Faut-il conserver ou vendre ? L’heure est-elle à l’achat ou à la vente d’actions ?

Jamil Baz, GLG Partners Chief Investment Strategist et Ben Funnel, GLG Partners Chief Equity Strategist, expliquent les deux tendances représentées chez GLG pour déterminer la direction que vont prendre les marchés et l’intérêt ou non d’investir aujourd’hui en actions…

Introduction

Début 2011, les experts affichaient des avis opposés sur les perspectives des marchés financiers. La majorité semblait penser que les rendements des emprunts d’État ne pouvaient pas baisser davantage et que les actions auraient une année très positive, grâce à la locomotive des marchés émergents. Néanmoins, certaines voix discordantes se faisaient entendre, selon lesquelles le contexte économique allait certainement se dégrader et donner une année très difficile pour les actifs risqués.

Dans les faits, les esprits haussiers étaient largement en tête à la fin du premier semestre : l’indice FTSE 100 avait dépassé les 6 100 points, le DAX allemand approchait le seuil des 7 500, et le Dow Jones Industrial Average dépassait les 12 000 points. Toutefois, à la fin juillet, un sentiment baissier menaçait lourdement, et la volatilité a sensiblement augmenté depuis.

Les marchés n’ayant toujours pas trouvé d’orientation durable après un automne perturbé, GLG a invité plusieurs trustees de fonds de pension et consultants en investissement à assister à une soirée de débat fascinant entre les deux tendances représentées chez GLG pour déterminer la direction qu’allaient prendre les marchés. Vous trouverez ci-après un résumé de leurs interventions respectives.

La situation est désespérée mais pas grave !

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Jamil Baz

Selon Jamil Baz, beaucoup de choses ont changé depuis 2007, mais en définitive, rien n’a changé. Le ratio américain Dette totale/PIB ressortait à 350% à l’époque, et malgré plusieurs interventions de la banque centrale, il est toujours proche de ce niveau. D’ailleurs, c’est l’endettement, plus que l’Europe, qui constitue le problème majeur. Même si la crise de la zone euro, que Jamil qualifie de « question urgente » trouve une solution, le processus de désendettement, impératif et douloureux, n’a toujours pas vraiment commencé, comme le montre le graphique suivant.

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Endettement : le problème majeur – ratio Dette totale/PIB américain

Si, comme Harold Wilson l’a dit avec esprit, « une semaine peut paraître très long en politique », pour les marchés financiers, c’est parfois une éternité, Jamil pense donc que la résolution de la crise financière prendra « une éternité ». Sachant qu’un ratio Dette totale/ PIB de plus de 200% n’est pas tenable, l’objectif des autorités américaines doit être une réduction de la dette de 150 points de base au minimum. Or, même si le désendettement se fait à un rythme de 10 points de base par an, ce qui serait déjà énorme, cela prendra 15 ans avant que l’économie américaine se rapproche de la normale. Et dans les faits, cela signifie 15 ans de croissance économique inférieure à la moyenne.

La colonne de gauche du bilan est bien maladroite, et la colonne de droite n’a rien. Mais elles restent égales l’une à l’autre, donc en termes de comptabilité, tout va bien !
Jacob Frenkel, Vice Chairman d’AIG

Cet exemple d’humour noir semble tout à fait adapté à ce stade, parce qu’il illustre bien le fait que rien ne va plus en termes d’endettement, qu’il s’agisse d’endettement public, corporate ou privé. Par conséquent, même si les réactions politiques semblent porter leurs fruits, et parviennent d’ailleurs à déclencher des rebonds à court terme sur les marchés, cette relance artificielle reste loin de résoudre le noeud du problème.

Ainsi, l’assouplissement quantitatif peut, comme par magie, faire apparaître de la monnaie, laquelle peut ensuite servir à racheter des dettes. Néanmoins, le problème fondamental n’est pas tant une pénurie de liquidités que l’absence de garantie. Les banques centrales ne peuvent pas créer de capital – seule une économie dynamique en est capable ; et un endettement dévastateur engloutira une part notable du PIB. En outre, les dépenses étant réduites simultanément de toutes parts, le monde développé se prépare à affronter un scénario de type japonais.

Les actifs risqués seront enterrés pendant la période à venir et la prime de risque qui prévaut pour les actions (environ 2,5%), est loin d’être suffisante pour justifier un investissement sur les marchés actions.
Jamil Baz

Pour conclure, Jamil, qui pressent que les actifs risqués seront enterrés pendant la période à venir, souligne que la prime de risque qui prévaut pour les actions (environ 2,5%), est loin d’être suffisante pour justifier un investissement sur les marchés actions.

