Préparer les portefeuilles « assurantiels » à l’après Covid-19 : un retour progressif vers les actifs ‘risqués’… avec une sélectivité accrue

La crise sanitaire a démontré que la structure du mandat de gestion, délégué par l’investisseur au gestionnaire d’actifs, affiche une meilleure robustesse qu’un véhicule de type OPC face aux chocs de volatilité...

La crise sanitaire du Covid-19 et ses conséquences ont provoqué un changement d’approche, pour les investisseurs institutionnels et leur stratégie d’investissement. D’un point de vue conjoncturel et sur les marchés financiers, la pandémie « a fait figure de véritable cygne noir [1] » comme le souligne Christophe Morel, Chef économiste de Groupama Asset Management. « Avant la crise, plusieurs défis ne semblaient pas avoir de solution : la stagnation séculaire, la ‘zombification’ de l’économie, la nécessité de réallouer les ressources vers de nouveaux besoins (environnement, numérique…) et l’impasse dans laquelle se situait la construction européenne. Parce que la crise sanitaire a affecté tous les pays simultanément, elle constitue une opportunité d’envisager des solutions à tous ces défis de long terme sous la forme d’une ‘destruction créatrice’ schumpetérienne, et dans le cas européen, d’initier un fédéralisme avec une solidarité budgétaire ce qui constitue une nouvelle donne » résume-t-il.

Cet environnement inédit a rebattu les cartes au sein des portefeuilles des investisseurs du secteur assurantiel (mutuelles, institutions de prévoyance, assureurs) qui ont dû réviser leur allocation et leur pilotage des risques.

« Depuis mars 2019 et le changement de cap soudain des Banques Centrales, à la faveur du prolongement inattendu de conditions toujours accommodantes, les portefeuilles étaient en ligne avec un environnement de taux durablement bas : l’objectif était alors essentiellement de capter de la prime de risque et de la pente pour préparer les portefeuilles « assurantiels » à un monde sans taux. » détaille Alexandre Piazza, Responsable de la gestion assurantielle dédiée à la clientèle externe.

Enjeu de monétisation de certains actifs au plus fort de la crise

Au cœur de la crise, il a fallu ajuster le positionnement au profit d’une stratégie plus défensive, mais opportuniste. Au premier semestre 2020, la mise à l’arrêt de l’économie et l’intervention « éclair » et dans des proportions jamais vues des Etats et des banques centrales, ont provoqué une forte volatilité des taux obligataires et un élargissement massif des spreads de crédit. « Les investisseurs institutionnels ont été confrontés à la nécessité de libérer rapidement du cash. Une séquence de stress sur la liquidité a été observée. Il a donc fallu monétiser des positions courtes et à risque, par exemple, à travers la vente d’obligations d’Etat à taux négatif et à échéance 2020. Cela a permis de financer des opportunités d’investissement tout en augmentant le rendement comptable » analyse Alexandre Piazza.

Compte tenu de la reconstitution des spreads sur certains segments, de nouvelles opportunités d’investissement ont, parallèlement, émergé. « Les prises de risque opportunistes ont porté surtout sur des titres de bonne qualité et à maturité moyen terme. A l’image d’obligations d’entreprise investment-grade notées ‘A’, dont les niveaux de rendement sont réapparus à des points que l’on attendait plus. Nos arbitrages ont aussi été favorables aux obligations souveraines européennes ‘cœur’ françaises et belges ou ‘périphériques’ espagnoles et portugaises ».

En outre, il a été utile de rééquilibrer les échéanciers au sein des portefeuilles avec des flux sur des maturités plus courtes qu’avant la crise.

Une approche hautement sélective

A l’heure du déconfinement et du redémarrage de l’économie dans de nombreux pays, il s’agit désormais de préparer les portefeuilles assurantiels à l’après Covid-19. « Nous revenons progressivement sur les actifs ‘risqués’ avec une sélectivité accrue » affirme Alexandre Piazza. Ainsi, l’équipe de gestion assurantielle de Groupama Asset Management a un positionnement neutre à positif sur les actions. « Nous apprécions notamment les investissements sur des produits structurés à capital et coupons protégés ». Sur le marché du crédit, l’équipe revient désormais sur certains titres notés BBB pour leur prime de risque attrayante, selon une approche diversifiée et hautement sélective des émetteurs. « Nous sommes à la neutralité avec tout de même une légère préférence pour les Corporates. Parallèlement, un retour sur des dettes hybrides d’émetteurs non cycliques et affichant une forte visibilité sur leurs flux de trésorerie, nous semble intéressant ».

Enfin, au-delà de l’orientation de l’allocation d’actifs, la nature du véhicule d’investissement demeure un enjeu important dans le cadre des portefeuilles assurantiels. La crise sanitaire a démontré que la structure du mandat de gestion, délégué par l’investisseur au gestionnaire d’actifs, affiche une meilleure robustesse qu’un véhicule de type OPC face aux chocs de volatilité. « Compte tenu de leurs objectifs et contraintes d’actif-passif, les investisseurs professionnels du secteur assurantiel doivent privilégier la génération de rendements comptables à la simple recherche de performances financières. Inscrire l’allocation d’actifs dans le cadre d’un mandat de gestion favorise une plus grande visibilité des rendements comptables » conclut Olivier Le Braz, Directeur du Développement Assurantiel et des Partenariats.

Next Finance , Juillet 2020

Notes

[1] Théorie développée par le statisticien Nassim Nicholas Taleb dans son ouvrage « Le cygne noir : la puissance de l’imprévisible » selon laquelle un « cygne noir » désigne un évènement imprévisible (ou évènement rare) faiblement probable, et qui en se réalisant a des conséquences d’une portée considérable et inédite face auxquelles sont exacerbés les biais cognitifs.

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