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Opinion
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Les mouvements majeurs sur les portefeuilles ne viendront pas des craintes macro. Et cette semaine nous en a offert un premier exemple avec la chute massive de l’action EDF, à qui l’Etat français a donné l’ordre de vendre son électricité à un prix entre 42 et 46.2 euros le mégawatt/heure alors qu’elle l’achètera elle-même à 300 euros sur les marchés...
Depuis le début d’année, les marchés poursuivent le mouvement entamé au quatrième trimestre 2021, s’inquiétant de l’inflation, des hausses de taux à venir de la FED, d’une potentielle hausse des taux longs et d’autres facteurs traditionnels de volatilité. Cette semaine encore, les rotations sectorielles étaient fortes, les mouvements de taux soudains et significatifs, les devises très volatiles. Pourtant, nous considérons que les marchés ont tant anticipé cette volatilité et craignent tellement, depuis plusieurs mois, les mouvements de la FED ou la persistance de l’inflation pendant encore quelques mois, que les mouvements majeurs sur les portefeuilles ne viendront pas de ces craintes macro. Et cette semaine nous en a offert un premier exemple avec la chute massive de l’action EDF, à qui l’Etat français a donné l’ordre de vendre son électricité à un prix entre 42 et 46.2 euros le mégawatt/heure alors qu’elle l’achètera elle-même à 300 euros sur les marchés et qu’elle vient d’annoncer une révision à la baisse de sa production nucléaire, quelques-unes de ses centrales souffrant de problèmes de corrosion…
Nous séparerons notre hebdo en deux points pour tirer les enseignements de cette opération :
1-Une opération destinée à enrayer la macro-économie
Depuis quelques mois, le monde fait face à une situation d’inflation rarement connue dans les décennies passées, balloté entre hausse du prix des matières premières et de l’énergie, rupture des cycles d’approvisionnement, modification des modes de consommation, mais aussi conflits géopolitiques avec la baisse volontaire de la production de gaz en Russie. Le pouvoir d’achat étant le cheval de bataille de la plupart des gouvernements occidentaux, cet épisode inflationniste ne leur est clairement pas favorable et on se souviendra notamment de la crise sociale majeure de 2018-2019 en France. Si l’Etat français n’a pas la main sur les données macro-économiques, il a fait le choix d’en faire supporter la facture à une entreprise privée, rouage principal de l’énergie du pays. Alors qu’on entend donc à l’envi que la BCE et autres institutions monétaires et politiques ne pourront maintenir leurs diverses politiques de soutien parce que l’inflation, calculée essentiellement par le prix des biens de consommation, est à un niveau trop élevé, nous noterons ici que l’inflation calculée peut aisément être amputée d’une partie significative grâce à une action politique. Comme nous le disons depuis 2015, les taux d’intérêts bas sont un outil politique indispensable au maintien et à la stabilité de la Zone Euro, en particulier des pays les plus fragiles économiquement et les plus endettés, France incluse. Le pouvoir des institutions réside justement dans la capacité à changer les règles et cette opération de l’Etat français sur EDF peut être considérée comme un avant-goût d’autres opérations comparables pour décorréler les chiffres de la réalité économique - ici, l’inflation.
2- Les conséquences pour l’investisseur
Du point de vue d’EDF, cette opération est économiquement absurde et aucune entreprise privée ne pourrait y faire face sans perdre tout crédit auprès des investisseurs. En 2022, les montants offerts par EDF à ses concurrents et aux ménages seront d’environ 8 milliards d’euros, impactant directement l’Ebitda de l’entreprise, ses dividendes, ses ratios de crédit, déjà de qualité médiocre pour un opérateur électrique national. Du point de vue purement financier, voici quelques conséquences de cette perte nette :
Si la liquidité de l’entreprise est encore confortable, avec près de 18 milliards d’euros, ces conséquences sont très significatives et on peut noter plusieurs points :
En conclusion, nous considérons que :
1. EDF est une entreprise à éviter pour la plupart des investisseurs, actionnaires en tête. Un créancier pourra probablement, in fine, compter sur le soutien de l’Etat, mais les rendements actuels sont encore beaucoup trop bas pour se positionner sur un tel scenario.
2. Plus généralement les entreprises détenues par l’Etat français sont à éviter pour un investissement, tant les déséquilibres sont profonds et le risque de modification des règles important. On l’a vu cette semaine sur EDF, on pourrait le voir sur Air France d’ici quelques années, la compagnie aérienne souffrant tout à la fois d’une situation financière très mauvaise, de difficultés de gouvernance et d’un secteur en profonde mutation environnementale que seules les entreprises les plus solides pourront aborder sereinement.
3. Les secteurs réglementés offrent souvent une prime aux investisseurs en raison de cet aléa politique. Si ce dernier peut être supporté par un créancier, prioritaire et bénéficiant de coupons fixes voire d’un soutien tacite d’un gouvernement, l’événement de cette semaine nous a montré qu’il est trop binaire et trop coûteux pour un actionnaire et que la prime offerte est souvent trop faible.
4. Les entreprises d’Etat ou détenues partiellement par l’Etat, et a fortiori françaises, profitent d’un bénéfice d’image trop important au regard de leur risque, les investisseurs considérant souvent uniquement le soutien potentiel de l’Etat et non leur qualité intrinsèque ou les risques politiques afférents. Aujourd’hui encore, alors même que sa qualité intrinsèque est de BB et que la ponction de l’Etat aura un impact financier majeur, EDF emprunte à 0.5% sur 5 ans, à environ 1% de rendement à 10 ans et à moins de 2% à 30 ans… On a pourtant vu que l’Etat pouvait, arbitrairement, prendre 8 milliards d’euros de bénéfices groupe aux actionnaires minoritaires… Pourquoi ne pourrait-il pas alors, en cas de besoin, offrir une franchise de dette à l’entreprise ?
Si nous avons pu acquérir des obligations Areva en 2016, Air France en 2020 ou Air Portugal en 2021, c’est uniquement parce que nous considérions que le rapport rendement/risque s’était largement inversé au profit de l’investisseur à ces moments particuliers, les obligations offrant à ces époques entre 10 et 15% de rendement.
Le soutien des Etats étant implicite et « de dernier recours » et ces entreprises souvent de qualité médiocre, les obligations ont un comportement binaire :
Matthieu Bailly , Janvier 2022
En 2016, Eurex a lancé les contrats à terme « Total Return Futures (TRF) » en réponse à la demande croissante de produits dérivés listés en alternative aux Total return swaps. Depuis, ces TRF sont devenus des instruments utilisés par une grande variété d’acteurs à des fins (...)
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