Si le culte des actions est en train de mourir, celui de l’inflation ne fait que commencer !

Selon Bill Gross, Patron et Gérant de Pimco, les investisseurs doivent s’attendre à la mise en place de solution inflationniste dans la quasi-totalité des économies développées pour les années et les décennies à venir.

Le culte des actions est en train de mourir. Plusieurs générations en ont été sevrées et se sont enrichies en pensant que ces morceaux de papier, représentant une part des bénéfices futurs, étaient simplement quelque chose de plus risquée qu’une reconnaissance de dette. L’histoire ne l’avait elle pas d’ailleurs confirmé ? Jeremy Siegel le rappelle dans son livre publié à la fin des années 1990, mettant en lumière ce culte pour l’investissement actions. Cependant, aujourd’hui, en 2012, un investisseur peut comparer périodiquement le rendement des actions sur les 10, 20 et 30 dernières années et s’apercevoir que les obligations d’Etat à long terme, ont été plus performantes et évidemment plus « sûres » qu’un portefeuille diversifié d’actions. Cela montre qu’un risque plus élevé est généralement, mais pas toujours, récompensé par un rendement additionnel.

Avez-vous des actions ?

Le graphique 1 affiche un scénario plutôt différent, soulignant la performance des actions pendant plus d’un siècle – c’est-à-dire sur le très long terme. L’historique à long terme du rendement des actions, en termes réel, affiche une valeur de 6,6% (connu sous le nom constante de Siegel) depuis 1912. A compter de cette date, un investissement de 1 dollar vaut aujourd’hui plus de 500 dollars, corrigé de l’inflation. On comprend pourquoi les baby-boomers sont devenus des disciples de Siegel. Laisser son argent travailler dur au lieu de travailler dur pour gagner de l’argent semblait être inéluctable.

Graphique 1 : Les actions pour le très long terme

Pourtant, ce rendement réel de 6,6% dément le bon sens. La richesse ou le Produit Intérieur Brut (PIB) réel a, en effet, seulement augmenté à un rythme annuel de 3,5% pendant le même laps de temps. Comment, au cours de cette période, les actionnaires ont-ils reçu chaque année 3% de plus que la croissance du PIB. En clair, comment une partie des agents économiques (les actionnaires) a-t-elle pu systématiquement s’enrichir au détriment des autres (les prêteurs, les salariés et le gouvernement) ? Si les actions continuent de s’apprécier à un taux annuel, supérieur de 3% à celui de l’économie elle-même, les actionnaires s’accapareraient non seulement une part disproportionnée de la richesse, mais la quasi-totalité de l’argent dans le monde !

Les adeptes des actions apportent une explication à cette situation. Le bon sens dirait, que les actions, correctement évaluées, devraient avoir une meilleure rentabilité que les obligations. Leurs dividendes étant variables, leurs flux de trésorerie moins certains, une prime de risque doit, par conséquent, exister pour compenser la position minoritaire des actionnaires dans la structure du capital. Généralement, les sociétés empruntent à un taux moindre que celui du rendement de leurs fonds propres. Si le PIB et de la richesse ont augmenté de 3,5% par an, il semble légitime que le détenteur d’obligations en obtienne un peu moins et l’actionnaire un peu plus. À long terme, les rendements historiques des bons du Trésor et des obligations d’entreprises valident cette logique et il semble raisonnable de supposer la durabilité de cette relation pour les cents prochaines années. « Les actions pour le très long terme » aurait été un meilleur titre pour le livre de Siegel.

