L’énigme du T-Note à 2,60%

La réaction des marchés de taux américains aux publications économiques laisse perplexe. Le 10 ans américain est repassé sous 2,60% entraînant dans sa baisse le rendement du Bund allemand, sous 1,50% désormais.

Ce repli sur l’actif sans risque s’est accentué malgré des signes annonciateurs d’un rebond de la croissance aux Etats-Unis après une croissance nulle au 1T14. L’aggravation des tensions ukrainiennes a pu jouer un rôle mais la hausse des actions ou le resserrement continu des spreads souverains ou de crédit semble incompatible avec une fuite vers la qualité. De fait, les taux des emprunts italiens et espagnols ont marqué de nouveaux points bas autour des 3% à 10 ans. Les tensions monétaires ont diminué, l’eonia repassant sous le taux refi. Les spreads sur les obligations d’entreprise s’approchent des 100pdb contre la référence allemande. L’indice synthétique IG cote sous 70pdb. Le marché des obligations notées high yield était en revanche un peu plus lourd, les primes s’écartant de 2pdb sur la semaine écoulée.

Croissance nulle au 1T, la Fed reste confiante

La croissance du PIB américain s’est élevée à un maigre 0,1%Ta au 1T14, un point en dessous des prévisions du consensus. Le ralentissement attribuable en partie au climat défavorable est marqué. La variation des stocks (-0,6pp) et le commerce extérieur (-0,8pp) ont, comme attendu, pesé sur l’activité au cours des trois premiers de l’année. L’investissement des entreprises (en baisse de 5,5%Ta) a surpris défavorablement compte tenu de l’amélioration récente des commandes de biens d’équipement. Il est donc probable que l’investissement productif se redressera au 2T14. Les dépenses publiques et l’investissement logement ont, au total, retiré 0,3pp à la croissance du PIB. En revanche, la consommation privée est restée très dynamique avec une hausse de 3%Ta après 3,3% au 4T13, ce qui préfigure une reprise au 2T14. L’ISM manufacturier a rebondi à 54,9 en avril grâce aux commandes soutenues, y compris à l’exportation. L’enquête équivalente dans les services s’affiche au-dessus de 55. Par ailleurs, l’emploi enregistre sa plus forte progression mensuelle (+288k en avril) depuis janvier 2012. La tendance à la baisse du chômage (6,3% en avril) se confirme même si cela reflète en partie la faible participation au marché du travail. Les heures travaillées pointent une croissance de l’activité de l’ordre de 3,5-4% au 2T14. Dans ce contexte, la Fed maintient son diagnostic d’une faiblesse transitoire de la croissance au 1T14. La réduction graduelle des interventions sur le marché devrait se poursuivre jusqu’en octobre avant un premier relèvement des taux au printemps prochain. Les opérations de reverse repo permettront, dans l’intervalle, de lisser la réduction des liquidités excédentaires.

Zone Euro : la CE publie ses prévisions avant la BCE

La Commission Européenne a publié son jeu de prévisions économiques pour le printemps 2014. La croissance devrait s’établir à 1,2%A cette année avant de se renforcer quelque peu vers 1,7%A l’an prochain. L’inflation restera très faible à 0,8%A en 2014 et 1,2% en 2015 mais la CE n’entrevoit pas de risque de déflation. Ces projections sont proches du consensus et de celles de la BCE. Le Conseil des gouverneurs se réunira jeudi et pourrait décider un allègement après les fortes tensions sur la liquidité à très court terme. Certes, l’injection de 50mds € lors du dernier MRO et la stérilisation partielle du SMP ont permis une baisse de l’eonia, mais cet épisode constitue une alerte pour la BCE. Une diminution du refi vers 0,10 ou 0,15% et l’arrêt effectif de la stérilisation des achats du SMP apparaissent souhaitables du point de vue de la stabilité financière. Viendra ensuite le temps de l’annonce d’un programme d’achat d’actifs ciblés afin de réamorcer le canal toujours défaillant du crédit bancaire.

