Au cours des derniers trimestres, grâce à une exposition modeste au
secteur de l’énergie et à une qualité moyenne plus élevée, les obligations
HY européennes ont surperformé leurs homologues américaines. Dans cet article, nous poursuivons notre étude des différences dans la composition
des univers et des tendances sous-jacentes entre ces deux classes d’actifs,
en nous intéressant notamment aux risques bottom up auxquels elles sont
exposées.
Dans des publications récentes, nous avons abordé les différences de
nature macroéconomique dans la composition des univers des obligations
d’entreprise HY libellées en dollar et en euro. Nous avions notamment
indiqué que la surperformance des titres HY européens par rapport à leurs
homologues américains au cours des derniers trimestres s’expliquait en partie
par la plus faible exposition de l’univers européen au secteur énergétique et
à une qualité moyenne plus élevée. Autrement dit, l’effondrement des prix du
pétrole et l’augmentation de l’aversion au risque ont davantage pénalisé les
titres HY en USD que les titres en EUR. Dans cet encadré, nous poursuivons
notre étude des différences dans la composition des univers et des tendances
sous-jacentes entre les deux classes d’actifs, en nous intéressant notamment
aux risques bottom up auxquels elles sont exposées.
Une analyse approfondie est proposée dans le tableau comparatif ci-dessous.
1) Tendances récentes et à venir des taux de défaut :
- Les dernières données publiées par Moody’s montrent clairement une
progression haussière aux États-Unis après une longue période de stabilité
aux alentours de 2 % : le taux de défaut des titres HY américains a atteint
2,3 % en août, 2,7 % en septembre et, enfin, 2,8 % en octobre. Selon
Moody’s, ce taux s’est établi à 3,3 % fin décembre 2015. En revanche, ce
taux est plus stable en Europe (proche de 2 %), niveau également anticipé
par Moody’s pour décembre 2015. Si l’on s’intéresse maintenant aux indices
investissables, la divergence entre les deux côtés de l’Atlantique est plus
importante : le taux de défaut réel qui a pénalisé l’univers obligataire et qui est
intégré dans les indices obligataires les plus utilisés, est actuellement de 2,7 %
aux États-Unis, et donc en ligne avec les données des agences de notation ;
le chiffre est bien plus faible pour les entreprises européennes (moins de
1 %). Nos prévisions confirment une augmentation de ce différentiel en 2016 :
nos régressions top-down semblent indiquer une stabilisation probable du
taux de défaut des titres HY européens à son niveau actuel (2 %) d’ici la fin
2016, tandis que le taux américain devrait augmenter et s’établir entre 4,5 %
et 5 % (contre actuellement 2,8 %).
Le différentiel de qualité s’accroît si l’on considère le nombre d’entreprises et non la valeur de la dette
- D’un point de vue sectoriel et bottom-up, les responsables de l’augmentation
des événements de crédit ces derniers mois ont été les entreprises vulnérables
à la baisse des prix du pétrole et des matières premières, et en particulier
les entreprises énergétiques les moins bien notées. L’augmentation récente
du taux de défaut (qui s’est établi à 2,8 %) est presque exclusivement due
aux titres notés CCC dont le taux de défaut, qui était de 5 % il y a un an, a
quasiment doublé en 12 mois. Parallèlement, sur cette même période de 12
mois, le taux de défaut des entreprises notées BB est resté proche de zéro
et celui des sociétés notées B inférieur à 1 %. Le 3e facteur qui différencie les
tendances des défauts des entreprises est leur taille relative : aux États-Unis
notamment, les petites capitalisations notées CCC ont vu leur taux de défaut
passer de 5 % à 13 % en 2015, tandis que celui des entreprises de même
notation mais de taille plus importante est passé de 4 %/5 % à environ 8 %.

