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La prudence reste recommandée en laissant toutefois une bonne place aux actions

Après avoir violemment chuté pendant une semaine à la suite de l’invasion de l’Ukraine, les marchés actions ont rebondi très fortement, annulant temporairement la quasi-totalité de leurs pertes. Comment expliquer un tel comportement ?

Après avoir violemment chuté pendant une semaine à la suite de l’invasion de l’Ukraine, les marchés actions ont rebondi très fortement, annulant temporairement la quasi-totalité de leurs pertes. Comment expliquer un tel comportement ? Parallèlement, la perception d’une inflation élevée plus durable a entrainé une nouvelle hausse des taux d’intérêt et une baisse des produits obligataires qui ne jouent plus leur rôle de valeur refuge. Face aux mutations de l’environnement macro-économique qui se dessinent plus clairement, nous retenons un scénario de croissance positive mais peu homogène selon les pays.

Cependant, les incertitudes ne peuvent pas disparaitre d’un coup de baguette magique. Tout ceci implique une allocation d’actifs relativement prudente, assortie de thèmes d’investissement résilients et diversifiés, laissant encore une bonne place aux actions.. La volatilité des bourses offrira des opportunités pour adapter progressivement la composition des portefeuilles ou pour renforcer ceux qui sont très sous-investis. En raisons des multiples incertitudes, nous avons encore légèrement abaissé nos objectifs de fin d’année pour les indices. Le potentiel de hausse est d’environ 7% par rapport aux derniers cours, ce qui les ramènerait à des niveaux proches du début de l’année.

Le début du mois de mars a été marqué par la sidération des marchés financiers face à l’impensable invasion de l’Ukraine. Comme souvent, pendant quelques jours, la perte de tout repère a conduit à de forts replis des actions. La chute s’est arrêtée sans doute pour des raisons techniques, comme l’excès de pessimisme des investisseurs, des ventes relativement importantes et le retour des indices sur des niveaux de supports solides. En effet, cette phase de baisse initiale et rapide ne permettait pas d’évaluer le juste prix des actions face à de tels bouleversements. Tout juste savait-on qu’avec 20 à 25% de baisse, les indices n’anticipaient pas une récession mais un très fort ralentissement. Assez rapidement, la résistance assez héroïque des Ukrainiens et le début d’enlisement des troupes russes au sol a sans doute aidé à la stabilisation des bourses.

L’absence de victoire rapide de la Russie a probablement permis qu’avec le début des négociations engagées naisse un courant d’espoir très porteur pour alimenter le rebond des Bourses. Or, il devenait chaque jour plus évident que la Russie pouvait jouer la montre, que les sanctions internationales allaient perturber les approvisionnements en énergie, en céréales, en métaux ainsi qu’en produits industriels et que cette situation pouvait prolonger la hausse de l’inflation ou du moins la maintenir plus durablement à un niveau plus élevé qu’attendu. Malgré ces risques, les marchés actions ont continué à progresser et à se maintenir en équilibre quelques jours. « Le pire n’est jamais sûr » dit-on en Bourse mais cet optimisme tout relatif s’appuyait sans doute sur des raisonnements un peu plus fondamentaux.

En effet, l’arrêt de la baisse a laissé le temps aux économistes et aux analystes de faire tourner leurs modèles de prévisions, d’essayer de mesurer plus précisément les différents impacts de la crise selon les pays, selon les secteurs en fonction de leur sensibilité à ces évènements.

La première conclusion est importante : si le conflit ne s’aggrave pas, l’économie américaine ralentira peu et restera en croissance, proche de 3 à 3.5% cette année ce qui est suffisant pour générer des bénéfices en hausse. Voilà de quoi justifier à postériori le rebond des indices américains.

Mais les actions américaines ont d’autres ennemis, l’inflation et la hausse des taux. En l’absence de conflit, le risque inflationniste aurait probablement diminué progressivement et la FED aurait remonté ses taux au rythme envisagé en début d’année, ce qui justifiait déjà la baisse de 10% des valeurs américaines en janvier. Aujourd’hui, si la guerre inquiète moins les investisseurs américains, ils se focalisent beaucoup plus sur le régime d’inflation des prochaines années et ils ne sont pas les seuls.

La Banque Centrale américaine admet également que l’enchainement de la crise du Covid et du conflit ukrainien va maintenir l’inflation à des niveaux proches de 3 ou 4%, d’autant que l’activité est forte et que les salaires ont commencé à augmenter régulièrement. Dans ces conditions, elle doit accélérer son durcissement monétaire, ce qu’elle a finalement annoncé lors de sa dernière réunion. Si ses taux d’intérêt grimpent à 2% en fin d’année et à 2.75% en 2023, les marchés peuvent encore s’en accommoder après une période de doute et de volatilité. Mais tant que l’incertitude subsistera, les indices actions américains ne devraient pas dépasser leurs niveaux de début d’année. Le scénario général devient progressivement et pour l’instant celui d’un marché volatil oscillant entre les points bas et les points hauts de cette année. A contrario, une forte hausse supplémentaire des cours des matières premières et/ou de l’inflation pourrait amener la FED à durcir encore davantage sa politique monétaire au risque de déclencher une récession prématurément. C’est un scénario alternatif qui n’est pas consensuel.

Les marchés obligataires se sont nourris des mêmes réflexions et les taux d’intérêt ont donc monté fortement, aux Etats-Unis et par contagion dans tous les pays développés. Les pertes depuis le début de l’année évoluent entre 2% et 9% en moyenne selon les types de produits les plus classiques. Font exception à la règle les produits qui profitent de la hausse des taux ou les produits indexés sur l’inflation. La baisse des emprunts a alimenté de très forts retraits des investisseurs qui ont sans doute réinvesti une partie des ventes dans les actions, aidant aussi leur remontée.

