Retour sur les vraies origines de la crise

Plus de 4 ans après le début officiel, à l’heure ou tout le monde se demande comment on va sortir de cette interminable crise, revenons un instant sur les vraies origines.

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Première grande origine de cette crise qui nous permet de remonter à la fin du siècle dernier, le maintien de taux longs à des niveaux anormalement bas dans un environnement de liquidité trop abondante et mal allouée. Trois raisons à l’origine de cette crise et qui remontent effectivement au début des années 2000 avec en grande partie le développement de l’économie chinoise, porteur de graves déséquilibres.

- 1/ Tout d’abord, nous vivons dans un monde d’excès d’épargne sur l’investissement à l’échelle mondiale, ce qui conduit mécaniquement à une pression durable à la baisse des taux longs

- 2/ Ensuite la seconde raison forte (traduction de la raison précédente) qui maintient les taux longs à bas niveau tient au fait que les déficits publics occidentaux continuent à être financés (on dit « monétisés » en Europe) par les banques centrales domestiques des pays émergents et exportateurs de pétrole pour les raisons que l’on sait : il faut empêcher la monnaie de certains émergents de s’apprécier contre dollar notamment afin de rester compétitifs

- 3/ Enfin, les taux longs ne pouvaient sembler remonter pour une troisième raison : les politiques monétaires des grandes banques centrales vont rester durablement trop expansionnistes et cela conduit naturellement les investisseurs du monde entier à accumuler des positions de transformation profitables (refinancement à des taux courts très faibles des achats d’obligations d’état)

Seconde grande origine de cette crise- et naturellement conséquence de la première des taux longs trop bas ont conduit à la mise en place d’une ingénierie financière mal maîtrisée La crise a été alimentée par un environnement de taux bas et donc de coûts de financement des prises de positions très attractifs (politique monétaire accommodante, taux emprunts d’état bas avec la liquidité mondiale, spreads de crédit ne rémunérant que très peu le risque corporate).
Les produits de placement classiques rémunérant de moins en moins et les exigences de rentabilité restant inchangées, il a fallu faire appel à l’innovation financière pour fabriquer des produits structurés sophistiqués et complexes à rendement bonifié facilement refinancés. On a donc assisté à une généralisation de l’endettement (le leverage) pour répondre aux contraintes de rentabilité.

Certes, la crise démarre officiellement en juillet 2007 avec le constat de l’excès d’endettement immobilier des ménages américains insolvables et la transformation des créances pourries de ces ménages en produits structurés packagés (des titrisations toxiques avec plus ou moins d’ effets de levier) par les banques d’investissement et revendus aux investisseurs du monde entier.
Ensuite la crise prendra de multiples visages grâce ou à cause d’une succession de transferts de risques

  • D’abord une crise de la titrisation qui se transforme en crise bancaire. En effet, les dépréciations d’actifs générées par la détention de ces positions menaceront certains établissements financiers de faillites.
  • Les états, déjà mal-endettés et surendettés recapitaliseront nombre de banques et, dans certains cas extrêmes, nationaliseront. Dès lors, la crise bancaire se transformera vite en une crise des dettes souveraines. Il deviendra même de moins en moins tabou d’envisager le défaut d’un pays de la zone Euro.
  • Cette crise des dettes souveraines qui nous vivons aujourd’hui recrée les conditions d’une crise bancaire compte tenu de l’accumulation de papiers d’état dans les bilans bancaires et des débuts de dépréciation soi-disant ordonnés de certaines d’entre elles. Et nous en sommes aujourd’hui arrivés au stade ou il n’existe plus de solution, tout du moins de solution conventionnelle.
Les échanges interbancaires sont paralysés parce-que les banques ne se prêtent plus la liquidité entre elles dans des conditions normales. Après tout qui se méfie le plus d’une banque ? Forcément une autre banque
Mory Doré

Il faut donc compter sur le prêteur en dernier ressort, dans notre beau système économique et financier, la banque centrale pour se substituer au marché interbancaire puisque celui-ci ne fonctionne plus normalement. Les échanges interbancaires sont paralysés parce-que les banques ne se prêtent plus la liquidité entre elles dans des conditions normales. Après tout qui se méfie le plus d’une banque ? Forcément une autre banque.

Il faut également compter aussi sur un acheteur en dernier ressort, donc toujours et encore la banque centrale pour refinancer les encours de dettes de certains états importants de la zone Euro (la taille des encours de dettes espagnole et italienne ne pouvant être financés par le FESF dont les ressources sont empruntées et donc limitées ; alors que le refinancement par la création monétaire de la banque centrale est techniquement plus facile car par définition illimité. Encore qu’aujourd’hui, en Europe, l’on bute sur une contrainte politique forte, l’opposition allemande à ce type de monétisation.

On verra dans un prochain article que cette opposition se transformera vite en opposition de principe sous la pression des événements et que les banques centrales en général et la BCE en particulier vont devenir les poubelles du système financier international du système financier international, des vraies bad banks en quelque sorte puisque l’on va profiter de leur double spécificité :

- 1/ ce sont les seuls acteurs financiers dont une partie du passif (dettes) n’est pas exigible ; en créant de la monnaie, la banque centrale émet une dette sur elle-même non remboursable en tout cas tant que la monnaie émise est acceptée comme moyen d’échange, de paiement, de transaction et de réserve. On imagine pas un seul instant qu’il en soit autrement car les agents économiques que nous sommes tous n’ont pas d’autre choix.

- 2/ par ailleurs, ce sont aussi les seuls acteurs qui sont indifférents au mark-to-market (valorisations) des actifs qu’ils détiennent car en cas de perte, il n’est nul besoin de les recapitaliser comme pour une banque normale ; il suffit tout juste par un jeu d’écriture comme on sait si bien le faire en finance d’inscrire au bilan une provision de passif.

Alors, me dires-vous tant qu’il existera des banques centrales, nous serons donc sauvés et pourront dormir tranquillement..Et tant qu’il existera des banques centrales, il sera toujours tentant pour les dirigeants politiques et économiques de leur demander de payer leur gabegie, leurs inconséquences voire leurs incompétences. On verra néanmoins qu’en économie , même si c’est souvent moins compliqué que certains veulent bien nous le faire croire, les choses ne sont quand même pas aussi simples. Et le système financier ne peut pas se reposer éternellement sur l’acheteur et/ou le prêteur en dernier ressort.

Mory Doré , Novembre 2011

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