2) Ratios de titres en difficulté (distress ratios) : l’un des moteurs des défaillances futures des entreprises
- Comme nous l’avons déjà mentionné dans nos précédentes publications,
le pourcentage d’émissions dont le spread est au minimum de 1 000 pb
est un indicateur fiable de la tendance future des taux de défaut : la relation
historique témoigne d’un décalage d’un an entre l’augmentation du ratio
des titres en difficulté et le celle du taux de défaut. Cette relation augure également une nouvelle augmentation des défaillances dans les mois à venir
dans les secteurs de l’énergie, des matériaux et de la distribution. Ces trois
secteurs sont semble-t-il malmenés dans la mesure où leur distress ratio
s’établit entre 30 % et 50 %, tandis que le reste du secteur HY américain
présente un distress ratio plus faible, entre 10 % et 25 %. Cependant, la
tendance récente montre qu’en plus de la distribution, d’autres secteurs
comme les médias et l’automobile enregistrent une augmentation rapide
de ce pourcentage. En Europe, le taux reste faible (moins de la moitié du
taux américain) et en ligne avec le taux de défaut censé demeurer proche
de 2 %.


3) HY EUR vs US : deux « espèces » bien différentes
- - Le tableau ci-dessous présente les principales différences de notation des
deux univers des obligations spéculatives : y sont indiqués les données des
encours de titres en circulation et le nombre d’entreprises. On constate
notamment un accroissement de l’écart en termes de qualité, si l’on
s’attache au nombre d’entreprises (indicateur à partir duquel sont effectués
les calculs ultérieurs des taux de défaut) et non à la valeur de la dette sousjacente.
La dette BB représente environ 2/3 du marché européen et 48 %
aux États-Unis. Toutefois, si l’on calcule les pourcentages à partir du nombre
d’émissions, ces chiffres tombent respectivement à 43 % et 23 %, et la
proportion entre l’Europe et les États-Unis passe par conséquent de 1,3
à 2 fois. Autre caractéristique témoignant du risque implicite plus élevé de
l’univers américain, le poids des entreprises américaines notées CCC (30 %
du nombre total et 13 % de la dette, le double des proportions en Europe).
- Autre aspect important, le pourcentage de la dette BB1 (le cran le plus
élevé de la catégorie spéculative) est deux fois plus élevé en Europe : 35 %
de la dette HY européenne n’est qu’à un cran de la catégorie IG, contre
seulement 15 % aux États-Unis. Ainsi, l’écart en matière de qualité est
encore plus important. La plus forte concentration de l’indice européen
sur un nombre limité d’entreprises accroît l’impact du critère de qualité :
selon nos calculs, les 25 émetteurs principaux de l’indice libellés en EUR
(par encours de dette) représentent près de 40 % de la dette HY totale
en Europe. Parmi les 25 entreprises de l’indice européen, 15 sont notées
BB1 et 7 BB2/BB3 : seules trois d’entre elles sont notées B. Le « facteur
taille » (grandes/petites capitalisations) et le facteur notation renforcent la
nature défensive de l’univers HY européen et réduisent sa volatilité. Ces
émetteurs avec des proportions plus élevées sont en majorité des grandes
capitalisations, présentes dans le monde entier ou des « champions
nationaux » financiers appartenant à des pays de la périphérie, qui sont
passées de la catégorie investment grade à la catégorie spéculative bien
souvent en raison de l’impact de la crise souveraine sur les notations de
leurs entités souveraines respectives.
- Dernier aspect méritant notre attention, le risque idiosyncrasique, qui a
beaucoup augmenté aux États-Unis ces dernières années par rapport aux
titres spéculatifs européens. En 2015, la distribution des spreads et leurs
performances témoignent d’un écart important entre les marchés des
deux côtés de l’Atlantique : la dispersion des performances s’est fortement
accrue aux États-Unis et est restée bien plus faible en Europe. Près de
250 émetteurs américains ont subi une augmentation de leur spread
corrigé des options (OAS) de plus de 500 pb en 2015, ce qui constitue
la « queue épaisse » de la distribution des performances des spreads, la
plupart des autres émetteurs ayant enregistré soit un resserrement soit un
élargissement maximum de 50 pb.