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Nouvelle étape vers la reprise en Europe

Au terme de 18 mois consécutifs d’évolution négative, le flux des prêts bancaires au secteur privé dans la zone euro est finalement repassé en territoire positif en janvier. Ce développement constitue un pas de plus vers la reprise de l’économie européenne.

Pour le Vieux Continent, l’inversion de la tendance remonte à juillet 2012, lorsque le Président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a tenu un discours dans lequel il affirmait vouloir faire « tout ce qu’il faut » pour soutenir l’euro. Depuis lors, d’autres signes annonciateurs de reprise sont apparus dans la zone euro : les chiffres du PIB pour le quatrième trimestre font état d’une dynamique en accélération dans la région, tandis que le rebond des investissements des entreprises européennes laisse supposer que celles-ci réévaluent les perspectives économiques. Les données de l’indice des directeurs d’achat pour février révélaient également une reprise dans le secteur manufacturier européen. Les dernières données relatives aux prêts bancaires (cf. figure 1) montrent que les choses commencent enfin à bouger dans l’économie réelle.

Figure 1 : Retour en territoire positif du flux européen de prêts bancaires au secteur privé (zone euro, en milliards EUR, 2009-2013)

Actualités positives sur le front des entreprises

Certaines preuves anecdotiques montrent également que les entreprises entrevoient une embellie en Europe. PPG, fournisseur mondial de produits de peinture implanté aux Etats-Unis, a évoqué une reprise soutenue par la météo favorable en Europe, tandis que le fabricant suisse de spécialités chimiques Sika – généralement prudent dans ses prévisions – affirmait avoir démarré l’année « en fanfare » sur le Vieux Continent. Par ailleurs, la société de recrutement Adecco a fait état d’une progression de son chiffre d’affaires de 9% en Italie, 10% en Allemagne, 12% au Benelux et 7% au Royaume-Uni pour le quatrième trimestre 2013. Fait intéressant, les activités ont stagné en France, ce qui montre que la vigueur de la reprise sera inégalement répartie. Cela étant, partant d’un niveau modeste, l’Europe pourrait rattraper son retard sur les autres régions du globe à croissance plus rapide.

Des développements politiques positifs

D’autres impulsions sont venues des actualités politiques, telle la décision prise par la Cour constitutionnelle allemande de renvoyer l’affaire des OMT (Outright Monetary Transactions) de la Banque centrale européenne devant la Cour de justice européenne plutôt que de la rejeter sans appel. Cette démarche a été interprétée comme un abandon par les Allemands de leur réticence à suivre l’UE et la BCE sur la voie de l’assistance et s’inscrit en soutien à l’opinion haussière sur les perspectives de l’Europe. La nomination du réformiste Matteo Renzi au poste de Premier ministre en Italie constitue également une évolution encourageante.

Les investissements des entreprises à des planchers historiques

Les investissements des entreprises devraient repartir à la hausse et donner un élan supplémentaire à la croissance. Les soldes de trésorerie des entreprises atteignent des niveaux élevés : conséquence des incertitudes de ces dernières années, les bilans des sociétés non financières affichent un crédit de plus de 1.000 milliards d’euros. Les ratios trésorerie/actif des entreprises présentes dans l’indice Euro Stoxx 600 sont proches de leurs sommets de 2005 à 9,5% ; la dernière fois qu’un tel niveau a été observé, il présageait un boom des dépenses d’investissement et de l’activité de fusion-acquisition en Europe.

Figure 2 : Dépenses d’investissement dans le secteur non résidentiel de la zone euro, en proportion du PIB

Selon Goldman Sachs, une augmentation du ratio moyen dette nette/EBITDA de 1,6x actuellement à 2x offrirait à la croissance une puissance de feu additionnelle de 400 milliards EUR. Comme leurs homologues américaines, les sociétés européennes devraient à court terme placer davantage l’accent sur les rachats d’actions et les dividendes que sur l’accroissement de leurs dépenses d’investissement. Cependant, dans un environnement d’inflation modérée et de taux d’intérêt bas, la pression à l’intensification des dépenses d’investissement et de l’activité de fusion acquisition se fait plus forte. Le principal risque est que les turbulences qui agitent les marchés émergents viennent saper la confiance des entreprises et retardent une fois de plus le cycle des dépenses d’investissement et fusions-acquisitions. Ceci dit, tout ralentissement inciterait la BCE à prendre des mesures de relance – ironiquement, au moment même où les Etats-Unis entendent mettre un terme à l’assouplissement quantitatif. Des craintes de déflation, injustifiées à notre avis, sont également observables. Si la croissance des salaires en Allemagne se maintient à son niveau actuel de 3,5%, l’Europe devrait connaître une phase de désinflation et de faibles taux d’intérêt. Cette situation ne pourrait dégénérer en spirale déflationniste que si la croissance des salaires allemands tombait en deçà de 2%, évolution à laquelle s’attendent peu d’observateurs. En outre, pour atteindre l’objectif d’inflation à moyen terme de la BCE, fixé à 2%, il faudrait que la croissance cumulée des salaires dans la zone euro soit supérieure d’environ 2% à celle de la productivité. Cela suggère que la BCE pourrait mettre en place de nouveaux instruments monétaires non conventionnels afin de stimuler l’inflation et la croissance en Europe.

Le fonctionnement de la zone euro serait plus aisé si l’important écart de compétitivité entre l’Allemagne et les autres principales économies de la zone euro pouvait être comblé. Par conséquent, il est nécessaire que les salaires augmentent en Allemagne et baissent dans le reste de l’Europe. Et c’est heureusement ce qui est en train de se produire, bien qu’à un rythme lent. Les facteurs culturels et politiques agissent comme un frein sur la croissance des salaires allemands, tandis que l’industrie germanique fait face à la concurrence permanente de ses voisins d’Europe centrale et orientale. La pression à la baisse subie par les devises de ces pays entrave également la croissance des salaires en Allemagne. Le problème auquel sont confrontés M. Draghi et l’objectif d’inflation de la BCE réside dans le fait que les salaires allemands affichent actuellement une progression supérieure de près de 2% à celle de la productivité (ajoutant ainsi deux points de pourcentage à l’inflation), tandis que la croissance des salaires dans les autres pays d’Europe s’inscrit à peine au-delà de celle de la productivité, ce qui limite les pressions inflationnistes. En d’autres termes, nous anticipons une période d’inflation modérée et de faibles taux d’intérêt en Europe au vu de la pression désinflationniste en provenance des marchés émergents.

Les différents marchés européens offrent de nombreuses opportunités pour la sélection d’actions

Enfin, nous trouvons les écarts de prévisions de PIB entre l’Europe et d’autres régions du monde particulièrement intéressants. Le consensus anticipe actuellement une croissance de 1,1% du PIB de la zone euro en 2014, contre 2,9% aux Etats-Unis et 6,3% en Asie. Si cet écart devait se resserrer, les fonds européens pourraient enregistrer davantage d’afflux de capitaux et nous pensons que c’est l’une des raisons à l’origine du présent raffermissement de l’euro. Nous restons par conséquent optimistes quant à la reprise en Europe, conviction encore renforcée par les récentes données économiques. Au sein de nos portefeuilles, nous privilégions les acteurs nationaux au détriment des entreprises orientées à l’international, c’est pourquoi nous surpondérons les banques et opérateurs de télécommunications. De toute évidence, les différents marchés européens nous offrent des opportunités aussi nombreuses que variées.

Fred Jeanmaire , Paul Doyle , Mars 2014

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