Le Bund porté par le marché du T-Note

Les marchés de taux, en particulier le T-Note, ont semblé ignorer les bonnes nouvelles (ISM, emploi, PMI) la semaine passée. La chute du rendement américain à 10 ans reflète bien davantage qu’un hypothétique mouvement de fuite vers la qualité lié aux évènements en Ukraine. Le succès des opérations de reverse repos de la Réserve Fédérale traduit peut-être un besoin de liquidité accru sur les maturités longues. De fait, la Fed détient près de la moitié du marché sur les maturités supérieures à 10 ans, ce qui entretient la rareté du papier.

Le niveau de 2,58% sur le 10 ans apparaît donc déconnecté de la dynamique conjoncturelle. Ainsi, la courbe américaine continue de s’aplatir (219pdb sur le 2-10 ans).

A court terme, les remboursements et coupons à venir (15 mai) associés aux achats de la Fed impliquent un flux positif (net des émissions de 69mds $). Le positionnement vendeur des investisseurs finaux constitue un soutien supplémentaire. Techniquement, sous 2,58%, la prochaine référence se situe à 2,47% sur le 10 ans américain (soit au-delà de 126 sur le contrat juin 2014). Janet Yellen s’exprimera cette semaine devant le Congrès. Un discours optimiste sur la croissance pourrait contrebalancer les éléments haussiers cités plus avant. Nous retenons la neutralité sur les taux américains et prenons des profits sur la stratégie d’aplatissement de la courbe.

En Zone Euro, le biais accommodant de la BCE va peut-être se concrétiser dès cette semaine par un premier geste sur les taux et les conditions de liquidité. Sous 1,50%, les niveaux de valorisation du 10 ans sont incertains et la tendance récente semble intimement liée au T-Note. Le 5 ans s’échange sous le swap eonia alors que le 10 ans offre une prime stable proche de 10pdb. Les finaux sont vendeurs de Bunds afin de financer leurs positions en dettes périphériques. Les Banques Centrales sont les seuls véritables acheteurs. Quant à l’évolution du contrat Bund juin 2014, le nouveau sommet à 144,97 dessine un contexte de marché haussier. Un biais acheteur de duration est recommandé ainsi qu’une stratégie de rétrécissement du spread 2-10 ans. Le swap spread 5 ans (38pdb) offre également de la valeur.

Plus bas historique sur le 10 ans espagnol

Depuis plusieurs mois, la dimension crédit a diminué dans la valorisation des emprunts espagnols et italiens. Le Bonos à 10 ans cote sous 3%, le BTP italien légèrement au-dessus de ce seuil. La baisse des taux américains et allemands constitue ainsi un facteur de soutien aux spreads périphériques en entretenant l’attractivité relative de ces dettes. Cette dynamique implique une plus grande dépendance de ces marchés à la politique monétaire alors que les orientations de la Fed et de la BCE vont sans doute diverger. Les acheteurs locaux rencontrent déjà quelques hedge funds prenant des profits, principalement sur les BTPs.

Nous restons à l’achat sur ces marchés et avons relevé notre exposition au Portugal (2-10 ans).

La sortie du plan d’aide triennal a été confirmée sans recours à une aide supplémentaire de l’ESM. A partir de 2015, le Portugal devra couvrir seul un besoin de financement annuel compris entre 40 et 50mds €. Parallèlement, l’Irlande devrait de nouveau émettre cette semaine. Dans les pays core, on observe des flux acheteurs sur l’OAT, y compris les emprunts indexés, et une demande soutenue d’extension de duration par des comptes français et européens (de 5 à 10 ans, voire au-delà pour les hedge funds). Les assureurs locaux semblent toujours à la recherche de 15 ans.

Les niveaux de spreads longs sont pourtant peu attrayants d’autant que les indicateurs macroéconomiques français sont moins favorables que ceux de la Zone Euro dans son ensemble.

Nous sommes globalement prudents sur la France et positionnés à la pentification de la courbe de spreads.

Enfin, les spreads de crédit investment grade sont orientés à la baisse alors que s’est ouverte la période des résultats en Europe. La demande de crédit reste forte, y compris sur le high yield, pourtant plus cher.

Direction Gestion Taux Natixis AM , Mai 2014

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