termes, un montant comptablement au moins équivalent au produit de l’augmentation de capital réalisée au T4-23 et entre 13.5% et 20.5% de la valorisation bilantielle de ses actifs de long terme - PP&E & RoU assets et Intangibles, étant entendu qu’une partie de cette réévaluation comptable affectera les actifs de production/en construction liés à l’exécution de ce contrat, le groupe ayant souligné en particulier que cette révision entraînerait une réévaluation de l’utilité/utilisation de son usine de Kulim II (Malaisie) ayant fait l’objet d’une opération de S&L pour 385m.
A ce stade le groupe précise que la perte de ce contrat devrait avoir un impact de l’ordre de 30-50m sur l’EBIT ajusté du groupe lié à une baisse de la capitalisation des dépenses de R&D (non cash) tout autant que des subventions gouvernementales (cash) et l’oblige à revoir ses perspectives de croissance à moyen terme à 6% contre 8% auparavant, sachant que les activités concernées ne devaient commencer leur ramp-up opérationnel qu’à partir de 2026.
Du point de vue de l’actionnaire, cette annonce implique :
L’action perdait près de 40% à la clôture…
Du point de vue obligataire, si la nouvelle est évidemment très mauvaise, elle doit être relativisée et les obligations, qui perdaient jusqu’à près de 15% lors de l’annonce sur les maturités les plus longues et 4% sur les 2025, ont assez rapidement repris la moitié du chemin dès la mi-journée. Plusieurs points sont à noter.
En conclusion, si nous ne considérons évidemment pas la nouvelle comme bonne, elle n’a pour autant pas remis en cause notre investissement sur les obligations AMS Osram 2025 et 2028, sur lesquelles nous redoublerons tout de même d’attention afin de surveiller la concordance des chiffres futurs avec les annonces du management, les efforts de retour à meilleure fortune, l’absence d’autres imprévus de ce type (la récurrence devenant un signe de mauvaise gouvernance plus que de malchance répétée) et le respect du nouveau plan de route après cette avarie.
Enfin, nous verrons cette baisse, tout de même très importante sur les obligations AMS, comme une nouvelle justification de la diversification importante que nous nous imposons dans nos portefeuilles, a fortiori dans le contexte actuel, plutôt incertain en termes économique, monétaire et donc financier. Avec plus de 140 positions sur nos fonds à échéance et notre fonds court terme et plus de 80 sur le fonds Octo Crédit Value, au rendement plus élevé, un tel évènement n’a qu’un impact très limité pour le profil de performance et de volatilité.
Matthieu Bailly , Mars 2024
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