Jean-Louis Nakamura et Jérôme Teiletche : « Les portefeuilles risk-parity apportent une véritable diversification »

Selon Jean-Louis Nakamura, CIO Asset Allocation et Jérôme Teiletche, Head of Systematic Strategies and Alternative Portfolio Construction chez Lombard Odier, l’approche Risk parity rencontre un intérêt croissant auprès des caisses de pension...

Article aussi disponible en : English EN | français FR

Qu’est ce que l’approche Risk-Parity ?

L‘approche Risk-parity s’est développée comme une alternative à la construction classique de portefeuille. C’est une approche agnostique et systématique. Elle repose sur l’idée qu’en l’absence de vues sur les actifs, le portefeuille le plus efficient est celui qui est le plus diversifié. Ainsi, cette stratégie d’investissement vise à égaliser les contributions au risque des différents composants d’un portefeuille. Le fait de diversifier en risque et non en capital est l’une des marques fondatrices de cette approche et, dans certaines situations très concrètes, cela fait une différence notable. Par exemple, si un portefeuille Global balanced classique semble diversifié lorsqu’on le regarde en capital – puisqu’il est fait de 50% d’actions et de 50% d’obligations -, sa structure est totalement biaisée puisque près de 90% de sa volatilité – et donc des fluctuations de ses rendements – viendront des seules actions.

Qui utilise cette approche ?

JPEG - 19 ko
Jean-Louis Nakamura
"les portefeuilles construits selon l’approche Risk-Parity semblent apporter des rendements ajustés au risque supérieurs aux approches plus classiques avec des drawdowns plus limités"

L’approche Risk parity rencontre un intérêt croissant et, à titre d’exemple, de plus en plus de caisses de pension redéfinissent tout ou partie de leur allocation stratégique – i.e. de long terme – autour de tels concepts. Leur motivation est que les portefeuilles construits de la sorte semblent apporter des rendements ajustés au risque supérieurs aux approches plus classiques avec des drawdowns plus limités. Pour notre part, nous avons repositionné une part désormais très importante de nos portefeuilles multi-classes d’actifs (Global Balanced) autour de tels concepts depuis près de trois ans et cela nous a permis d’afficher des performances plus régulières (et encore significativement positives cette année) dans des marchés très mouvants. Mais nous appliquons également cette approche de façon croissante au sein des classes d’actifs telles les actions ou les matières premières. Dans ce cadre, des sélectionneurs de fonds s’intéressent également à ces produits d’investissement.

De meilleurs rendements ajustés du risque : comment est-ce possible ?

Il est juste de dire que, comme pour les portefeuilles apparentés qui visent à minimiser le risque, la littérature académique n’a pas trouvé d’explications théoriques unanimes sur la raison pour laquelle ces portefeuilles semblent surperformer. Diverses explications sont toutefois avancées, valables pour les différentes approches « low risk ». Les titres à faible beta (faible risque systématique) seraient délaissés par les investisseurs qui les trouvent « trop mous » et afficheraient donc des rendements ajustés du risque supérieurs. La réaction asymétrique des marchés – notamment actions – aux bonnes et mauvaises nouvelles ferait également que, sur l’ensemble d’un cycle, mieux vaut détenir des titres à faible beta. Nul doute que la littérature académique, qui s’intéresse de plus en plus au sujet, va progresser dans sa rationalisation du phénomène mais pour le moment, c’est plus l’observation empirique et le « bon sens » associé à de tels portefeuilles qui confortent les investisseurs.

Quels sont les limites de cette approche ?

Le principal reproche qui est adressé au Risk parity est celui de sa performance qui si elle est nettement supérieure lorsqu’elle est ajustée du risque, peut apparaître moins ambitieuse dans l’absolu. Cela est toutefois contestable. D’une part, ce résultat est surtout vrai pour les portefeuilles type Global balanced et moins au sein des classes d’actifs comme les actions. Au sein des portefeuilles Global balanced, on peut de plus compenser cet effet en ayant recours à un effet de levier. Enfin, avec des performances proches de 8% sur les douze dernières années contre des rendements inférieurs à 4% pour une approche plus classique, il n’est pas certain que ce soit un point empiriquement valide. Même s’il faut reconnaître que la très forte performance obligataire liée à la désinflation et à la récurrence des crises biaisent un petit peu ces résultats.

Un autre problème est que certains investisseurs sont parfois frustrés par le caractère agnostique de ce processus, qui volontairement n’intègre pas de vues de marché. Il assimile cela à une black box quantitative. L’objectif est tout autre selon nous : il s’agit de définir un processus de rebalancement stratégique de portefeuille qui apporte une discipline non-émotionnelle et qui délivre des résultats stables. Et si elle constitue un socle de base intéressant, rien n’oblige à s’arrêter à cela.

Justement, combinez-vous cette approche avec d’autres ?

JPEG - 17.9 ko
Jérôme Teiletche
"On peut envisager de greffer des moteurs types trend-following ou des alpha basés sur la sélection de titres (type equity market neutral)"

L’approche Risk parity, qui consiste à modifier dynamiquement des positions longues dans diverses primes de risque telles les actions, les obligations ou les commodities, est favorablement combinée avec une approche tactique de type long-short qui vise à générer un alpha. Dans nos portefeuilles Global Balanced, celui-ci prend essentiellement la forme d’un alpha global macro ou GTAA, à savoir des prises de positions long et short sur des classes d’actifs traditionnelles via des instruments liquides et flexibles. On peut envisager de greffer des moteurs types trend-following ou des alpha basés sur la sélection de titres (type equity market neutral). Ces alpha peuvent être systématiques ou discrétionnaires mais il est surtout fondamental que nous ayons une totale transparence sur les portefeuilles associés afin de vérifier qu’ils se greffent bien en diversification de risque et non pas en ajout pur de celui-ci.

Jean-Louis Nakamura , Jérôme Teiletche , Novembre 2011

Article aussi disponible en : English EN | français FR

Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

  • <p>L’équi-pondération des risques ne donne pas le portefeuille le plus diversifié (le terme de diversification n’a d’ailleurs pas de définition mathématique admise). De plus, en fonction de la mesure (ayant comme propriété l’homogénéïté en poids&nbsp;: volatilité, VaR histo ou Monte Carlo, Conditional VaR,...) les résultats peuvent varier de manière conséquente. <br />Voir le très intéressant "Properties of the Most Diversified Portfolio" <a href="http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1895459" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://papers.ssrn.com/sol3/papers....</a> par TOBAM qui "optimise" la diversification (qu’ils définissent avec la volatilité).</p>

    Répondre à ce message

Focus

Stratégie Révolution indicielle dans les Hedge funds

Une critique courante des modèles factoriels repose sur le fait qu’ils ne "répliquent que le bêta" - pas l’alpha pur que recherchent les allocataires. Cette critique est antérieure à l’appréciation des rotations factorielles. L’analyse d’Andrew Beer, dirigeant et co-fondateur de (...)

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés