Les taux suisses proches de zéro

Alors qu’en Suisse les températures oscillent autour de zéro, les taux d’intérêt font de même. Pourtant, contrairement à l’euro et au dollar, le franc suisse dégage toujours des rendements réels positifs.

Il y a un an, au vu de leur niveau historiquement bas, personne n’imaginait que les taux d’intérêt baisseraient encore. Pourtant, l’impensable s’est produit : en décembre dernier, le Libor à trois mois a atteint le plancher record de 1,2 point de base et n’est donc plus que très légèrement supérieur à zéro (100 points de base = 1 point de pourcentage). Avec 36 points de base (= 0,36%), même les rendements des emprunts de la Confédération à dix ans se rapprochent de zéro. Il s’agit d’un nouveau record mondial : jamais auparavant, le rendement d’une obligation à dix ans n’avait été aussi bas.

Les investisseurs en francs suisses profitent de la déflation

Les personnes investissant en francs suisses plutôt que dans d’autres monnaies se trouvent néanmoins dans une situation confortable. Celle-ci s’explique par l’inflation actuellement négative en Suisse, également appelée déflation. En période de déflation, la valeur de l’argent augmente au lieu de diminuer, c’est-à-dire qu’un consommateur peut acheter toujours plus de biens avec un même montant. Ainsi, dans un environnement déflationniste, même ceux qui cachent leur argent sous le matelas réalisent un rendement, non pas nominal (100 francs restent 100 francs), mais réel (ces 100 francs permettront d’acheter davantage dans un an qu’aujourd’hui). Et c’est encore plus avantageux pour les personnes qui placent leur argent. Contrairement à ceux en euros ou en dollars, les placements sans risque en francs suisses dégagent encore des rendements positifs.

Taux d’intérêt négatifs sur les placements en euros et en dollars

Dans le cas des emprunts de la Confédération à deux ans, le rendement serait actuellement de 0,19% environ (moins 0,21% de rendement plus 0,4% de taux d’inflation négatif). Un investisseur en dollars, en revanche, obtiendrait avec un bon du Trésor américain à deux ans un rendement réel de moins 1,55% (0,25% de rendement moins 1,8% de taux d’inflation positif), tandis qu’un investisseur en euros descendrait même à moins 2,22% avec un emprunt d’Etat à deux ans (moins 0,02% de rendement moins 2,20% de taux d’inflation positif). Reste à savoir combien de temps la Suisse conservera encore cet avantage de taux d’intérêt. Tout dépendra de l’évolution des taux nominaux et, bien sûr, de l’inflation. Néanmoins, même si le rendement réel ne devait plus être positif, un placement en francs suisses restera intéressant, même pour les investisseurs étrangers, cette monnaie demeurant une monnaie refuge.

Faible inflation attendue pour les prochaines années

Selon nous, la Banque nationale suisse (BNS) maintiendra les taux au niveau actuel pendant une période prolongée. Dans un avenir proche, la Banque centrale européenne (BCE) ne relèvera guère les taux étant donné ses prévisions de croissance nettement revues à la baisse et ses anticipations d’inflation réduites. Au contraire : la BCE pourrait même décider de baisser ses taux en 2013. En Suisse, une faible inflation est également attendue pour les prochaines années, malgré une forte progression de la liquidité. La BNS table sur un taux d’inflation de –0,7% pour 2012 et de –0,1% pour 2013. Ce n’est qu’en 2014 que l’inflation retrouverait une valeur positive (0,4%), qui resterait cependant très faible.

La vigueur du franc maintient les taux à un niveau bas

Les taux restent dominés par les évolutions internationales. Compte tenu du statut de monnaie refuge du franc, la BNS devra probablement maintenir les taux à un niveau bas plus longtemps que la BCE. Si la BNS relevait les taux trop tôt, l’attractivité du franc augmenterait encore davantage, ce qui provoquerait l’appréciation de ce dernier par rapport à l’euro. Un scénario défavorable pour les exportations nationales. Pour l’éviter, la BNS devrait intervenir encore plus massivement sur le marché des changes et acheter des euros contre des francs, ce qui gonflerait encore plus son bilan. Un autre argument en faveur de la politique de taux bas de la BNS est que les banques centrales étrangères des principales monnaies maintiennent aussi leurs taux à un niveau bas afin de faciliter la réduction de la dette (qui, souvent, n’a pas encore vraiment commencé).

Aux Etats-Unis, l’incertitude concernant le budget de l’Etat devrait empêcher les rendements d’augmenter, malgré l’amélioration des perspectives économiques. En outre, tant que la crise de la dette dans la zone euro ne sera pas résolue, le franc restera soumis à une pression haussière et la BNS ne pourra pas relever les taux.

Une variation des taux aurait de fortes répercussions

Si les taux devaient augmenter ne serait-ce qu’un peu, il en résulterait une chute des prix, notamment pour les emprunts à long terme. Compte tenu du niveau actuellement faible à l’extrémité longue de la courbe des taux, le risque de taux est donc considérable. Bien que ce risque soit nettement inférieur dans le segment des durées moyennes, les investisseurs pourraient tout de même profiter de la pente relativement forte de la courbe des taux. Dans un tel scénario, une duration modérément plus courte serait plus avantageuse (par duration, on entend la durée d’immobilisation moyenne des capitaux d’un titre à revenu fixe). Qui plus est, la recherche d’obligations d’entreprises intéressantes, pour lesquelles d’autres facteurs que le risque de taux interviennent, devrait gagner en importance.

Manuel Plüss , Février 2013

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