Ligue des Champions en idées de placement

Pour les créateurs, développer de nouveaux produits est la partie la plus belle de leur métier. Dans le secteur financier, pour rendre une idée éligible à l’investissement par les caisses de pension encore faut-il atteindre la Ligue des Champions. Comment y parvenir ? responsAbility, qui compte plusieurs grandes caisses de pension dans sa clientèle, nous fait part de son expérience.

Les gestionnaires de caisses de pension aussi abordent de nouveaux segments, pour autant qu’ils soient convaincus. Cependant, emporter leur conviction est un processus tellement structuré que la plus petite faiblesse est inévitablement mise au jour. Si le moindre détail ne répond pas exactement aux exigences de l’investisseur, la présentation capotera quelle que soit la qualité du reste. Les représentants de la caisse de pension quitteront la réunion en exprimant un léger regret. Il en va de même dans la Ligue des Champions en sport : presque y arriver signifie échouer. On a beau avoir touché cinq fois le poteau, cela ne compte pas comme goal. Pour les prestataires qui souhaitent intéresser les investisseurs institutionnels à leur nouvelle idée, l’objectif est de « marquer des buts » ou plutôt des points. Pas à pas.

Le monde l’a-t-il attendue ?

Ceux qui développent les produits évaluent d’emblée deux marchés, celui des investissements et celui de la demande des investisseurs. Typiquement, l’impulsion est donnée par une idée dans laquelle il serait payant d’investir. Le cas échéant, le spécialiste, qui connaît à fond son segment de l’industrie financière, y observe une évolution et en tire une idée de produit. Gardant à l’esprit les principes économiques, il entend immédiatement, d’abord dans sa tête et bientôt dans son entourage, la critique que le monde ne l’a pas attendu. Comment se pourrait-il que je réussisse à dégager une performance là où des milliers se sont déjà cassé les dents ?

Une fois qu’une nouvelle idée d’investissement a été trouvée, le mieux, lors du prochain verre avec ses collègues, est de tirer parti des objections pour avancer en conservant son calme. Ce que son auteur entendra lors de la verrée n’est qu’un avant-goût de ce que les pros des caisses de pension lui feront voir. Dès lors, il aura intérêt à plonger immédiatement dans leur monde pour comprendre leur mode de penser. En effet, les institutions de prévoyance sont soumises à la fois à une réglementation stricte et à une énome pression pour réaliser de la performance. Les contraintes ne cessent d’augmenter, alors que, à court terme, les investissements stables ne dégagent que peu de rendement. Ainsi les responsables des caisses de retraite sont-ils tributaires de revenus qui doivent être intéressants et stables. C’est la quadrature du cercle.

Un exemple tiré de la pratique des investissements dans l’agriculture de pays en développement montre ce qui est nécessaire pour engranger de tels revenus stables. Les financements sur lesquels se fond l’investissement ne dure souvent que quelques mois de sorte que les gérants de portefeuille doivent savoir à tout moment où se situent les prochaines opportunités pour rester investis et pouvoir délivrer des rendements réguliers. Après la récolte du café, faut-il s’intéressser aux noisettes ? Les capitaux qui se libèrent au Kenya pourraient-ils être réinvestis au Paraguay ?

Un travail de longue haleine

D’une part, il s’agit de comprendre la manière de penser et d’agir des caisses, et de l’autre d’analyser leur règlement. Il y a par exemple des institutions de prévoyance qui refusent catégoriquement tout placement qui excéderait un certain total des frais sur encours (TER). Elles seraient alors sourdes à l’argument d’un rendement net très attractif. Autre exemple, les participations dans le domaine de la microfinance peuvent être très bien planifiées, mais elles n’offrent pas le degré de négociabilité d’une bourse. En général, de tels investissements sont automatiquement classés dans la catégorie des placements alternatifs.

Pour qu’une idée de placement puisse s’épanouir jusqu’à attirer l’attention des caisses de retraites, il existe deux impératifs :

1) Il faut beaucoup de temps pour réaliser cet objectif et
2) chaque étape compte pour y parvenir.

Longtemps avant que le nouveau produit n’apparaisse sur le radar de l’institution de prévoyance, il faut construire sa crédibilité. Il s’agira d’enregistrer ses succès semaine après semaine. C’est pourquoi il faudra veiller, dès le début, à une structure juridique adéquate. La transparence sera de mise et la communication ne devra pas être laissée au hasard – le professionnalisme du reporting est essentiel.

Exigences types des caisses de pension

  • Respect de règles strictes ;
  • Rendement sans conditions et le plus stable possible ;
  • Diversification du risque-rendement ;
  • Coûts crédibles ;
  • Montants à investir importants ;
  • Liquidité et prévisibilité des paiements ;
  • Risque de réputation à éviter impérativement ;
  • Transparence et rapports de premier ordre ;
  • Exigences maximales concernant les normes et la révision ;
  • Track record, historique prouvé de la performance.

Il se peut que le charisme du conseiller à la vente fasse pencher la balance, mais les caisses de pension n’y sont guère sensibles. Ce qui compte ce sont la crédibilité et l’authenticité. Le prestataire fournit la preuve des bons résultats et satisfait aux exigences, ou non. Une fois que le nouveau véhicule de placement est arrivé à maturité, il est relativement facile d’en expliquer le mécanisme. Le cas échéant, la documentation dont la caisse a besoin pour prendre sa décision comprend une cinquantaine de pages. Il est en outre fort posssible qu’elle organise une séance d’examen du produit, d’une durée de cinq à six heures, à laquelle participent plusieurs cadres du prestataire.

Quand l’idée de placement a franchi tous les obstacles, on sait, avec une certitude absolue, que le défi a été relevé et que le produit remplit les exigences les plus hautes de la législation et du rendement. L’objectif suprême est enfin atteint, faire partie de la Ligue des Champions des produits financiers.

De l’idée à l’investissement éligible aux caisses de pension

  • L’idée de placement a été trouvée ;
  • L’idée fait rapidement l’objet d’une pré-évaluation grossière tant de son marché que de sa clientèle potentielle ;
  • Pour que des caisses de pension y investissent, il convient de tenir compte du contexte et de la réglementation dans lesquels elles évoluent ;
  • Quelle est l’importance stratégique du produit ? Futur pilier du chiffre d’affaires, moteur de croissance, plutôt plateforme de communication ou en partie idée pionnière ?
  • Le modèle d’affaire qui reste à définir en fonction de la stratégie doit présenter une certaine marge de manœuvre, car un nouveau produit se développe rarement comme prévu ;
  • Le produit doit être structuré ;
  • La commercialisation du nouveau véhicule de placement commence dans les premiers segments de clients ;
  • La preuve de la performance doit être documentée sur de longues années ;
  • Le produit peut être enfin présenté aux caisses de pension ;
  • La première affaire réalisée avec une caisse de pension donne un sentiment d’euphorie comme si l’on avait atteint la Ligue des Champions.

Habari , Mars 2015

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