Les investisseurs européens ont subi également des pertes sur leurs obligations alors que la BCE, si elle se montre préoccupée par l’inflation, reste beaucoup plus attentiste au sujet de sa politique monétaire. Contrairement aux Etats-Unis, le risque de ralentissement est en effet plus important. Les prévisions de croissance du consensus pour la zone euro en 2022 ont été abaissées de 4.25% à 3.10% mais un embargo total sur les exportations russes aurait sans doute un effet récessif beaucoup plus prononcé et cette probabilité n’est pas nulle. Mais pour l’instant, le scénario économique central est assez proche du scénario américain avec cependant un aléa plus important. Ceci explique en partie, selon nous, pourquoi les actions européennes ont moins remonté et restent beaucoup moins chères et plus fragiles que les valeurs américaines.

Une autre raison tient à la sensibilité plus importante des consommateurs et des entreprises européennes au conflit ukrainien. Au final, les indices européens pourraient donc imiter ceux des Etats-Unis et fluctuer dans le même couloir avec cependant une fragilité plus importante. A contrario, dans le cas très peu probable d’une résolution rapide du conflit et d’une levée des sanctions, le rebond des actions serait plus prononcé en Europe.

En Asie, les marchés ont été également hésitants et la reprise de la pandémie en Chine assombrit l’horizon au moins temporairement. Les confinements vont provoquer une accentuation d’un ralentissement auquel les Autorités avaient commencé à s’attaquer par diverses mesures de soutien.

En conclusion, les perspectives générales ne sont pas enthousiasmantes mais elles ne sont pas alarmantes non plus. L’incertitude sur l’évolution du conflit et de l’inflation incite à rester prudent et pondéré dans ses décisions d’investissement. Le scénario central que nous avons abordé pourrait permettre aux indices de finir l’année en meilleure position, à des niveaux relativement proches de ceux du début d’année, après une période de fluctuations assez marquées pendant quelques mois. Il faudrait pour cela que le conflit ne dégénère pas davantage et que le régime des sanctions ne s’aggrave pas trop rapidement ou ne touche pas les hydrocarbures russes.

A plus long terme, la pandémie et le conflit ukrainien semblent commencer à tracer plus clairement les contours d’une mutation de l’économie mondiale. Celle-ci à plusieurs origines : l’une est climatique avec la poursuite d’une transition énergétique qui devra être mieux maitrisée et qui sera plus couteuse. L’autre est géopolitique avec l’occurrence de tensions plus fréquentes avec la Chine, la Russie ou d’autres pays, ce qui a déjà provoqué l’amorce d’une politique de réarmement en Europe notamment.

Enfin, la mondialisation débridée est à l’origine des nombreuses perturbations des approvisionnements industriels que nous constatons actuellement et qui devront être surmontées par une redéfinition des échanges commerciaux. Toutes ces évolutions auront un coût qui se traduira probablement par une inflation un peu plus forte à l’avenir. Mais elles offriront également des opportunités d’investissement qui permettront d’aménager les portefeuilles en vue de ces mutations. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans les prochains mois…

En raisons des multiples incertitudes, nous avons encore abaissé nos objectifs de fin d’année de 3% pour le CAC40 et de 1% pour l’indice européen Eurostoxx50. Le potentiel de hausse est d’environ 7% par rapport aux derniers cours ce qui les ramènerait à des niveaux proches de ceux du début de l’année.

En termes de politique d’investissement, la prudence et l’attentisme restent recommandés. L’incertitude et la volatilité nous empêchent de renforcer les positions en actions de manière globale. Cependant, le recul des cours des derniers jours permet de commencer à saisir quelques opportunités d’achat sur des portefeuilles très sous-investis.

Les bourses américaines continuent à mieux résister à la dégradation actuelle. En revanche, elles pourraient subir encore quelques semaines la remontée des taux longs et les anticipations de durcissement monétaire, ce qui créerait des occasions d’achat.

A l’inverse, le mouvement de désaffection des actions européennes s’est maintenu et pourrait encore s’amplifier en cas d’annonce d’un embargo sur le gaz et le pétrole russes. Seul un arrêt du conflit assorti d’une levée rapide des sanctions permettrait un rattrapage fort et rapide des valeurs européennes.

A court terme, nous abaissons à Sous pondérer les actions en Europe et les relevons à Surpondérer aux Etats-Unis et en Amérique Latine. Nous conservons nos opinions Surpondérer à moyen terme sur les valeurs américaines et européennes et Neutre sur les autres zones géographiques, à l’exception de l’Europe de l’Est (Russie) que nous sous-pondérons à court et moyen terme.

Les évolutions des marchés et de l’environnement nous ont amenés à modifier encore nos recommandations sectorielles pour réduire la part des secteurs cycliques, plus risqués ou sensibles à l’inflation des matières premières. A l’inverse, nous avons relevé la note des secteurs Alimentation/Boissons et Media, plus défensifs, et de l’Assurance qui peut profiter de la hausse des taux.

Nous conservons une opinion Sous-pondérer à court et à moyen terme sur les produits obligataires, ne conservant qu’une opinion Neutre sur les obligations émergentes et sur les emprunts d’Etats US non couverts.

Lors de notre dernier Comité d’Allocation d’Actifs de fin mars, nous avons allégé modestement notre exposition en actions compte tenu des incertitudes actuelles. Cette réduction s’est faite au détriment de l’Europe, du Japon et au profit de l’Asie. Nous avons relevé parallèlement le poids des produits Inflation.

Vincent Guenzi , Avril 2022

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