Être short en risque serait dangereux actuellement

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Ben Funnell

Ben Funnell a commencé en déclarant que, à de nombreux égards, il était pleinement d’accord avec Jamil. Il a observé, par exemple, que la production industrielle grecque avait chuté de 35% depuis le début de la crise, ce qui, à titre de comparaison, équivaut à 65% de l’effondrement de production subi aux États-Unis lors de la Grande Dépression. Il convient donc de ne pas sous-estimer la gravité de la situation macroéconomique.

En termes économiques, deux forces majeures en présence semblent être vouées à entrer en collision : le désendettement, qui est massivement déflationniste, et l’assouplissement quantitatif, extrêmement inflationniste. Une inflation élevée est tout aussi mauvaise pour les actions qu’une déflation marquée, mais tant que la déflation sera la crainte dominante, la détermination des autorités à tenter de relancer l’économie (par l’assouplissement quantitatif) peut être considérée comme un facteur haussier. Par conséquent, la politique des banques centrales aura vraisemblablement un impact sensible sur l’orientation économique et sur l’évolution du marché actions. Il semble donc probable que, dans les années à venir, nous observerons des cycles plus courts mais de plus grande amplitude, ce qui créera des opportunités pour les investisseurs en actions. S’agissant de la valorisation des marchés actions, Ben a rappelé qu’il était erroné de se baser sur le PER actuel (qui semble indiquer que les cours des actions ne sont pas exagérés) car les résultats seront très certainement révisés à la baisse dans les prochains temps. À sa place, Ben plaide fermement en faveur du P/E de Shiller, qui compare le cours de l’action aujourd’hui à la moyenne mobile des résultats sur 10 ans (ce qui supprime la cyclicalité). Sur cette base, les actions américaines semblent très chères, à 19, tandis que les titres européens paraissent plus attrayants, à 12. En fait, si les marchés boursiers européens perdaient environ 30% par rapport à maintenant, les opportunités sur le marché des actions commenceraient à être très sérieuses en termes de P/E de Shiller. En outre, bien que les efforts de relance économique n’abordent pas forcément le problème structurel, il est amplement prouvé qu’ils peuvent avoir un impact cyclique notable. S’il est en mauvaise posture depuis plus de 20 ans, l’indice Nikkei du Japon a enregistré pendant cette période quatre reprises dont l’ampleur dépassait 50%. Trois ont été tirées par les politiques reflationnistes du gouvernement, et une a duré plus de deux ans, résultant en une hausse de près de 120%.

Ben plaide fermement en faveur du P/E de Shiller, qui compare le cours de l’action aujourd’hui à la moyenne mobile des résultats sur 10 ans (ce qui supprime la cyclicalité). Sur cette base, les actions américaines semblent très chères, à 19, tandis que les titres européens paraissent plus attrayants, à 12.

Plus récemment, nous avons vu que les cycles d’assouplissement quantitatif avaient eu un impact significatif sur les cours des actions américaines, comme l’illustre le graphique ci-après. Cela prouve que les actifs à risque sont très sensibles à un changement même marginal, quel que soit le contexte de fond.

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L’assouplissement quantitatif peut déclencher un rebond des actifs à risque

Pour résumer, Ben a procédé à un vote à main levée et seuls 6% du public ont admis se sentir optimistes sur les actions. Ben a indiqué que cela représentait bien le sentiment chez les gestionnaires d’actifs, les gérants long only étant extrêmement prudents, alors que les gérants long/short n’utilisent en général que 50% de leur budget de risque. Ben a laissé entendre que les mesures simultanées d’assouplissement quantitatif prises par la Banque d’Angleterre, la Réserve fédérale, la Banque du Japon, la Banque nationale suisse et la Banque centrale européenne pourraient être le catalyseur d’un rebond marqué des actions à court terme. D’ailleurs, une reprise plus solide et plus durable pourrait intervenir si le mouvement de hausse initial inspirait un changement de sentiment et un repositionnement des portefeuilles. Ben en a donc conclu qu’il était potentiellement dangereux actuellement d’être short en risque.

Résumé

Naturellement, lorsque Ben a pressenti qu’une intervention monétaire coordonnée pourrait déclencher un rebond marqué des cours, il ne s’attendait pas à ce que l’avenir lui donne raison si rapidement. Néanmoins, même au regard des graves difficultés économiques évoquées avec éloquence par Jamil, un changement politique peut provoquer une forte réaction positive – un scénario qui lance un vrai défi aux investisseurs. Comment peuvent-ils saisir des opportunités de court terme potentiellement lucratives tout en évitant ou en atténuant le type de retournement marqué qui pourrait éroder leurs objectifs d’investissement à long terme ?

Ben Funnel , Jamil Baz , Janvier 2012

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