Graphique 2 : le capital bat le travail

Le graphique 2 donne une raison supplémentaire pour expliquer pourquoi les actions se sont plus appréciées que le PIB. Les économistes mettent en avant non seulement les écarts de rendement au sein du capital lui-même (obligations par rapport aux actions pour garder les choses simples) mais aussi la répartition du PIB entre le capital, le travail et le gouvernement qui peut sensiblement avantager un secteur par rapport à un autre. Le graphique 2 confirme que les salaires réels, rapportés au PIB, n’ont cessé de baisser depuis les années 1970. En outre, le gouvernement a accordé aux entreprises des réductions d’impôts au cours de la même période. Les taux d’imposition des sociétés sont maintenant à un plus bas niveau depuis 30 ans, exprimé en pourcentage du PIB. Il n’est donc pas trop surprenant que les 6,6% de rendement historique réel, affiché par les actions, étaient, dès lors, plus élevé de 3% que la création de richesse réelle, au cours d’une période de temps aussi longue.

La question légitime à laquelle les analystes du marché, les prévisionnistes du gouvernement et les consultants des fonds de retraite doivent répondre est de savoir comment ce rendement réel de 6,6% peut éventuellement être reproduit à l’avenir, étant donné les conditions actuelles. Si la croissance du PIB ralentit de manière significative, comment peut-on imaginer un marché action s’apprécier de 6,6% par an en termes réels ? Ils ne le peuvent pas, hormis un miracle de productivité semblable à celui d’Apple.

Avez-vous des obligations ?

Avec des emprunts d’Etat à long terme affichant actuellement un rendement de 2,55%, il est encore plus exagéré de supposer que le marché obligataire va répliquer sa performance réalisée au cours de ces dernières décennies. L’indice « Barclays US Aggregate Bond Index », composé d’obligations « investment grade » et de prêts hypothécaires affiche aujourd’hui un rendement de 1,8% pour une maturité moyenne de 6-7 ans.

Sur la base d’un taux rendement de 2% pour les obligations et d’un faible niveau nominal pour les actions (disons 4%), la rentabilité d’un portefeuille diversifié devrait afficher une rentabilité nominale autour de 3% par an, avec un niveau attendu d’inflation proche de 0. Pourtant, les fonds de pensions, les budgets gouvernementaux et les épargnants ont, dans bien des cas, fait l’hypothèse d’une appréciation de leurs actifs sur la base d’au moins 7-8% par an.

Ainsi, un des plus importants fonds de pension a, par exemple, fait récemment l’hypothèse que l’appréciation de son portefeuille diversifié se ferait sur la base d’un taux réel de 4,75%. En supposant qu’une bonne partie de ce portefeuille soit investi en obligations affichant un rendement réel à 1-2%, sa composante actions stocks devrait donc générer 7-8%, ajusté de l’inflation. C’est peu probable dans un contexte où les économies des pays développés commencent à ressembler de plus en plus à celle des décennies perdues du Japon.

Si les actifs financiers ne travaillent plus pour vous à un rythme soutenu, situé au dessus du taux de création de richesse réelle, alors vous devez travailler plus longtemps et/ou faire face à une baisse de vos avoirs existants. Toutefois, des solutions existent si les rendements futurs des marchés financiers s’avèrent décevants par rapport à leurs performances historiques.

La solution inflationniste pour la prospérité

La potion magique que les décideurs politiques ont toujours appliquée dans une telle situation est de relancer l’inflation pour sortir de l’ornière. La meilleure façon de générer des rendements de 7-8% pour les obligations au cours des 30 prochaines années est de les inflater aussi vite que possible à 7-8% ! Dans ce cas, malheur au possesseur d’obligations à long terme ! De son côté, l’actionnaire ne s’en sort guère mieux pendant les périodes inflationnistes. Pourtant, si les bénéfices peuvent être inflatés de 5-10% par an et si l’économie américaine peut croitre à un rythme nominal annuel de 6-7% comme elle l’a fait dans les années 70 et 80, alors les problèmes d’endettement pour l’Amérique et de l’économie mondiale pourraient se résoudre. Bien sûr, l’inflation ne crée pas de richesse réelle et ne répartit pas équitablement les contributions de chacun. Pourtant, aussi déloyale soit-elle, cette solution doit être attendue par les investisseurs dans les économies développées, pour les années et les décennies à venir.

Le culte des actions est peut être en train de mourir, mais celui de l’inflation ne fait peut être que commencer

Bill Gross , Août 2012

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