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Japon : entre incertitude et espoir

Selon Laetitia Baldeschi, Statégiste chez CPR AM, il est encore bien trop tôt pour parler d’échec de M. Abe. Le Japon est englué dans la déflation depuis de longues années et il semble évident que la sortie de cet état demandera plusieurs trimestres au mieux...

Que se passe-t-il au Japon depuis le début de l’année ?

La succession de données publiées au Japon depuis le début de l’année a de quoi laisser perplexe. En effet, on attendait une nette accélération de la demande extérieure avec l’affaiblissement du yen. Il n’en est rien : les exportations augmentent à peine, traduisant ainsi la faiblesse de la demande extérieure adressée au Japon. Une partie de la déception japonaise s’explique par là. En effet, l’équilibre recherché par M. Abe avec son action via « trois flèches » agissant de concert reposait en partie sur le rallumage du moteur traditionnel de la reprise japonaise, les exportations. C’était sans compter le ralentissement amplifié du monde émergent au tournant de l’année, dont l’impact sur l’économie japonaise est d’autant plus élevé que le Japon se trouve particulièrement intégré dans la zone commerciale asiatique.

Un autre phénomène a été négligé : c’est le changement de comportement des entreprises japonaises après de nombreuses années de renchérissement de leur devise, qui ont notamment développé les sites de production à l’étranger et les contrats libellés en yens.

Par ailleurs, le Japon a perdu des parts de marché pendant les années de crise, et les regagner nécessitera de longs efforts. Le piétinement dans les discussions préliminaires à la signature du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) avec notamment les Etats-Unis vient alimenter les doutes sur une accélération des exportations, qui pourraient effectivement bénéficier d’une diminution des contraintes douanières.

Pourquoi les marchés doutent-ils ?

La faiblesse de la demande externe fait reposer la stratégie de sortie de déflation sur la seule demande intérieure. Les dernières données sont très fortes, notamment en matière de consommation des ménages, mais il ne faut pas les surestimer. En effet, elles s’expliquent essentiellement par l’anticipation par les ménages des achats, notamment de biens durables, avant le relèvement de la TVA de 3 points prévu le 1er avril. Ainsi, la croissance du PIB devrait être, à l’image de ce que l’on avait pu observer en 1997 lors du dernier relèvement de taux de TVA, assez soutenue pour le 1er trimestre 2014, supérieure à 1% en variation trimestrielle selon toute vraisemblance.

La suite est beaucoup moins facile à prédire. En effet, les premières enquêtes de conjoncture portant sur l’activité en avril et après montrent un très net retournement de tendance, et un coup de frein est à attendre.

Si l’on se place de nouveau dans une perspective historique, la hausse de la TVA de 2 points de 1997 avait précipité le pays en récession. C’est là une inquiétude majeure pour les marchés, d’autant que les hausses annoncées des rémunérations fixes des salariés n’apparaissent toujours pas dans les données publiées (arrêtées à fin mars). Il est en effet difficile d’anticiper le rétablissement d’un comportement « classique » de consommation des ménages dans un environnement de perte de pouvoir d’achat, lié à la hausse des prix. Cela vient renforcer les doutes des marchés sur la viabilité de la stratégie de M. Abe.

Que peuvent faire M. Abe et la Banque du Japon ?

Il est encore bien trop tôt, nous semble-t-il, pour parler d’échec de M. Abe. Le Japon est englué dans la déflation depuis de longues années et il semble évident que la sortie de cet état demandera plusieurs trimestres au mieux. Si les marchés sanctionnent actuellement le manque de résultats, c’est aussi peut-être par ce qu’ils ont un peu surestimé les résultats espérés de la nouvelle politique. Pour le moment, la situation sur le plan intérieur est conforme aux prévisions. La seule déception vient des exportations et ne dépend pas directement de M. Abe, qui va attendre les premières statistiques postérieures à la hausse de TVA pour jauger de l’impact de cette mesure sur la confiance des ménages et des entreprises. Il projette de relever une nouvelle fois le taux de TVA de 2 points en octobre 2015 et doit donc s’assurer de la capacité de l’économie japonaise à supporter cette mesure.

Il apparaît évident qu’il n’hésitera pas à plaider auprès de la banque centrale pour que celle-ci augmente l’ampleur de ses mesures d’assouplissement quantitatif.

Selon nous, la BoJ travaille déjà sur cette hypothèse. Elle a révisé à la baisse ses estimations de croissance lors de sa réunion du 30 avril dernier et semble ouvrir ainsi une porte vers de nouvelles mesures d’assouplissement. En termes de calendrier, nous penchons pour la réunion du 12 juin au plus tôt. Elle disposera, à cette date, d’un premier jeu de statistiques concernant le mois d’avril et des indicateurs avancés pour le mois de mai.

Laetitia Baldeschi , Mai 2014

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