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Nous n’en avons pas fini avec l’inflation !

Depuis janvier 2021, les prix ont augmenté de 12 %. Ceux de l’énergie ont progressé de 41 % et ceux de l’alimentation de 20 %. Malgré les mesures de compensation sans précédent prises par l’État, ces hausses provoquent des pertes de pouvoir d’achat non négligeables pour un grand nombre de Français...

Au fil des mois, la décrue de l’inflation est devenue une belle arlésienne. Annoncée pour le second semestre 2022, son arrivée ne cesse d’être reportée de trimestre en trimestre.

Depuis les années 1980, soit l’équivalent de deux générations, nous avions oublié la difficulté à mettre un terme à une vague de hausse des prix. La précédente, issue des deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979, avait duré de nombreuses années et n’avait été éteinte que par la mise en œuvre d’un dur processus de désinflation. La hausse des prix des années 2020 est le produit de l’épidémie de covid, responsable de la désorganisation des circuits de production, et de la guerre en Ukraine à l’origine de la hausse des cours de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles. En France, l’inflation se situe pour le 11e mois consécutif sur un plateau autour de 6 %.

Depuis janvier 2021, les prix ont augmenté de 12 %. Ceux de l’énergie ont progressé de 41 % et ceux de l’alimentation de 20 %. Malgré les mesures de compensation sans précédent prises par l’État, ces hausses provoquent des pertes de pouvoir d’achat non négligeables pour un grand nombre de Français. Elles contribuent à l’accroissement des tensions sociales et au grippage des relations économiques. Le gouvernement est confronté à un dilemme : freiner les salaires pour éviter un deuxième tour inflationniste tout en évitant une cristallisation des mécontentements. Plus l’inflation perdurera, plus sera difficile le maintien d’une relative rigueur salariale. Or l’onde de choc tarde à se dissiper en raison de sa nature plurielle combinant facteurs conjoncturels et structurels.

Les prix de l’énergie qui depuis la fin de l’année dernière se sont stabilisés devraient néanmoins rester élevés dans les prochaines années. La transition énergétique nécessite la réalisation d’investissements importants et coûteux. Du fait de leur caractère aléatoire, les énergies renouvelables imposent le développement de centrales électriques de secours et de capacités de stockage. Pour de nombreux secteurs économiques, en particulier ceux des transports, du bâtiment ou de la sidérurgie, la décarbonation est une source de surcoûts qui seront répercutés sur les consommateurs finaux. Les producteurs d’énergies fossiles devraient agir pour maintenir à un haut niveau leur cours afin de préserver leurs recettes et préparer la fin de ces dernières.

Les pays de l’OPEP n’ont ainsi pas répondu favorablement aux demandes des Occidentaux d’accroître leur production après le déclenchement de la guerre en Ukraine ; bien au contraire, ils l’ont réduite. Les prix des produits alimentaires qui constituent le principal facteur d’inflation en ce début d’année 2023, sont portés par les multiples pénuries et l’augmentation des coûts de production mais aussi par les modifications réglementaires relatives aux relations entre producteurs et distributeurs.

Le réchauffement climatique en compliquant l’accès à l’eau pourrait d’autant plus induire des hausses de prix que la demande mondiale en produit alimentaires est amenée à progresser dans les prochaines années en lien avec l’augmentation du niveau de vie au sein des pays émergents. Le vieillissement de la population est également un phénomène hautement inflationniste. Il se traduit par une contraction de la population active et une augmentation du nombre de retraités. Les pénuries de main-d’œuvre ne peuvent que se multiplier et favoriser la hausse des salaires. Ces pénuries concerneront en premier lieu les services domestiques dont les retraités sont d’importants consommateurs. La compensation des effets inflationnistes du vieillissement passe par l’obtention de gains de productivité et par l’immigration. Or, les gains de productivité sont de plus en plus faibles. La tertiarisation de l’économie peut expliquer, en partie, cette évolution. Un rapport au progrès de plus en plus dégradé, pourrait également être à l’origine du déclin de la productivité en Occident. Le recours à l’immigration suscite quant à lui des résistances dans certains pays dont certains sont particulièrement concernés par le vieillissement de la population, à l’exemple de l’Italie ou du Japon.

La tentation souverainiste est un facteur d’inflation. La mondialisation a été un puissant outil de baisse des prix dans les années 1990 et 2000. La progression des salaires dans les pays émergents et la volonté des États occidentaux de relocaliser certaines activités sur leurs territoires engendrera des hausses de prix qui seront supportées par les consommateurs.

Au-delà des multiples facteurs conjoncturels et structurels précités, l’inflation pour s’épanouir et prospérer suppose l’existence de liquidités abondantes. Or celles-ci ont connu une croissance exponentielle depuis la crise financière de 2008/2009. La base monétaire a été multipliée par six aux Etats-Unis et par quatre en zone euro de 2007 à 2022, faisant planer le risque d’une véritable spirale inflationniste. En maintenant des déficits publics élevés, les États alimentent la hausse des prix que les banques centrales tentent de juguler en élevant leurs taux directeurs et en réduisant leur bilan. Cette opposition entre politique monétaire et politique budgétaire ralentit le process de désinflation.

L’époque est à une inflation plus élevée. Impromptue et nouvelle, cette situation est propice à des solutions dirigistes contreproductives tant pour la lutte contre l’inflation que pour la croissance. Les pouvoirs publics seront incités à intervenir dans les mécanismes de constitution des prix. Comme la France l’a prouvé entre 1945 et 1983, une fois enclenché, il est très difficile de se défaire de cet interventionnisme. En faussant les règles du marché, il risque de générer de nombreux effets de rente. La lutte contre l’inflation passe par une réduction des liquidités en circulation et par une plus grande concurrence, concurrence qui a tendance à s’étioler par la constitution d’oligopoles dans de nombreux secteurs et, en particulier, dans celui de l’information et de la communication.

Philippe Crevel , Mai 2023

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