La Volatilité : Une classe d’actifs pour rendre un portefeuille plus robuste aux crises

Les investisseurs, notamment ceux de long terme, devraient en tirer parti, pour rendre leurs portefeuilles moins vulnérables aux épisodes de stress sur les marchés...

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Après deux années de fluctuations extrêmes des prix des actifs financiers, un grand nombre d’investisseurs a aujourd’hui pris la mesure des pertes que pouvaient engendrer l’exposition aux classes d’actifs risquées, et notamment aux marchés actions. Pour beaucoup d’investisseurs, notamment ceux dont les contraintes de solvabilité à court terme se sont révélées pénalisantes, la crise des Subprimes a eu des conséquences graves. Non seulement les actifs réputés risqués ont mal performé pendant la crise, mais ils ont eu de surcroît une fâcheuse tendance à voir leur volatilité augmenter et à perdre tout pouvoir de diversification. Ce phénomène, s’il a été particulièrement sévère en 2008 et 2009, se répète de manière immuable pendant tous les épisodes de stress. Depuis l’épisode dévastateur de la crise des Subprime, une réflexion fertile s’est engagée sur la manière dont on pouvait tenter de protéger un portefeuille contre les conséquences adverses des crises, ou tout au moins en limiter les pertes.

Or quels actifs mettre en portefeuille aujourd’hui pour se protéger contre les pertes extrêmes qui se produisent inévitablement pendant les crises ? A dire vrai, parmi les classes d’actifs traditionnelles, il n’y a guère que les obligations d’Etat. Elles bénéficient des phénomènes de flight to quality (les investisseurs réallouant massivement leurs investissements des actifs considérés comme risqués vers les « valeurs refuges ») et leurs performances sont excellentes : 11% pour les obligations américaines de septembre 2008 à mars 2009 par exemple. Mais ces investissements ne sont pas sans inconvénients. S’ils ont bien performé à long terme ces 20 dernières années, en grande partie du fait du long mouvement de désinflation qui s’est produit depuis les années 80, les rendements à attendre sur les titres d’Etat seront vraisemblablement beaucoup plus modestes à l’avenir, pour de multiples raisons liées au niveau des taux historiquement bas, et aux risques de résurgence de l’inflation.

Une solution alternative émerge comme particulièrement simple et beaucoup plus attractive pour « robustifier » un portefeuille aux crises, il s’agit de la volatilité. Cette solution peut à première vue paraître pour le moins étrange. La volatilité est en effet traditionnellement considérée comme un indicateur de risque, mesurant l’écart-type des rendements des actifs. Comment donc la considérer comme une classe d’actifs et comment y investir ? Le récent développement sur le marché de produits standardisés sur la volatilité donne aujourd’hui accès à une nouvelle gamme de stratégies permettant de parier sur la volatilité future, et donc d’acquérir une exposition structurelle à la volatilité. Dans un récent travail de recherche qui vient de paraître au Journal of Portfolio Management [1], nous montrons comment les investisseurs, et tout particulièrement ceux ayant à gérer un portefeuille de long terme, devraient en tirer parti, pour rendre leurs portefeuilles moins vulnérables aux épisodes de stress sur les marchés.

Deux approches complémentaires de la volatilité peuvent être simultanément abordées : l’exposition pure à la volatilité implicite (c’est-à-dire anticipée) d’un sous-jacent, et l’exposition à la prime de risque de volatilité, définie comme l’écart entre la volatilité implicite d’un sous-jacent et sa volatilité réalisée à maturité.

Ajouter une exposition pure à la volatilité implicite d’un portefeuille actions (via l’achat de contrats « futures » sur indice VIX par exemple) est particulièrement intéressant à des fins de diversification (actions et volatilité sont anticorrélés à -60%), et surtout, permet de bénéficier d’une excellente protection quand les marchés d’actions baissent. Cela s’est révélé particulièrement profitable pendant la crise des Subprimes : alors que les marchés actions américains ont baissé de 37% de septembre 2008 à mars 2009, la stratégie exposée à la volatilité arborait quant à elle une performance exceptionnelle de 57%. Les investisseurs peuvent ainsi atténuer les risques extrêmes de leur portefeuille, le rendant beaucoup moins risqué qu’un portefeuille classique. Cette protection est par ailleurs fort peu coûteuse. Sur les 20 dernières années, nos backtests montrent que cette stratégie de volatilité aurait offert à long terme une rentabilité identique à celle des obligations d’Etat, avec une protection bien meilleure pendant les crises.

Le deuxième type d’exposition à la volatilité, via l’investissement sur la prime de risque de volatilité, est beaucoup plus risqué. Comparable à la vente d’une prime d’assurance [2], cette stratégie génère des rendements extrêmement attrayants, mais au prix d’un risque de perte pendant les crises nettement supérieur à celui des classes d’actifs traditionnelles. Considérée seule, cette stratégie peut donc apparaître beaucoup trop risquée pour un investisseur traditionnel. Mais instillée à très faible dose dans un portefeuille, et combinée à la stratégie d’exposition pure à la volatilité, qui la couvre en grande partie pendant les crises, elle prend alors tout son sens. L’exposition conjointe à ces 2 stratégies permet alors d’obtenir pour le portefeuille des rentabilités meilleures, avec un risque comparable à celui d’un portefeuille classique. Situé à la frontière entre approche traditionnelle des marchés et technique de gestion alternative, l’investissement stratégique sur l’actif volatilité présente de nombreuses possibilités aux investisseurs. Considéré comme un investissement à long terme, il permet de construire des portefeuilles plus efficients que le traditionnel mix actions / obligations.

Marie Briere , Mai 2010

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Notes

[1] “Volatility Exposure for Strategic Asset Allocation”, M. Brière, A. Burgues, O. Signori, The Journal of Portfolio Management, Spring 2010.

[2] Cette exposition est obtenue par une position short d’un swap de variance, où l’investisseur reçoit la volatilité implicite synthétique d’un sous-jacent, le strike de variance, et paye la volatilité réalisée du sous-jacent sur la période de vie du swap.

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