Que se passe-t-il en cas de défaut des Etats- Unis ?

Selon René Defossez, Stratégiste chez Natixis, s’il devait y avoir défaut, il serait « technique » - le Congrès refuserait à l’Etat le droit d’emprunter -, et non lié à un problème de solvabilité – la situation budgétaire des Etats-Unis est supposée s’améliorer dans les 5 ou 6 prochaines années.

Avant de répondre à cette question, il convient de préciser que la probabilité d’un tel événement est très faible : les républicains traîneraient durablement l’image d’un parti irresponsable s’il n’y avait pas d’accord sur le plafond de la dette. Le scénario qui semble plutôt se dessiner est celui d’une négociation globale, sur le budget et sur le plafond. S’il devait quand même y avoir défaut, il serait « technique » - le Congrès refuserait à l’Etat le droit d’emprunter -, et non lié à un problème de solvabilité – la situation budgétaire des Etats-Unis est supposée s’améliorer dans les 5 ou 6 prochaines années. S’il n’y a pas d’accord le 17 octobre, l’Etat disposerait encore d’un peu de cash et pourrait retarder le défaut.

Mais technique ou non, le choc n’en demeurerait pas moins considérable comme le précise le FMI, et il est difficile d’estimer aujourd’hui les dégâts qu’il pourrait provoquer sur la qualité du crédit US.

Comme le risque de défaut n’est pas complètement nul, il est logique que les marchés commencent à en tenir compte. Dans les marchés de taux, ce sont les T-bills les plus courts – dont l’échéance ne dépasse que légèrement la date du 17 octobre – qui souffrent le plus. Leur taux, qui était presque de 0 % mi-septembre, est aujourd’hui de 0.13 %. Le TED spread 1 mois s’est en conséquence effondré.

Les maturités plus longues ne sont pour l’instant guère touchées : personne ne croit que s’il y a un défaut technique, il se prolongera au-delà de quelques jours.

En revanche, les dérivés de crédit prennent beaucoup plus clairement en compte ce risque, comme le montre l’évolution récente des CDS 5 ans : ces derniers ont quasiment doublé en l’espace de quelques jours, et s’affichent maintenant à quasiment 40pb.

Le dollar est lui aussi touché par la probabilité non nulle d’un défaut : la devise d’un pays qui n’honore pas ses dettes (ou une partie de ses dettes, comme le suggèrent certains députés) est forcément beaucoup moins attractive. Par ailleurs, le blocage actuel, ses conséquences sur l’activité économique et le fait qu’il empêche la publication de nombreuses statistiques, dont celles –primordiales compte tenu de la nature du « forward guidance » - de l’emploi, pourrait compliquer le début de la réduction des achats de Tnotes dans un futur proche.

Le « shutdown » a déjà un coût économique, même s’il est difficile à quantifier. Un défaut aurait, potentiellement, un coût beaucoup plus élevé, et qui dépasserait les frontières des Etats-Unis. Bien sûr, tout le monde sait que ce défaut ne signifie pas que le gouvernement américain ne peut plus honorer sa dette, mais que le Congrès empêche de la payer. Mais même si le défaut est purement politique, il n’en créerait pas moins un climat d’incertitude très néfaste pour l’économie. Il révèlerait de la manière la plus extrême possible les énormes problèmes de gouvernance des Etats-Unis.
C’est donc assez normal, dans ce contexte, que les actions baissent et que la volatilité de celle-ci augmente.

Sur une perspective de plus long terme, que peut-il se passer ? Avant de répondre à cette question, il faut essayer de dessiner un scénario de stress extrême. S’il y a défaut, ce sera de manière très sélective, sur une ou plusieurs lignes. Et le défaut ne conduirait pas à une vraie restructuration de la dette, mais simplement à un retard de paiement. Mais même dans cette hypothèse, l’impact en terme d’image serait potentiellement colossal, et les Etats- Unis seraient obligés, à l’avenir, de payer une prime de risque supplémentaire sur leurs obligations (surtout que sur une perspective de long terme, l’évolution des finances publiques US n’est pas vertueuse, comme l’a encore signalé récemment le DMO). Les agences de rating ne pourraient pas ne pas tenir compte de cet événement de crédit. Si un jour un substitut crédible au Tnote, en tant que valeur refuge, apparaissait, la prime exigée sur ce dernier serait encore plus importante. Les banques centrales pourraient être tentées de réduire la part du dollar dans leurs réserves, ce qui d’ailleurs est déjà fait dans certains pays émergents, où il y a eu des ventes de dollar au profit de l’or. Ce dernier devrait donc profiter d’un scénario de stress extrême.

Ainsi, on peut s’attendre, dans l’hypothèse d’un défaut, à une sous-performance marquée des Tnotes (par rapport au bund par exemple), même si la Fed a encore les moyens de limiter les dégâts en maintenant, voire en augmentant, son QE.

Pour l’instant, le Tnote 10 ans n’intègre pas ce risque : il est parfaitement stable depuis 10 jours. Le spread Tnotebund 10 ans, de son côté, n’est guère plus volatil.

Comme nous ne pensons pas que ce scénario de stress se réalisera, il nous paraît opportun de jouer :

  • Un rebond du TED spread US 1 mois ;
  • Une baisse du spread de CDS 5 ans ;
  • Un rebond du dollar ;
  • Une baisse du VIX et une hausse des actions.

René Defossez , Octobre 2013

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