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Opinion
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En septembre 2023, nous évoquions, dans un Hebdo (lien), l’annulation d’une émission obligataire de l’entreprise Fnac Darty. A l’époque, elle avait jugé préférable d’utiliser une autre source de financement pour ne pas payer 6% de rendement, ce qu’elle avait jugé trop cher par rapport au taux qu’elle espérait initialement de 5.5%.
Deux raisons pouvaient alors pousser l’émetteur à une telle annulation, rare et pouvant être assez négative pour la réputation d’un émetteur si ce dernier n’a pas suffisamment de cartouche à déployer ensuite :
Notons à ce sujet que nous faisons face depuis des mois à un consensus quasi unanime sur une baisse significative des taux d’emprunts d’ici quelques mois. On peut donc aisément penser que ce consensus ait été également partagé par l’entreprise Fnac Darty… Mais force est de constater que le pari ne s’est pas avéré très efficace puisque cette semaine, la même entreprise empruntait 550M€ à un taux de 6%, soit précisément le taux qu’auraient attendu les marchés en septembre et qu’avait refusé Fnac Darty. Cette fois cependant, plutôt que de tenter le diable en proposant un taux trop bas, Fnac Darty a d’abord sondé le marché avec un taux affiché au-dessus des 6% pour le resserrer par la suite, au fil du remplissage du carnet d’ordres, pratique récurrente bien que parfois abusive sur le marché primaire obligataire.
Quelles conclusions tirer plus largement sur le marché obligataire de cette série en deux actes jouée par Fnac Darty :
Pour aboutir à une émission, certes plus importante en taille, à un taux identique à ce qu’attendait le marché mais qu’avait refusé l’entreprise et sur une maturité quasiment identique de avril 2029 au lieu de janvier 2029 prévue initialement …
Nous considérons cet exemple de Fnac Darty comme un précédent de ce qui pourrait se passer plus généralement sur le consensus qui nous donne parfois l’impression de confondre les méthodes de fabrication des taux courts et des taux longs. En effet, on entend très souvent que les taux vont baisser, ce qui est probablement vrai (bien que là encore les banques centrales ne soient pas aussi définitives que les marchés) sur le segment court terme puisqu’ils sont administrés et décidés unilatéralement par une institution monétaire.
Mais les taux longs sont eux uniquement dépendants de l’offre et la demande. Or, il existe actuellement une forte demande sur les taux longs pour trois raisons :
C’est ainsi que la courbe est toujours inversée depuis plusieurs mois et que le taux allemand 5 et 10 ans offre moins de rémunération que le taux BCE, ce qui n’était jamais arrivé à cette échelle depuis la création de l’euro, voire même depuis que l’on trouve des statistiques sur les obligations d’Etat allemand comtemporaines, c’est-à-dire les 80-90.
« Cette fois c’est différent » diront certains… Les taux négatifs aussi d’ailleurs… et on avait fini, après une période de doute, par dire que c’était différent… La correction fut douloureuse… Celle de l’inversion de la courbe pourrait l’être tout autant. A une différence près, car le portage restant beaucoup plus élevé que pré-2022 sur toutes les maturités, ce n’est donc plus forcément, comme en 2022, par des pertes en capital que l’inversion de la courbe se corrigera, bien que cela reste possible… Mais ce pourrait être plus probablement par un manque à gagner significatif pour les investisseurs qui n’auront pas eu la patience d’attendre que la courbe retrouve une logique de rémunération du risque.
En conclusion, si les marchés ont raison de penser que les banques centrales vont bien baisser leurs taux, il n’est pas certain qu’elles le fassent aussi vite et avec l’amplitude anticipée actuellement depuis des mois et il est encore moins certain que cette baisse des taux courts se propage sur une baisse des taux longs. En effet, ceux-ci ont déjà pris en compte l’essentiel de ces baisses futures de taux courts…
Ainsi, le court terme, moins risqué en termes de crédit et moins volatile en cas de stress reste le point de courbe le mieux rémunéré, et c’est celui que nous privilégions encore aujourd’hui dans nos portefeuilles.
Matthieu Bailly , 25 mars
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